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La meute à l'Université Paris 7

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La meute
à l'université Paris 7

Entretien avec Michel Muselli*

Section 1

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9 mars 2020

Première partie: la formation d'une meute
Justice: classement sans suites pour F. Benslama
Cf. Préface

 

-Michel Muselli : Les attaques contre toi et contre l’UFR d’Études psychanalytiques de l’université Paris 7 ont créé beaucoup de remous dans le milieu psychanalytique depuis plusieurs mois. Mis à part quelques communiqués, tu as gardé le silence, alors que tes ennemis ne se sont pas privés de diffuser des propos te mettant en cause. Pourquoi ce silence et qu’est-ce qui t’as amené aujourd’hui à accepter d’en parler ?

 

-Fethi Benslama : J’avais en effet décidé de ne répondre aux diffamations et aux dénonciations calomnieuses que par la voie de la justice, de respecter l’instruction qu’elle soit judiciaire ou administrative, ainsi que je l’indiquais dans un communiqué le 6 novembre 2018 (Doc. n°1). J’étais sûr que le caractère mensonger des accusations serait révélé au grand jour assez vite. Or, la justice est très longue à se prononcer et l’enquête de l’IGAENR, qui s’est étirée sur 10 mois, s’est révélée un simulacre d’impartialité. Il y a quelques jours, mes ennemis qui s’acharnent sur moi depuis 15 mois avec des procédés qui ne reculent devant rien, ont poursuivi leurs attaques en faisant circuler plusieurs versions de pseudos résultats de cette enquête avec à nouveau des propos diffamatoires. Tout en les poursuivant en justice, j’ai décidé de sortir de ma réserve et de dire ce qui s’est passé à destination de ceux qui veulent savoir avec des documents qui corroborent mes propos, qu’on trouvera ici en cliquant et dans la partie: Annexes et documents.

 

1. § - Les attaques de G. Pommier

 

- M. Muselli : Pour commencer, peux-tu nous donner une chronologie succincte de cette affaire, quand a-t-elle commencé et quels en sont les protagonistes ?

 

- F. Benslama : Cette affaire a démarré par un mail le 25 septembre 2018 de Gérard Pommier, psychanalyste et professeur à la retraite, mais en réalité cela avait commencé quelques mois auparavant à l’université, à ce moment-là je ne le savais pas encore. Dans ce mail (Doc. n°2) diffusé en grand nombre dans le milieu psychanalytique, G. Pommier dénonçait l’organisation « des états généraux psy sur la radicalisation », dont j’étais le président du comité d’organisation, en évoquant le refus de sa proposition d’intervention par ce comité, refus qu’il a très mal pris. Il critiquait les orientations des états généraux, ce qui est légitime, même s’il caricaturait mes positions ; il m’accusait également de harcèlement sexuel et d’abus de pouvoir dans mes fonctions de directeur de l’UFR d’Études psychanalytiques (EP) à l’université Paris 7. Il prétendait que j’ai déjà été condamné, ce qui est totalement faux. Je dois dire que je suis tombé des nues devant ce mail très violent qui a surpris tout le monde. J’ai décidé sur le conseil de mon avocate, Me Valentine Rebérioux, de l’assigner pour diffamation devant le tribunal de Grande instance de Paris. Le procès était prévu pour le mois de juin 2020, plus d’un an et demi après la plainte, mais avec le confinement il a été retardé au mois de novembre 2020, trois ans après les faits, ce qui est excessif et pourraient caractériser une atteinte à l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. [Précision ajouté le 8 juillet 2020]. Pendant ce temps, G. Pommier et ses acolytes ont poursuivi leurs  attaques et rien ne pouvait les arrêter juridiquement.

 

- M. Muselli : Pourquoi la proposition d’intervention de G. Pommier a-t-elle été refusée ?

 

- F. Benslama : Le comité a lu l’intervention qui lui fut adressée, où il traite du discours guerrier dans Les Évangiles et dans Le Coran. Ce n’était pas l’objet des états généraux qui portaient sur les enseignements que des psychiatres, des psychologues cliniciens, des psychanalystes ont pu tirer de leurs rencontres avec des personnes dites « radicalisées » ou engagées dans le jihâd. Ceci étant, G. Pommier allait à la louche concernant Les Évangiles et Le Coran, le thème guerrier est un sujet largement traité par ailleurs, son texte était truffé d’erreurs grossières en tous genres. Manifestement, il a été au plus vite et n’avait pas jugé utile de consulter ne serait-ce que quelques travaux sérieux sur la question. Ceux qui connaissaient le sujet pouffaient sans cesse de rire en lisant son texte.

 

- M. Muselli : Tu lui a communiqué cette appréciation ?

 

- F. Benslama : Non, le refus a été signifié par une lettre respectueuse, qui indiquait simplement que le discours guerrier dans Les Évangiles et dans Le Coran ne correspondait pas à la visée des états généraux psy, dont l’appel à communication énonçait très clairement les axes d’intervention sur le plan clinique.

 

- M. Muselli : Quelles étaient les divergences théoriques et politiques avec G. Pommier ?

 

- F. Benslama : Dans le mail en question, G. Pommier prétendait que je considère les radicalisés et les jihadistes comme des malades, ce qui est faux. Cela fait plus de trente ans que mes travaux portent sur l’état de guerre dans l’islam, une guerre civile, religieuse et politique à la fois, qui a pris une dimension planétaire, car le front n’était pas seulement les idées et les territoires, mais le sujet de l’islam en tant que tel, là où il se trouve. En outre, pendant 15 ans, j’ai travaillé au cœur des quartiers de la Seine-Saint-Denis dans la protection de l’enfance, je connaissais bien les jeunes qui se radicalisent et veulent aller faire le jihâd. Certains d’entre eux étaient très perturbés, mais pas tous, ce n’est pas un ensemble homogène. Mes travaux ont donné lieu à de nombreuses publications en France et à l’international. G. Pommier prétendait me donner des leçons à ce sujet et procédait d’une manière qui consiste à contrefaire mes idées pour me brocarder. Dans un deuxième mail, au lendemain du premier (Doc. n°3), en apprenant que je déposais plainte, il a menacé que si je poursuivais mon action en justice, ses accusations parviendraient à « Me too » et à « Balance ton porc ». La protestation contre la violence faite aux femmes devient une arme de chantage et de calomnies infâmes. Dans l’un des envois massifs qui ont suivi (Doc. n°4), il m’accusait de compromission avec l’État français qui a accordé une subvention pour l’organisation des états généraux et faisait le rapprochement avec des criminels et des tortionnaires, tel que le psychanalyste Amilcar Lobo au Brésil, au service du régime fasciste. C’était grotesque, tout l’inverse de ce que sont mes engagements ; en outre l’assimilation de l’État de droit français à celui du fascisme montrait bien à quelle outrance G. Pommier pouvait aller.

 

- M. Muselli : Il ne te connaissait pas ?

 

- F. Benslama : Si, quelques semaines auparavant, il m’avait envoyé un mail élogieux à propos de mon livre avec Khosrokhavar sur Le Jihadisme des femmes (Seuil, 2017). Il n’a pas supporté le refus de sa proposition d’intervention. A supposer qu’il ne me connaissait pas suffisamment, il suffit de lire un peu sur internet pour voir les combats que j’ai menés contre la double oppression des islamistes et des régimes des pays arabes, en faveur des minorités et pour l’émancipation des femmes. En témoigne aussi la création du Manifeste des libertés en France (2004). Ma Déclaration d’insoumission à l’usage des Musulmans et de ceux qui ne le sont pas (Champs Flammarion, 2005), rassemblait tous ces engagements. Mes travaux sur l’islam m’avaient exposé à des risques permanents, comme beaucoup d’intellectuels du monde musulman. J’ai fait l’objet de menaces et d’intimidations récurrentes. Pendant les périodes de crises, comme avec l’affaire Rushdie, la guerre civile en Algérie et ses retombées en France, ou plus récemment les attentats entre 2015 et 2017, il y avait des soirs où je n’étais pas sûr de rentrer indemne chez moi à Saint-Denis. Or, voici qu’un révolutionnaire tape à l’œil proclamant un marxisme sommaire, à l’abri de l’État de droit dont il dénonçait ma compromission avec lui, prétend me juger et me condamner.

 

- M. Muselli : D’après ce que j’ai lu, il revendique le statut de lanceur d’alerte.

 

- F. Benslama : Cela n’avait rien à voir avec le lanceur d’alerte qu’il a prétendu être après-coup. Le lancement d’alerte obéit à des règles, à une méthodologie, il suppose la bonne foi, cela ne consiste pas à accuser quelqu’un en particulier, mais à révéler une menace qui affecte l’intérêt général. Il ne s’agit pas de juger coupable telle ou telle personne et de préconiser des sanctions, comme le faisait G. Pommier à mon encontre, tel un procureur. Bref, il était plutôt un délateur qu’un lanceur d’alerte.

 

- M. Muselli : Mais pourquoi la polémique s’est-elle poursuivie et a-t-elle dégénéré à ce point ?    

 

- F. Benslama : Il n’y a pas eu de polémique de mon côté, j’avais décidé de m’en tenir aux poursuites que j’avais engagées. Je ne répondais pas aux invectives de G. Pommier. Il a continué à diffuser un mail chaque semaine avec des attaques allant crescendo comportant des accusations de toutes sortes : violences physiques, sexuelles, morales, qu’il a étendues ensuite à d’autres collègues de l’UFR d’Études psychanalytiques qui avaient pris ma défense. Les mensonges et les diffamations se sont poursuivis à travers les envois d’une fausse agence d’information, appelé « Infonews », logée à une adresse inexistante. Elle diffusait des informations qui correspondent à ce qu’on appelle des fake news me concernant, ainsi que l’université. Ses messages ressemblaient beaucoup aux invectives de G. Pommier ainsi que la forme du support proche de l’Association pour la psychanalyse (APLP) qu’il présidait, dont la majorité des membres du bureau ont démissionné. Sa rage était d’autant plus grande qu’il rencontrait beaucoup de désapprobation dans notre milieu. Il mobilisait ses proches dont d’anciennes analysantes.

 

- M. Muselli : Des analysantes !

 

- F. Benslama : En effet, ce n’était pourtant pas des novices, toutes plus de la cinquantaine, mais la servitude n’a pas de limite d’âge et l'analyse peut produire de la soumission. Il a publié une pétition contre moi avec des noms de signataires dont, vérification faite, plusieurs d’entre eux n’avaient pas donné leur accord (Doc. n°5). Il annonçait qu’une vingtaine de plaintes allait être déposée contre moi. Il accusait la présidente de l’université de me protéger, malgré mes méfaits supposés. En même temps, sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes reprenaient ses accusations dans un déchainement injurieux et haineux inouïs. Des inscriptions sont apparues sur les murs de l’UFR, à quelques mètres de mon bureau, telle que « Benslama violeur ». J’étais abasourdi.

 

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Michel Muselli est psychologue clinicien

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Section 2

2.  § - Une orchestration interne à l’université

 

- M. Muselli : Donc ce n’était pas G. Pommier seulement …

 

- F. Benslama :  En effet, je ne l’ai pas compris au début. Progressivement, j’ai commencé à réaliser qu’il y avait une orchestration à laquelle participaient plusieurs personnes, dont l’une des plus remarquées au début par sa virulence était Marina Koussouri, une ancienne chargée de cours, qui tenait des propos orduriers à mon égard (Cf. plus loin), dont j’ai transmis les preuves à la justice dans ma plainte pour dénonciations calomnieuses. En même temps, les doctorantes dont je dirigeais les travaux étaient harcelées pour témoigner contre moi. Aucune n’a cédé aux pressions, et pour cause, mes relations avec elles étaient sans ambiguïté, fondées sur le respect et l’intérêt pour la recherche. L’une des doctorantes, que je vais désigner par les initiales W.N (je tais son identité, car elle a subi un harcèlement intense touchant même sa famille, qui l’a conduite jusqu’aux urgences psychiatriques, j’y reviendrai) m’a écrit pour m’alerter (Doc. n°6). C’est là que j’ai commencé à comprendre qu’il y avait « une cabale », préparée d’abord de l’intérieur de l’université, qui a fait jonction avec G. Pommier. 

 

- M. Muselli : Qui a monté ce que tu appelles « une cabale » ?

 

- F. Benslama : Le mot « cabale » n’est pas de moi, mais évoqué par un enquêteur devant mon collègue Thierry Lamote. Personnellement, je ne savais pas comment qualifier ce qui arrivait pendant un long moment. Mais par la suite, je suis tombé sur des travaux de chercheurs qui ont désigné ce qui se passe dans des cas semblables, sous le nom de « mobbing » (Doc. n°7). Ce terme vient d’un verbe anglais qui signifie « assaillir », « the mob » désigne la foule, la masse. J’ai traduit cela par la notion de « meute », car cela correspondait à la réalité. Le « Mobbing » est donc l’effet d’une meute qui vise la destruction de quelqu’un, un collègue la plupart du temps.

 

- M. Muselli : La destruction ?

 

- F. Benslama : C’est clair, ce n’est pas une petite querelle qui s’est éteinte rapidement, il y a une volonté de me détruire avec un acharnement qui dure depuis septembre 2018, jusqu’à aujourd’hui.

 

- M. Muselli :  Qui d’autre en plus de G. Pommier participait à ce que tu appelles « la meute » ?

 

- F. Benslama : La première personne que j’ai identifiée grâce à W.N est Rachida Lemmaghti, une administrative du « Pôle égalité femmes-hommes ». Il s’agit d’un bureau créé par l’université Paris 7, dont la mission était de promouvoir et de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes à l’université. Dans les SMS que R. Lemmaghti avait envoyé à W.N (Doc. n°8), elle cite d’autres noms dans le coup : « Laure (Westphal), « Marina » (Koussouri) et Kim (Marteau), mais la liste va s’allonger par la suite. Je découvrirai plus tard que derrière la meute de l’université Paris 7, le véritable initiateur et meneur était François Villa, un collègue de l’UFR d’Études psychanalytiques, à l’époque Vice-Président du Conseil d’administration de l’université (VP-CA), autrement dit occupant la deuxième fonction dans la hiérarchie de l’université, après celle de la présidente. Il était en accointance avec R. Lemmaghti, ainsi que quelques collègues de l’UFR que je dirigeais. Il transmettait également un mélange d’informations vraies et fausses à G. Pommier.

 

- M. Muselli : Quels étaient les motifs de R. Lemmaghti et de F. Villa, pourquoi se sont-ils lancés dans cette entreprise ?

 

- F. Benslama : Pour R. Lemmaghti, je ne suis pas sûr de bien comprendre tous ses motifs, je ne l’ai rencontrée que quelques fois à l’université, aucun conflit n’existait avec elle.  Il me semble qu’elle voulait se prévaloir d’un tableau de chasse à l’homme dans le contexte de « MeToo » et de « Balance ton porc », en accusant un professeur, directeur d’une UFR, connu dans l’université et en dehors. Elle savait qu’elle dépassait sa fonction en cherchant à recruter destémoins contre moi, comme le montre le SMS du document n°8. Elle a été très loin dans la fabrication de témoignages calomnieux. En mars 2019, lorsque l’affaire a pris beaucoup d’ampleur, une ancienne responsable administrative à la retraite de l’Institut Humanités et Sciences dont j’ai porté le projet avec des collègues en 2011 à l’université Paris 7, m’a adressé un mail (Doc. n°9), où elle écrit :

« Elle [Lemmaghti] m’a dit : « Tu as rencontré quelques difficultés dans ton travail et tu te souviens quand Fethi t’a fait tomber dans le couloir (8e étage du Bât. C des Grands Moulins) ». Je lui ai répondu « ça ne va pas, Fethi ne m’a jamais fait tomber et qu’en plus il n’était pas à l’Institut ; le sol avait été récemment nettoyé-ciré et j’ai glissé toute seule ». J’ai fait d’ailleurs une déclaration d’accident du travail. Elle m’a demandé si je pouvais porter plainte contre Fethi Benslama. Elle m’a également proposé de m’aider dans la rédaction de cette plainte, proposition que je trouvais déplacée puisque j’ai rédigé des rapports, des PV de CA ».

C’est un exemple de la méthode employée dans l’ensemble du dossier que R. Lemmaghti a constitué, auquel F. Villa a probablement participé connaissant bien les personnes qui ont eu des conflits avec moi au cours des 10 années de ma direction de l’UFR, ou qui ont connu l’échec dans leur trajet professionnel à l’université, en les incitant à s’engager dans un processus de représailles. Dans ses mails, G. Pommier a parlé de l’existence d’une note adressée à la présidente de l’université me concernant, son auteur est sans aucun doute R. Lemmaghti. Ma demande de communication de cette note à la présidente par l’intermédiaire de mon avocate s’est heurtée à un refus au nom du secret de l’enquête. Il est certain que c’est R. Lemmaghti qui a adressé un dossier à Lénaïg Bredoux, journaliste à Mediapart, ce qui a donné lieu à un article. 

 

- M. Muselli : On viendra plus tard à cet article, restons pour le moment sur les motivations.

 

- F. Benslama : Je dois préciser à propos de R. Lemmaghti qu’elle a quitté subitement l’université, une fois la meute lancée. Selon certaines sources, elle a devancé des sanctions qui allait être prises contre elle pour les dépassements de sa fonction et la communication de ladite note à Mediapart. Il est possible aussi que ce soit un compromis avec la direction des ressources humaines, dont l’un des objectifs est de protéger ses supérieurs hiérarchiques : F. Villa et Anne Kupiec, Vice-Présidente chargée des ressources humaines, qui était au courant de ce qui se tramait dans le Pôle égalité femmes-hommes (PEFH). Je ne sais pas jusqu’à quel point Anne Kupiec a contribué au montage de l’affaire. De toutes façons, la meute était lancée et R. Lemmaghti était dépassé par ce qu’elle a fait. 

 

3. § - Le rôle de François Villa

 

- M. Muselli : Qui est F. Villa, quel but poursuivait-il ?

 

- F. Benslama : F. Villa est un collègue qui a travaillé avec moi au sein de la direction de l’UFR, il a occupé des fonctions importantes : adjoint du directeur et responsable du master. Nous nous connaissons depuis les années 80, ayant été tous deux doctorants de Pierre Fédida. Lorsque Vincent Bergé et moi avions gagné les élections du CA de l’université en 2011, j’ai été élu Vice-président du Conseil d’Administration pendant peu de temps. J’ai proposé de céder ma place contre la Vice-présidence des finances de l’université pour F. Villa, qui était encore maitre de conférences. Je ne voulais pas occuper une fonction lourdement administrative à l’université comme celle de V.P-CA. Le fait qu’un membre de l’UFR d’Études psychanalytiques, l’une des plus petites composantes de l’université (36 enseignants chercheurs titulaires) accède au pilotage de la politique des finances, conférait à notre UFR un poids important dans les rouages de l’université, ce qui fut le cas. C’est de la politique institutionnelle. Pendant mes deux mandats de direction de l’UFR, à la suite des élections remportées avec V. Berger, la représentation institutionnelle de notre département a atteint un haut niveau, inégalé. Il était d’ailleurs disproportionné par rapport à sa taille, quand on songe que rien que dans notre secteur, il y avait des UFR de 150 membres. En 2011, à partir des élections remportées, notre UFR disposait de deux membres au CA, a obtenu une grande vice-présidence, celle des finances, et une mission de premier plan pour créer un institut interdisciplinaire qui m’a été confié par le président Berger.

 

- M. Muselli : comment se fait-il que F. Villa, un psychanalyste, ait pu s’occuper des finances de l’université ?

 

- F. Benslama : Le président, Vincent Berger, avait des doutes au début concernant les capacités de F. Villa à mener la mission, mais ce dernier a très bien rempli cette fonction de pilotage politique des finances pendant trois ans et a acquis une grande connaissance du système universitaire. Je savais que F. Villa avait initialement une formation technique dans une banque et qu’il saurait tenir son rôle. Il faut dire qu’il était assisté par une direction entière du budget, son rôle étant de veiller à ce que les orientations du CA et du président soient respectées et exécutées.

 

- M. Muselli : Vos relations étaient bonnes à l’époque ?

 

- F. Benslama : Très bonnes, comme je l’ai indiqué, F. Villa était encore maître de conférences qui cherchait une reconnaissance institutionnelle, il était loyal, il se mettait au service d’un projet collectif.

 

- M. Muselli : Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

 

- F. Benslama : En 2013, nous l’avons choisi pour préparer l’évaluation de notre laboratoire « Le Centre de recherche psychanalyse, médecine et société » (CRPMS) par l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (AERS), il s’agit d’une autorité indépendante, qui a changé de nom et devenue par la suite HCERES.  Ce faisant, il était destiné à remplacer Alain Vanier qui voulait passer le relais de la direction du Laboratoire. Les collègues m’ont proposé d’abord cette direction, mais je ne voulais pas entrer dans un jeu de chaises musicales. Je souhaitais surtout poursuivre la direction de l’UFR pour réaliser le regroupement avec d’autres composantes qui permettraient à la psychanalyse d’être plus en sécurité institutionnelle à l’université. Je prévoyais en effet, des temps difficiles avec les fusions entre universités qui se profilaient à l’horizon. Mais à ce moment-là, rien ne laissait encore présager la suite. Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce qu’il a prétendu ces derniers temps, F. Villa a collaboré étroitement avec Alain Vanier, avec moi et avec les autres collègues à la gestion de l’UFR EP pendant des années, avant de se retourner contre nous, et plus particulièrement contre moi avec la formation de la meute et ses attaques, à quelques mois de mon départ à la retraite.

 

- M. Muselli : Quand s’est produit ce retournement et pourquoi ?

 

- F. Benslama : Après quelques mois de direction du Laboratoire, F. Villa a décidé de quitter cette fonction pour prétendre à celle de Vice-président du CA de l’université. Faire ce choix, vouloir quitter la direction du premier centre de recherche universitaire de psychanalyse en Europe, est tout à fait significatif de son ambition, qui visait le pouvoir politico-administratif plutôt que la recherche et l’enseignement universitaires. F. Villa espérait devenir président de l’Université, il me l’avait dit. Pendant les quelques mois de direction du laboratoire, il a montré un penchant autoritaire, en essayant de contrôler l’activité de publication et d’organisation de colloques des chercheurs, en intimidant des doctorants et des jeunes chercheurs. Il s’est attiré beaucoup d’hostilité. Aussi, lorsque la présidente de l’université l’a adoubé à la fonction de Vice-président du CA, après une longue hésitation, ce fut un soulagement pour la majorité des collègues qu’il ait lâché la direction du Laboratoire.

 

- M. Muselli : Pourquoi la présidente avait-elle longuement hésité ?

 

- F. Benslama : La présidente, Christine Clerici, est quelqu’un de très prudent, elle se méfiait de F. Villa, mais il lui fallait un V-P CA du secteur Lettres, Sciences humaines et sociales (LSHS), pour équilibrer la gouvernance de l’université entre les secteurs. Elle était de médecine, la V-P Recherche appartenait aux sciences du vivant, le secteur LSHS qui compte 450 enseignant-chercheurs devait être représenté à la présidence. Il faut avoir à l’esprit que Paris 7, c’était 1500 enseignants-chercheurs et chercheurs. Au final, elle s’est décidée pour F. Villa à cause de sa connaissance de l’université pendant les années où il a été V-P Finances.

 

- M. Muselli : Mais alors qu’est-ce qui s’est passé, normalement cette nomination devait accroitre vos capacités et mieux protéger la psychanalyse à l’université.

 

- F. Benslama : F. Villa voulait en réalité conserver une direction de fait de notre Laboratoire, le CRPMS, à travers un directeur prête-nom qui serait un exécutant de ses décisions et qui lui céderait ensuite sa place lorsqu’il aurait terminé son mandat de Vice-Président du CA. Mais le cumul entre Vice-présidence et direction d’un laboratoire n’est pas permis à l’université, car il implique des conflits d’intérêt importants. D’autre part, pour les collègues, diriger la recherche dans le Laboratoire avec le pouvoir du V.P-CA est un excès intolérable. C’est là le démarrage du conflit entre F. Villa et la majorité des membres de l’UFR, et en premier lieu avec Alain Vanier et moi. Mais, il y avait en même temps un enjeu de fond qui s’est dévoilé progressivement à l’arrière-plan de ce problème de cumul. F. Villa était dans l’optique d’accroître l’alliance entre la recherche psychanalytique à l’université et la médecine, car le pouvoir appartient au secteur médical par le nombre d’enseignant-chercheurs qui sont en même temps des praticien-hospitaliers (PU-PH et MCU-PH), environ 600 à Paris 7, et par les moyens financiers. Or, grâce à Danièle Brun qui a eu l’idée d’établir des liens permanents entre psychanalyse et médecine à l’université en créant le CRPM (Centre de recherche psychanalyse et médecine) et à Alain Vanier, qui est aussi psychiatre, en prenant la suite de D. Brun à la direction du Laboratoire, nous avions déjà une forte collaboration avec la médecine, mais prudente, prenant toujours des précautions, amenant les médecins éclairés à un débat avec nous sur nos paradigmes. Il y avait en effet, le risque que cette collaboration devienne une dépendance dangereuse, lorsque des projets de recherche placent la psychanalyse en position d’auxiliaire, apportant un supplément d’âme à la recherche médicale. Avec Alain Vanier et l’équipe, nous avions veillé sur cet aspect en nous gardant de l’assujettissement. Nous voulions aussi préserver l’équilibre avec l’autre aile du Laboratoire qui représente le lien entre la psychanalyse et le social. Car, entre-temps, au CRPM s’est ajouté le « S » de social, lorsque l’équipe du CNRS « Psychanalyse et sciences sociales », dirigée par Markos Zafiropoulos, a été dissoute et que ses membres ont rejoint le CRPM. Dans sa quête du pouvoir, F. Villa voulait accroître d’une manière risquée les liens du CRPMS avec la médecine. Pour revenir à l’enjeu institutionnel, la présidente ne pouvait pas laisser son second bénéficier d’un cumul aussi intolérable et inédit aux yeux des chercheurs et enseignants de l’université. Lorsque la présidente de l’université a pris un arrêté pour remettre Alain Vanier à la direction du laboratoire, F. Villa a considéré que c’était à mon instigation, ce qui est faux. C’est là qu’il y a eu une bascule dans l’inimitié.

 

- M. Muselli : En général, quand il y a un phénomène de basculement, c’est qu’il y avait une accumulation…

 

- F. Benslama :  C’est vrai. F. Villa a commencé vers 2013 à entrer dans une logique de rivalité avec moi. Beaucoup de collègues le voyaient, c’était gênant, mais je ne donnais pas trop d’importance à cela. J’étais élu par mes collègues, lui pas, j’avais une grande majorité dans les votes. On s’est aperçu par la suite, qu’en fait, il nourrissait l’ambition de devenir « le patron de la psychanalyse à l’université », ambition exprimée telle quelle devant des tiers. Jusque-là, personne n’avait osé proclamer son ambition dans ces termes, ceux qui ont fondé l’UFR, nos maîtres, se sont bien gardés de plastronner de cette manière, même s’ils étaient des mandarins. « Patron » est un terme péjoratif à l’université d’aujourd’hui, il connote une position de commandement versus obéissance inacceptable pour les enseignants et les chercheurs.

 

- M. Muselli : Mais la lutte pour le pouvoir existe à l’université …

 

- F. Benslama :  Bien sûr, où ça n’existe pas ? Le pouvoir relatif à la direction d’une UFR ou d’un laboratoire est cependant très limité, il est souvent perçu comme une charge qui absorbe une partie de l’énergie de celui qui la porte au détriment de ses travaux. La fonction est conçue comme un moyen au service d’un projet et non comme une fin. L’idée du service public et du bien commun était très forte à l’université Paris 7, qui a une histoire étroitement liée aux idéaux de 68. C’est une université qui s’est créée en opposition au modèle de la Sorbonne, j’y suis arrivé en 1972 comme étudiant, c’était prodigieusement intéressant et d’une richesse intellectuelle extraordinaire. Quand j’ai accédé au professorat, le pouvoir des mandarins, déjà décrié à Paris 7, était fini.

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Section 3

4.§ - La situation dans l’UFR d’Études psychanalytiques

 

- M. Muselli : Pourquoi as-tu été élu à la direction de l’UFR ?

 

- F. Benslama :  J’ai été élu en 2007 sur le projet de refondation de l’UFR et sa restructuration (Doc. n°10). L’UFR qui s’appelait encore « UFR Sciences humaines cliniques », pour prestigieuse qu’elle était par son orientation psychanalytique avec la formation de psychologues cliniciens, souffrait d’un mauvais état institutionnel, elle était pauvre, mal organisée, en marge de l’université. Le redressement était urgent, car nous pressentions que les temps étaient en train de changer et qu’il n’y aurait plus de place assurée dans l’université. Pourquoi moi ? J’étais au bon endroit et au bon moment. Paul-Laurent Assoun, qui avait dirigé l’UFR pendant deux mandats (10 ans), ne pouvait plus aller au-delà. Les directeurs des laboratoires et les collègues avaient constaté que j’avais des aptitudes à l’organisation, j’ai été d’abord directeur du Master, j’ai assuré avec Danièle Brun la mutation de l’UFR dans la réforme LMD, j’avais créé et dirigé en 2000 Le relais social International à la Cité Internationale Universitaire de Paris, dont une consultation clinique orientée par la psychanalytique. 

 

- M. Muselli : Tu parles des laboratoires, lesquels ? Aujourd’hui il n’y en a plus qu’un seul.

 

- F. Benslama : Il y avait à l’époque, « Le Centre d’études en psychopathologie et psychanalyse » (CEPP), dirigé par Jacques André, héritier de deux centres de recherche, l’un créé par Jean Laplanche, l’autre par Pierre Fédida, le plus important en nombre de chercheurs. Le CEPP était le plus gros centre de recherche de l’UFR à l’époque, jusqu’en 2010. Il y avait une équipe du CNRS : « Psychanalyse et sciences sociales », dirigée par Markos Zafiropoulos, puis le plus petit laboratoire, fondé et dirigé par Danièle Brun en 2001 : « le Centre de recherche psychanalyse et médecine » (CRPM).  La même année, Alain Vanier a été élu professeur, ce fut le premier lacanien d'une association psychanalytique à accéder au professorat dans l’UFR, laquelle était la chasse gardée des enseignants membres de l’Association psychanalytique de France (APF), associé mais secondairement à des membres de la Société psychanalytique de Paris (SPP). A. Vanier a pris la suite de D. Brun à la direction du CRPM (2005), que j’ai rejoint dès mon entrée à l’université en 1999 comme maître de conférences. Daniel Brun et Alain Vanier ont soutenu mon élection comme professeur en 2004, puis avec ce dernier nous avons formé un duo de travail et d’amitié sans faille pour réformer l’UFR et développer le CRPMS qui est passé d’un petit laboratoire de 10 personnes au laboratoire qui a rassemblé tous les enseignants chercheurs de l’UFR, puis au-delà, devenant avec une cinquantaine de chercheurs, le plus grand centre de recherche en psychanalyse à l’université en France et dans le monde.

 

5. § - F. Villa : de l’alliance à l’inimité

 

- M. Muselli : F. Villa était avec vous ?

 

- F. Benslama :  F. Villa était maître de conférences, rattaché d’abord au CEPP, il appartenait à l’APF, mais à cause de sa mauvaise relation avec J. André qui ne l’appréciait pas, et c’est peu dire, il s’est rapproché de nous, Alain Vanier et moi, grâce aux relations de condisciples que nous avions tous les deux. 

 

- M. Muselli :  Et toi quelle était ton appartenance ?

 

- F. Benslama : Pas d’appartenance à une société psychanalytique, jusqu’à ce jour. Je suis un freudien qui se sent partout chez lui. Je n’ai pas d’arrière-pays psychanalytique, en Tunisie il n’y avait pas d’organisation psychanalytique, ni au Maghreb à l’époque. Je suis apatride doctrinairement, je déteste les partis-pris dogmatiques. Je suis un migrant intellectuel et j’aime mon exil. Au départ, mes recherches sur l’islam n’intéressaient pas grand-monde, c’est Pierre Fédida qui m’a fortement encouragé à aller dans ce sens, il a pressenti l’importance de la crise qui allait éclater dans l’islam, que je percevais bien de mon côté. Il m’a demandé un livre dans sa nouvelle collection chez Ramsay. J’avais choisi d’entreprendre une approche psychanalytique de la fondation de l’islam (La Nuit Brisée, Ramsay, 1988). A sa sortie, éclata l’affaire Rushdie. Mes travaux ont alors rencontré l’actualité mondiale la plus brûlante avec l’implosion de l’islam et l’explosion de l’islamisme. Puis, je me suis éloigné de la carrière universitaire pendant une dizaine d’années, car le style de la thèse me pesait et je ne parvenais pas à la terminer, essentiellement parce que je m’intéressais à trop de problèmes en même temps et je dirigeais les Cahiers intersignes que j’avais fondés en 1990. Je n’arrivais pas à me centrer, je voulais rester en marge, j’aimais la liberté qu’elle me permettait, venant d’un monde où il n’y en avait pas. C’est Pierre Legendre, presque dans la même période que Jacques Derrida, tous les deux qui m’ont incité à boucler la thèse et convaincu d’aller à l’université. Je me souviens de ce propos de Pierre Legendre : « On peut rester en marge, tout en étant au centre. » Jacques Derrida pour m’encourager m’a dit : « Je serai dans ton jury ». Cela m’a déterminé, cet homme était éblouissant intellectuellement et humainement, c'est l'une des grande rencontre de mon trajet. C’est Lacan qui m’a le plus requis à cause de sa puissance théorique, le ménage qu’il a fait pour sortir la psychanalyse d’une normativité installée, l’ampleur des interactions qu’il a mises en œuvre avec les autres savoirs, au service de la psychanalyse : philosophie, sciences sociales, littérature, etc. Dans mes propres travaux, j’avais besoin de cette intensité transversale.

 

- M. Muselli : Si je comprends bien, tu n’étais pas donc dans le même camp théorique que F. Villa…

 

- F. Benslama :  Absolument pas. F. Villa détestait Lacan et les lacaniens, c’était un produit de l’orthodoxie psychanalytique en bout de course. Nous étions sur beaucoup de plans antinomiques. Mais il a mis un bémol à son atavisme APF et a adhéré au projet de refondation de l’UFR, il l’a soutenu activement. Mes collègues voyaient bien que je faisais progresser la maison commune, que ma passion n’était pas le pouvoir, mais allait vers mes travaux de recherches et de publication qui prenaient de l’ampleur à cause du contexte relatif à l’islam. Aussi, ai-je été constamment élu par mes pairs aux fonctions que j’ai occupées avec des majorités atteignant les 9/10ème et dans trois cas à l’unanimité (Élection à l’Institut Humanité et sciences en 2011 et 2016, à la nouvelle UFR IHSS en 2018). L’un de nos collègues a fait remarquer un jour que F. Villa était toujours nommé. C’est vrai, il ne se présentait pas aux suffrages de ses collègues, sans doute parce qu’il savait qu’il leur inspirait de la méfiance. Dans mon expérience avec lui, c’était le contraire, pendant des années nous avions une relation confiante, qu’il qualifiait de « fraternelle ». Une fois, il m’avait fait part de sa hantise du fratricide. Je n’avais pas prêté assez attention, il fallait entendre la hantise comme désir. F. Villa n’investissait pas suffisamment son énergie dans des travaux qui méritent l’attention de ses pairs pour appuyer sa légitimité, il mettait en avant une habileté politicienne et manœuvrière. Il avait de grandes capacités dans ce domaine. 

 

- M. Muselli : D’où tient-il cette capacité, avait-il une formation politique spécifique ?

 

- F. Benslama :  C’est d’abord une inclination individuelle, me semble-t-il, qui fut nourrie par l’expérience. F. Villa a été un militant actif dans l’Organisation communiste internationale (OCI), d’orientation trotskiste. Il avait acquis beaucoup d’habileté dans la manipulation des réunions et des groupes, dans la simulation de l’autocritique qui fait baisser la garde de ses interlocuteurs, dans les intrigues et les combinaisons sans limite de temps. Il pouvait passer des dizaines d’heures à contacter par téléphone des collègues pour les rallier à lui. C’est un acharné du rabattage. Dans ce qu’il m’a rapporté de son expérience à l’OCI, ce qui est frappant, c’est la violence interne au mouvement et l’exigence de soumission demandée aux militants. Dans une certaine mesure, F. Villa a reproduit cette atmosphère quand il a voulu devenir « un patron ». Au cours des dernières années, il a commencé à se montrer grossier et même à passer à l’agression physique, comme il l’a fait avec Christian Hoffmann, directeur de l’École doctorale, lors d’une réception au Brésil qui a tourné court à la consternation de nos hôtes. Lorsqu’il est devenu Vice-Président du CA, à l’occasion d’un vote important, il a été accusé d’avoir donné aux opposants une adresse différente de celle où se tenait le Conseil d’Administration. Une échauffourée s’en est suivie avec les représentants des étudiants, ce qui a donné lieu à une campagne d’affichage contre lui, inédite à l’université (Doc. n°11). Il a malmené plusieurs jeunes chercheurs, qui ont osé lui résister tels Rémy Potier ou Marie-Victoire Chopin, ce qui a conduit les instances de l’université à le dessaisir de la direction de la thèse de cette dernière. En même temps, nous assistions à une surestimation galopante de ses travaux de recherche, qui se réduisaient en réalité avec le temps consacré à la gestion politico-administrative. Ainsi, dans sa demande d’avancement en grade en 2016, qui passe nécessairement par le Conseil de l’UFR en formation restreinte aux professeurs, F. Villa a osé indiquer 66 mots-clés concernant le champ de ses recherches. Cela allait de la communication à la médecine, en passant par l’imagerie cérébrale, la logique, les neurosciences, la cognition, l’environnement, etc., (Doc. n°12). Devant une déclaration aussi invraisemblable, l’inquiétude le partageait au rire chez ses collègues, car cela signifie qu’il n’a plus ni mesure, ni souci de l’opinion de ses pairs.

 

- M. Muselli : Mais comment F. Villa a-t-il constitué ce que tu appelle « la meute » ?

 

- F. Benslama :  A partir de 2014, F. Villa a mené pendant quatre ans une guerre continue contre ma direction de l’UFR, depuis sa fonction de V-P CA, qui a de l’influence sur l’administration centrale de l’université. Il le faisait au détriment des intérêts de notre UFR, afin de m’affaiblir. Au sein des conseils de l’UFR, il utilisait sa casquette de VP-CA pour exiger des procédures administratives fastidieuses, afin d’obtenir de nouveaux votes, mais il était presque toujours mis en minorité. F. Villa usait d’un fanatisme bureaucratique pour placer ses adversaires dans une situation d’illégalité procédurière.

 

- M. Muselli : Il pouvait conserver sa place dans les instances l’UFR, malgré ses fonctions au niveau central ?

 

- F. Benslama :  En fait, il n’aurait pas dû siéger aux instances de l’UFR puisqu’il était V-P du CA, la plus haute instance de l’université. Nous ne voulions pas l’exclure et il était très minoritaire. Au comble des conflits, sentant qu’il ne pourrait pas prendre le pouvoir qu’il escomptait dans l’UFR, F. Villa a déclaré devant témoins qu’il était prêt à détruire l’UFR s’il le fallait. Cela m’avait effaré, mais je n’y croyais pas. Il devenait haineux et injurieux, ce qui a donné lieu à une lettre de protestation de la majorité des membres de l’UFR (Doc. n°13). Il a constitué un groupe d’opposition de 6 ou 7 enseignants-chercheurs titulaires, ce qui est légitime dans un système démocratique. Il a fédéré des collègues qui étaient mécontents, soit de n’avoir pas été élus comme professeur, soit de n’avoir pas obtenu une promotion, ou bien qui n’avaient pas réussi à rallier à leurs travaux d’autres chercheurs et doctorants. C’est le cas par exemple de Bernard Pachoud, qui avait obtenu la direction d’un axe émergent du laboratoire, mais n’a pu le transformer en un axe permanent, à cause de la faiblesse de son engagement. Il est allé se plaindre aux enquêteurs de l’IGAENR pour se donner bonne conscience de sa carence et de son échec. F. Villa a recruté également quelques doctorants, ATER (Attachés temporaires d’enseignement et de recherche) et des chargés de cours. Il est parvenu à faire croire à cette coalition du ressentiment que je suis la cause de leur échec et de leur frustration. C’est ce groupe qui sera le noyau de la meute. A longueur de temps, il dénonçait mon pouvoir, selon le procédé qui consiste à conférer à quelqu’un une toute puissance imaginaire. Sa rage était de perdre quasiment tous les arbitrages des collègues dans des votes. Ses attaques ad-hominem ne reculaient devant aucune exagération. Le commérage empoisonnait l’atmosphère, j’étais devenu « un monarque oriental », médisance d’un petit groupe qui commençait à fleureter avec l’essentialisme raciste. F. Villa voulait toujours me ralentir dans ce que je faisais, il m’accusait d’aller vite, il s’est plaint que j’avais une idée à la minute. La triste passion du pouvoir est toujours inquiète par la liberté de penser. 

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Section 4

6.§ - Ma direction de l’UFR et les projets que j’ai portés dans l’université

 

- M. Muselli : Quelles sont les prérogatives réelles d’un directeur d’UFR ?

 

- F. Benslama :  Le directeur d’UFR est élu pour une période de 5 ans, renouvelable une fois. Sa tâche est la gestion quotidienne de l’UFR grâce à une administration dirigée par un responsable administratif. Il représente sa composante au niveau de l’administration centrale de l’université. Il exécute les décisions du Conseil de l’UFR qu’il réunit une fois par mois. Il n’a ni le pouvoir de recruter, ni de promouvoir, ni de sanctionner. Il n’est pas le supérieur hiérarchique de ses collègues, c’est la prérogative du président de l’université. Ce n’est ni un patron, ni un chef, son statut correspond plutôt à ce qu’on appelle un « Primus inter pares » : le premier de ses pairs. Son pouvoir réside principalement dans deux délégations de signature données par le président de l’université : organiser les services des enseignants et valider la dépense, sous le contrôle des services financiers de l’université et de l’Agent comptable. La dépense qu’il valide doit être par ailleurs conforme au budget voté par le Conseil de l’UFR et décidée par les conseils centraux et le président de l’université. Dans l’exercice de ma direction, j’ai délégué l’organisation des services des enseignants à la directrice adjointe, le responsable administratif surveillait l’exécution du budget, j’avais un rapport mensuel. En réalité, je ne me suis pas trop encombré par l’exercice du pouvoir, j’ai beaucoup délégué, j’étais davantage un coordinateur, ce qui m’a laissé le temps de mener mes travaux de recherche, d’écrire, d’enseigner, d’avoir une activité de psychanalyste et de mener quelques projets importants dans l’université. 

 

- M. Muselli : Quels sont ces projets ?

 

- F. Benslama : Au cours des 20 ans de ma carrière à l’université, j’ai été porteur de quatre projets réalisés avec mes collègues et grâce à eux :

1) la refondation de l’UFR Sciences humaines cliniques (2007), devenue UFR d’Études psychanalytiques à partir de 2012 ;

2) La création de l’Institut humanités et science de Paris (IHSP) en 2011 ;

3) La création du Centre d’études de la radicalisation et de ses traitements (CERT), en  2017 ;

4) La création de l’UFR Institut Humanités Sciences et Sociétés (IHSS), en 2018. 

Ces services rendus à l’université, correspondaient à ma passion de l’action institutionnelle, qui ne m’a jamais entravé dans mes travaux de recherche parce que je ne m’y noyais pas dans le pouvoir gestionnaire. Il faut seulement bien s’entourer et déléguer. Ceci étant, quelques soient tes apports et tes fonctions, le pouvoir à l’université est toujours limité et encadré par beaucoup de contre-pouvoirs, surtout avec la fin de l’ère des mandarins.

 

- M. Muselli : C‘est un pouvoir limité et encadré mais tu avais beaucoup d’influence.

 

- F. Benslama :  Limité et encadré c’est certain, mais il faudrait dire aussi « pouvoir partagé », car dans l’UFR il y a des instances et des lieux de décision différents :

1) un centre de recherche (en l’occurrence un, mais il peut y en avoir plusieurs et ce fut le cas dans l’UFR EP) avec son conseil et son directeur,

2) un conseil scientifique avec un président,

3) un conseil pédagogique avec également un président,

4) lorsqu’il y a une école doctorale comme dans notre cas, elle a aussi son conseil et son directeur,

5) au sommet de l’édifice : le Conseil de l’UFR composé d’une quarantaine de membres, qui est l’instance supérieure de décision.

Bref, une UFR (Unité de Formation et de Recherche) est une machine complexe qui ne peut être gouvernée par une ou deux personnes. Quant à « l’influence », elle existe bien sûr, mais les enseignants-chercheurs à l’université ne sont pas les employés du directeur, leur statut leur confère une grande autonomie, des libertés garanties constitutionnellement (Décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1984). Ils peuvent à tout moment solliciter la présidence de l’université. Ces limites concernant les pouvoirs du directeur de l’UFR rendent les craintes sur leurs carrières exprimées devant les inspecteurs par le groupe de la meute, sans fondement et même ridicules. Elles relèvent d’un scénario concerté, mais les inspecteurs y adhéreront, je pense parce qu'ils ignorent le fonctionnement de l'université. L’influence a pour source l’autorité qui n’est pas donnée mais acquise par la reconnaissance des pairs. À tout moment, un enseignant-chercheur peut opposer une fin de non-recevoir aux réquisitions du directeur de l’UFR ou du laboratoire, y compris celles relatives aux délégations de pouvoir dont ces derniers disposent. Seul le président de l’université peut obliger un enseignant-chercheur, car il est son supérieur hiérarchique. Et encore, il ne peut prendre que des mesures dites « conservatoires », limitées dans le temps. Il n’a pas le pouvoir de sanctionner qui relève de la section disciplinaire, formée par des collègues élus, dont le jugement peut faire l’objet d’un appel devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et la recherche (CNESER). Les jugements de cette instance peuvent être cassés par le Conseil d’État.

 

7.§ - Pourquoi la meute ?

 

- M. Muselli : Revenons à ce que tu appelles « la meute », s’agit-il de 6 ou 7 personnes seulement, comment s’est-elle formée et pourquoi au début de 2018 ?

 

- F. Benslama : Ce chiffre correspond aux enseignants titulaires. Fin 2017, le grand projet que je prépare depuis 7 ans pour regrouper les sciences sociales, l’histoire de la philosophie et des sciences, et la psychanalyse en une même UFR a réussi. L’Institut Humanités, Sciences et Sociétés (IHSS) allait être créé le 1er janvier 2018, c’est désormais l’UFR la plus importante du secteur lettres et sciences humaines avec 156 enseignants chercheurs. Chacune des disciplines dispose d’une autonomie dans un département, mais toutes sont appelées à travailler ensemble. C’est le projet interdisciplinaire le plus novateur de l’université. Il apporte pour chaque discipline un cadre plus assuré et en même temps incitatif aux interactions, c’est le fruit de l’expérience de l’Institut Humanités et Sciences de Paris, créé en 2011. Son avantage pour la psychanalyse est de la protéger dans un contexte où la fusion avec l’université Paris 5 était en voie de réalisation. En effet, l'université Partis 5 dispose d’un institut de psychologie de 200 enseignants-chercheurs, dominé par la psychologie cognitive et comportementale. Le risque avec cette fusion est d’être absorbé par cet institut. Ce serait alors la mort programmée de la psychanalyse dans la nouvelle université. Au sein d’une entité plus importante en taille comme l’IHSS et avec un projet pluridisciplinaire nouveau, la psychanalyse peut mieux se défendre contre l’hégémonie de la psychologie de Paris 5, en même temps qu’elle s’ouvre davantage à des disciplines affines. C’est le dernier acte de mon trajet universitaire, je suis élu à l’unanimité pour diriger la nouvelle UFR pendant un an, puisqu’en septembre 2019, je pars à la retraite.

 

- M. Muselli : Quelle était la position de F. Villa dans cette situation que tu décris comme un aboutissement de ton action à l’université, finalement une réussite ?

 

- F. Benslama : F. Villa avait un double jeu, l’un devant la présidente il soutenait la création de la nouvelle UFR, l’autre à la dérobée, il l’entravait, mais il n’a pas réussi. La volonté commune était plus forte et le projet était directement sous l’autorité de la présidente. C’était la condition de mon engagement dans la dernière ligne droite, avec celle de la préservation de tous nos moyens, je ne voulais pas d’une fusion pour faire des économies. Tous les indicateurs étaient au vert. La relève dans le CRPMS est assurée avec Laurie Laufer qui en est la directrice élue par 80% des collègues ; le Département d’études psychanalytiques qui s’occupe de l’enseignement également, sous la direction de Isée Bernateau, avec un nombre important de jeunes maîtres de conférences, nouvellement recrutés. Le scénario d’une transmission à une équipe jeune dans de bonnes conditions semble en voie de réalisation avec l’accord de la majorité des collègues. Alain Vanier, après 20 ans de travail ensemble dans la conduite des affaires de l’UFR, est parti à la retraite en septembre 2017. Pour F. Villa, c’est le scénario insupportable qui l’autorisait à me mettre en cause, même si cela devait conduire à la destruction de l’UFR, comme il l’avait annoncée, dans la mesure où il n’a pas la place de « patron » qu’il espérait. Son mandat de VP-CA se terminait au mois de mai 2018, il doit partir à la retraite deux ans après moi. La question de son bilan s’ouvre pour lui : quelles recherches, quels enseignements, quelles publications ? Sa réussite personnelle a été assurément dans la haute fonction de l’appareil politico-administratif où il a passé 8 ans, en somme celle d’un bon apparatchik universitaire.

 

- M. Muselli : Tu suggères que l’échec et l’ambition contrariée sont à l’origine de ce que F. Villa va fomenter contre toi ?

 

- F. Benslama :  F. Villa a obtenu le maximum de ce qu’il pouvait faire et ne supportait pas ses limites. A quelques mois de mon départ à la retraite, il était mû par une volonté haineuse effrayante envers moi. Il espérait encore parvenir à casser le processus de transmission que j’avais préparé avec mes collègues. Tout a été validé démocratiquement par des élections. C’est la raison pour laquelle, aussi bien lui que G. Pommier, ne cherchaient pas seulement ma débâcle personnelle, mais la dislocation de ce qu’ils considèrent être un système que j’aurais mis en place, dussent-ils en passer par la fin des études psychanalytiques à l’université Paris 7.

 

- M. Muselli :  Quelles sont les autres personnes qu’ils ont mobilisées ?

 

- F. Benslama :  Nous sommes fin octobre 2018, à ce stade, outre G. Pommier, je n’identifie que quatre autres personnes : Rachida Lemmaghti, Laure Westphal, Marina Koussouri, quant à F. Villa qui fait tout pour ne pas apparaître, je l’identifie par plusieurs indices : la reprise par G. Pommier de phrases entières de ses réquisitoires contre moi, la référence à certains problèmes et à certaines personnes que lui seul pouvait connaître. Il a fini par sortir du bois dans un courrier adressé à Alain Vanier, pour donner raison à G. Pommier concernant l’association de ce dernier au CRPMS, lorsqu’il était professeur émérite. Pendant l’enquête et la campagne menée contre moi, j’ai vu F. Villa surgir un jour dans mon bureau, à l’improviste, pour me dire qu’il n’est pour rien dans les accusations de harcèlement sexuel, ce qui laisse entendre que pour le reste c’est lui. Je ne le crois pas bien sûr. Il était debout, manifestement en attente d’une réaction de ma part, pour jouir des effets de sa machination. Je n’ai pas dit un mot et il est reparti. Mais identifier les accusateurs va être l’un des grands problèmes de cette affaire, puisqu’ils vont bénéficier de l’anonymat au niveau de l’université, puis par l’enquête administrative de l’IGAENR. C’est le caractère inique de cette procédure où je devais me défendre contre des accusations, dont les auteurs sont masqués. Il a fallu que je devine de qui il s’agit, lorsqu’untel a dit telle chose, que je cherche par mes propres moyens, sans parvenir à identifier tous mes détracteurs.  Je reviendrai à ce point essentiel, si tu veux au moment où nous parlerons de l’enquête administrative.

 

- M. Muselli : D’accord, mais pour l’intelligibilité de ce qui a eu lieu, peux-tu rétrospectivement donner des indications sur la composition de ce que tu appelles la meute ?

 

- F. Benslama :  Rétrospectivement, il s’agissait, en plus des 6 ou 7 enseignants avec lesquels F. Villa a constitué un groupe d’opposition – transformée à cette occasion en accusateurs à propos de tel ou tel méfait supposé de ma part –, d’une enseignante partie à la retraite depuis 5 ans, avec laquelle j’ai eu un conflit important concernant son service, qui a perdu plusieurs recours contre moi, dont un devant la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Il a recruté quelques chargés de cours qui n’ont pas réussi à obtenir un poste de Maître de conférences que ce soit à Paris 7 ou dans d’autres universités (dont deux femmes très proches de G. Pommier), et qui considèrent que je suis responsable de leur échec. Il a fait appel à une administrative qui a été déplacée dans un autre service de l’université, après avoir commis une faute dans l’administration de l’UFR. Une autre administrative dont il était prévu de ne pas renouveler son contrat temporaire à cause d’un dépassement grave de sa fonction. Et quelques autres que je ne parviendrai jamais à identifier. La direction d’une UFR pendant 10 ans comporte nécessairement des conflits et des arbitrages qui font des mécontents. Cet ensemble, composé à peu près d’une quinzaine de personnes, va donc subitement écrire à la présidente de l’université pour se plaindre : qui de mes abus de pouvoir, qui de la crainte que je leur aurais inspirée, qui d’avoir tenté de les séduire, qui d’avoir entendu quelqu’un dire qu’il a entendu que j’avais invité une doctorante au café ou au restaurant…la rumeur est l’un des grands protagonistes de cette affaire. Cet ensemble a fait l’objet d’une note de synthèse de R. Lemmaghti envoyée à la présidente, dont je ne connais qu’un seul élément, parce que la présidente s’y réfère lors d’une rencontre avec elle et dans un mail où elle refuse de me communiquer des informations qui me permettraient de mieux me défendre (Doc. °14)  : R. Lemmaghti a demandé mon passage devant la section disciplinaire de l’université. Là également, il ne s’agit pas d’un lanceur d’alerte, mais d’une administrative déguisée en procureur, qui enquête sur un enseignant-chercheur, directeur d’une composante de l’université, qu’elle accuse de harcèlement moral et sexuel, et dont elle demande la traduction devant la juridiction de discipline de l’université. C’est inédit dans l’université. Je précise ici qu’aucune preuve n’a jamais été apportée à l’appui de ces accusations graves, avant et pendant l’enquête : tout a reposé uniquement sur des dires, parfois même indirects et sur des rumeurs. En réalité, il s’agit d’un groupe qui s’est concerté pour se répartir des rôles de victimes et de fabriquer toute sortes d’accusations à l’abri de l’anonymat.  

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Section 5

8 . § - Position de la présidente de l’université

 

- M. Muselli : Mais pourquoi la présidente a-t-elle pris en compte ces accusations d’un groupe d’évidence constitué artificiellement et à l’instigation d’une personne qui opère en dehors de ses compétences et de tout cadre ? Pourquoi donc solliciter une enquête administrative de l’IGAENR, ce qui est tout de même un recours très lourd ?

- Fethi Benslama: Cette questionest très importante, car il s’agit de la position de la présidente de l’université et de la suite de l’affaire. Nous sommes à quelques mois d’élections générales dans l’université dont l’enjeu est la fusion entre l’université Paris 7 et Paris 5, selon la volonté du gouvernement. Or, la présidente Christine Clerici est non seulement candidate pour un second mandat, mais de plus elle est la personne que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche envisage pour conduire cette fusion. A cette fin, devant partir à la retraite d’office pour limite d’âge comme moi, il fallait qu’elle bénéficie d’une prolongation exceptionnelle de la ministre. Dans ce contexte, elle a considéré qu’elle ne pouvait ignorer les accusations d’un groupe de personnes, majoritairement des femmes, à l’époque de « MeToo » et de « Balance ton porc ». D’autant que celui qui est mis en cause est connu à l’université et en dehors, qu’il est réputé proche d’elle et qu’elle est déjà accusée, notamment par les mails de G. Pommier, de le couvrir. F. Villa, encore V-P CA, savait que ce contexte rendait ses menées contre moi difficile à parer, peut-être même a-t-il fait prévaloir à la présidente que cette affaire la mettait en danger et risquait de perturber les élections et la conduite de la fusion. Je pense que d’autres recommandations au plus haut niveau l’ont fait.

 

- M. Muselli : Ce que tu es en train d’évoquer, c’est la dimension politique de l’affaire.

 

- F. Benslama : Tout à fait, et bien plus qu’on le croit comme on le verra avec l’enquête de l’IGAENR. La présidente avait trois options :

1) classer sans donner suite aux accusations,

2) convoquer la section disciplinaire pour instruire et juger,

3) déclencher une enquête externe en demandant le concours de l’IGAENR. Son analyse est au fond assez simple : la première option est risquée pour elle, la deuxième ne la protège pas assez, car une enquête interne peut être considérée comme une procédure favorable à l’accusé. C’est la troisième voie qui a prévalu, car elle offrait à ses yeux le meilleur filet de sécurité. Le comble est que la présidente ne croyait pas à ma culpabilité et pensait que je serai lavé des accusations de harcèlement sexuel, ainsi qu’elle l’a laissé entendre à quelques personnes. Mais là où il y a eu manquement de sa part, c’est lorsqu’elle a adopté le silence pendant plusieurs mois, alors que mes détracteurs à l’université sont passés outre la présomption d’innocence, qu’ils sont allés jusqu’à manipuler des étudiants, qu’ils ont organisé une manifestation sur le campus, tagué les murs de l’université par des inscriptions injurieuses à mon égard. Elle n’est pas intervenue pour rappeler le principe fondamental de la présomption d’innocence. J’ai été abandonné au lynchage. Des présidents d’autres universités n’ont pas hésité à intervenir pour rappeler cette présomption dans des situations comparables, sans que personne ne trouve à redire. Néanmoins des collègues courageux sont intervenus pour rappeler le principe et témoigner qu’ils n’ont jamais eu connaissance des actes que les détracteurs me prêtaient : Laurie Laufer, Thamy Ayouch, Thierry Lamote notamment, qui ont subi par la suite les diffamations de G. Pommier. Ce dernier fait l’objet d’ailleurs de 6 autres poursuites à ce sujet.  

 

- M. Muselli : Si je comprends bien ton université a pris le parti de tes détracteurs. 

 

- F. Benslama : Ma lecture est que la présidente a pris en compte prioritairement ses intérêts. Il est probable que considérant l’enjeu de la fusion des universités, le cabinet de la ministre ait commandé une partie de la conduite et de la procédure de l’IGAENR. La présidente va m’accorder la protection fonctionnelle, dès que je l’ai demandée en octobre 2018. Il s’agit de l’assistance juridique donnée à un agent public, lorsqu’il est attaqué ou poursuivi dans l’exercice de ses fonctions. Il faut préciser que cette assistance est loin d’être totale. J’ai continué à avoir avec la présidente des relations normales, jusqu’au mois de juillet 2019 et j’ai vu qu’elle avait des doutes concernant les accusations portées contre moi. Mais les accusateurs vont bénéficier de l’anonymat, en vertu de je ne sais quelle disposition, en tant que victimes supposées, avant l’enquête et sans aucune preuve. Du même coup, s’ils sont victimes, je suis présumé coupable. Le processus qui s’est enclenché est dès lors celui d’une machine à charge où je suis condamné d’avance et je dois prouver mon innocence. Je découvre qu’au cœur de la grande institution du savoir qu’est l’université, il existe une zone de sauvagerie processive, où les droits de la défense peuvent être abolis. Le 14 novembre, la présidente reçoit une lettre de Laure Westphal, anciennement attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à l’Université Paris 7, où elle prétend avoir été volontairement écartée par moi à la candidature pour un poste de Maître de Conférences, au motif qu’elle aurait refusé mes avances sexuelles. La présidente m’informe qu’elle procédait à un signalement auprès du Parquet, ainsi que l’article 40 du Code de procédure pénale lui fait obligation. Je savais que L. Westphal faisait partie du groupe de détracteurs rassemblés par Villa-Lemmaghti, mais j’ai été très surpris du pas qu’elle venait de franchir. Rien dans ma relation avec elle n’avait quelque rapport que ce soit avec le moindre harcèlement sexuel ou moral, bien au contraire. Je lui ai apporté chaque fois qu’elle l’a demandé mon soutien, en ayant la même attitude qu’avec les autres chercheurs : bienveillance et bonne distance.

 

9. § - Les accusations de Laure Westphal 

 

 

- M. Muselli : Qui est Laure Westphal ?

 

- F. Benslama : Laure Westphal, outre l’emploi d’ATER qu’elle a occupé pendant deux ans à l’UFR EP, était devenue membre du Centre d’étude des radicalisations (CERT) que j’avais créé en 2017 à l’université Paris 7.  D’ordinaire, je me fiche de la vie privée des gens, mais dans le cas présent les liens entre L. Westphal et G. Pommier ont leur importance dans le montage de cette affaire. Il est de notoriété dans le milieu « psy » proche, que L. Westphal avait une liaison avec G. Pommier, ce qu'elle a reconnu devant l'officier de police judiciaire, lors de son audition. J’ai appris par la suite, qu’elle en a parlé à plusieurs femmes de l’équipe du CERT en 2018, qui me l’ont signalé par des témoignages écrits (Doc. n°15), en leur indiquant que cette relation a duré plus qu’elle ne le voulait. Le plus cocasse dans cette histoire est que G. Pommier, qui m’accuse d’user de mon pouvoir pour séduire des doctorantes, avait commencé sa relation avec L. Westphal en 2005 à l’université de Strasbourg, où il enseignait en psychologie dans le cursus qu’elle suivait : elle avait 23 ans et lui 64 ans. Ces éléments proviennent de la bouche de L. Westphal à des tiers. Mais l’information la plus importante est arrivée un peu plus tard, quand l’administration de l’École doctorale, au milieu du bruit et de la fureur, s’avise que le président du jury de thèse de L. Westphal n’était autre que G. Pommier, la soutenance ayant eu lieu le 28 septembre 2013 (Doc. n°16). Or, à cette date il était à la retraite et n’était plus professeur émérite, comme le montre la lettre du 23 avril 2014 que l’université de Strasbourg lui a adressée, en réponse à sa demande de renouvellement de l’éméritat (Doc. n°17). Non seulement, il n’était plus habilité statutairement à présider un jury de thèse, mais surtout il s’agit d’une situation où le lien d’intérêt du président du jury avec la candidate est si étroit qu’il met en cause la sincérité de l’épreuve. G. Pommier avait caché cette liaison aux instances de l’École doctorale et probablement aux autres membres du Jury. La question de la validité de la soutenance de cette thèse se pose, elle fait l’objet actuellement d’un recours.

 

- M. Muselli : Comment Laure Westphal justifiait-elle ses dénonciations ?

 

- F. Benslama : Dans un premier temps Laure Westphal a hésité à se lancer dans ses accusations, selon des témoins de son proche entourage. Des collègues qui travaillaient dans l’équipe du CERT lui ont communiqué leur doute avec des arguments solides sur son allégation d’avoir été écartée d’un poste de maître de conférences. Je n’étais pas au courant de ce qui se passait à moment-là, c’était au mois d’août 2018. Elle soutenait en effet, que j’avais changé le profil du poste qui venait de s’ouvrir au concours et qui lui aurait été destiné initialement. Or, le profilage d’un poste à l’université ne relève pas de l’autorité d’une seule personne, dû-t-il être directeur d’UFR ou directeur d’un centre de recherche. Il obéit à un processus collectif très complexe qui met en jeu pas moins de 4 instances internes à l’UFR avec votation, puis 5 instances au niveau central de l’université, au total 9 instances (Doc. n°18), de sorte que lorsque le profil est publié, il est impossible de le modifier. Dans le cas présent, le poste en question visait le recrutement d’un enseignant-chercheur spécialisé dans la clinique en milieu carcéral, ce qui n’était pas dans les compétences L. Westphal. Le choix de ce profil entrait dans la stratégie des recrutements de l’UFR en vue d’initier des recherches et des enseignements sur la clinique en prison, qui n’existaient pas jusque-là. Outre l’intérêt scientifique et pratique de cette décision, l’institution carcérale s’est avérée être, depuis quelques années, l’un des gros employeurs des psychologues cliniciens, orientés par la psychanalyse, que nous formons. J’ai apporté aux enquêteurs, documents à l’appui, le traçage de tout le processus par lequel le profilage du poste est passé. Lorsque L. Westphal prend connaissance de la parution du poste sur le site Galaxie du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est là qu’elle décide de devenir victime d’un détournement de poste qui devait à ses yeux lui revenir.

 

- M. Muselli : Devant ces arguments solides de ses collègues, pourquoi L. Westphal a-t-elle continué dans la même voie ?

 

- F. Benslama : Justement, dans un premier temps, elle a commencé à hésiter. Voyant cela, G. Pommier interviendra brutalement, tel cet SMS ordurier adressé à un collègue qui a étroitement travaillé avec L. Westphal et qui a essayé de la raisonner sur la question du poste (Doc n°19). L’une de ses proches a mentionné que c’est au retour d’un voyage aux Îles Seychelles avec G. Pommier, à la fin du mois d’août 2018, qu’elle a décidé de poursuivre ses accusations. Mais la surestimation de soi, ici comme dans d’autres cas, a joué un rôle important dans cette affaire. La croyance de L. Westphal qu’il y avait un poste qui lui était destiné et dû, relève de l’infatuation. Ses travaux de recherches sont d’un bon niveau et elle avait un dossier qui retient l’attention, mais ces éléments ne la placent pas au-dessus du lot et encore moins à un niveau exceptionnel. Elle a été candidate dans plusieurs universités sur des postes qui correspondaient à ses compétences, dans certains cas elle a été auditionnée et classée. Elle a essuyé de nombreux échecs, ce qui est une caractéristique de plusieurs émeutiers. Quoi qu’il en soit, elle a formé un recours auprès du tribunal administratif pour suspendre le poste, mais le tribunal a rejeté son recours au mois de juillet 2019. Elle a déposé une plainte pour harcèlement sexuel et moral, qui a fait l’objet d’une enquête par la police judiciaire et nous sommes dans l’attente de la décision du procureur. Elle est la seule personne à avoir déposé plainte contre moi.

 

- M. Muselli : Sur quelles bases t’accuse-t-elle de harcèlement sexuel ?

 

- F. Benslama : Ce que je peux dire est que j’ai apporté les preuves du caractère mensonger de ses accusations. C'est la raison pour laquelle La Procureure de la république a classé sans suite la plainte, à partir de l'enquête de la police judiciaire.  L. Westphal m’avait adressé 56 mails entre 2017 et juillet 2018. Elle fut très étonnée lorsque j’ai donné à la police tous ses mails ainsi que mes réponses : elle ne pensait pas m’avoir autant écrit. Par la suite, elle s’est répandue partout en disant que j’avais falsifié ces mails. Ils sont à la disposition de la justice qui peut vérifier leur authenticité dans mon ordinateur. Celui-ci a fait l’objet de tentatives d’effraction, mais j’ai gardé en sécurité les documents. D’ailleurs, tous mes détracteurs, comme elle, n’avaient pas imaginé que je gardais dans mes archives toutes les correspondances qui m’étaient adressées et tous les actes administratifs importants relatifs à mes fonctions. C’est ainsi que j’ai pu confondre bien des affirmations mensongères. A aucun moment dans mes échanges avec L. Westphal (95% à son initiative), il ne fut question d’autre chose que des aspects liés à l’activité universitaire et aux travaux dans le CERT. Jamais je n’ai cherché à la rencontrer en dehors de ce contexte. En 2018, année où elle prétend que je l’ai harcelée moralement et nuit à sa carrière, ses mails montrent qu’elle m’a demandé 8 fois rendez-vous, sollicité 2 fois mes conseils sur sa candidature à des postes, par deux fois elle m’a prié de lire et de donner mon avis sur des articles qu’elle a rédigés. Voici trois exemples de ses derniers envois :

 

  •  Mail du 1er juin 2018 : « Je vous remercie de l’appui solide que vous m’avez apporté à Nice pour les auditions. »(Doc. n°20). Il s’agit des auditions pour un poste de maître de conférences. Belle preuve de ma nuisance à sa carrière.

 

  •  Mail du 20 juin 2018 : « j’aimerais beaucoup avoir votre avis, bénéficier de votre expertise, avant de pouvoir revenir une dernière fois sur ce texte. Vous le trouverez en pièce jointe. Je serai ravie d’entendre vos commentaires et suggestions. » (Doc. n°21).

  • Mail du 9 juillet : elle cherche encore à me rencontrer, nous sommes à une semaine à l’interruption de l’année universitaire (Doc. n°22)

 

Quant à l’année 2017 où elle prétend que je l’ai harcelée sexuellement, le nombre de ses sollicitations était bien supérieur. Elle avait multiplié les demandes de collaboration étroites avec moi, telle l’écriture ensemble d’articles (2 fois) que j’ai refusée, alors même que cela aurait pu constituer des opportunités de rendez-vous en tête à tête que j’aurais acceptés, si je cherchais à bénéficier de ses faveurs sexuelles comme elle le prétend. Elle affirmait, en effet, que je voulais sans cesse me rapprocher d’elle et la rencontrer hors l’université. Mais en même temps, elle se plaignait auprès d’une collègue que je ne la conviais pas au restaurant après le séminaire, comme d’autres collègues. J’ai eu des témoignages spontanés et précis sur la manière dont elle a préparé son montage d’accusations, que j’ai communiqués aux enquêteurs de l’IGAENR. Devant le nombre de documents que je leur ai transmis, montrant le caractère mensonger des allégations de L. Westphal, les inspecteurs peu enclins en général à m’accorder le bénéfice du doute, ont fait cette remarque dans leur rapport : « Néanmoins, la mission s’étonne que cette personne ait poursuivi ses envois de courriels après les épisodes qu'elle décrit comme harcelants. » C’est l’un des rares moment où ils s’interrogent sur l’attitude de L. Westphal, ce qui ne les a nullement empêchés de donner une place beaucoup plus importante à son récit, contredit pourtant par plusieurs documents que j’ai apportés. Le 22 novembre, j’ai déposé une plainte contre X pour dénonciations calomnieuses. « X » dans la procédure est destiné à inclure toute personne qui a participé au délit.

 

- M. Muselli : Quel était l’impact de tout cela sur « les états généraux psy sur la radicalisation », en novembre 2018 ?

 

- F. Benslama : A travers ses attaques publiques chaque semaine, G. Pommier espérait faire annuler les états généraux qui ont eu lieu les 7,8 ,9 et 10 novembre 2018. Il n’y est pas parvenu. Les états généraux psy furent un succès : 90 intervenants, 500 participants chaque jour, une excellente couverture par les médias. L’ensemble a été filmé et placé sur le site du CERT. Les actes sont parus en octobre 2019. (États de la radicalisation, Le genre humain, Seuil, 436 pages).

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Section 6

10.§ - Un article dans Mediapart

 

- M. Muselli : Venons-en à l’article de Mediapart qui est paru le 13 décembre 2018.

 

- F. Benslama : L’article de Lénaïg Bredoux dans Mediapart est un exemple de ce qu’on a appelé « le tribunal médiatique » et de journalistes qui s’érigent en procureurs. C’est un cas où le militantisme l’emporte sur le professionnalisme. Le journal étant structuré comme un réseau social, il est sans cesse emporté par des excès, par ce mélange toxique entre le vrai et le faux dont le danger était dénoncé naguère par P. Valéry. En même temps, il existe des enquêtes et des prises de paroles de qualité. Dans mon cas, le parti-pris et l’outrance était au rendez-vous. Le titre de l’article était : « Un ponte de la psychanalyse visé par une enquête pour violences sexuelles ». Peu importait à la rédaction de Mediapart que le contenu ne corresponde pas à la notion de « violences sexuelles » dans le titre. Ce média use de procédés racoleurs comparables à d’autres supports, afin de déclencher un grand nombre de clics dans un but de marketing électronique. La journaliste a écrit que c’est grâce au pôle égalité Femmes-Hommes de Paris Diderot « que les plaignantes se sont décidées cette fois à agir ».

 

- M. Muselli : Il s’agit donc de Rachida Lemmaghti ?

 

- F. Benslama : Tout à fait, on lit clairement qu’il y a eu instigation. La journaliste laisse entendre qu’elle a repris la liste des personnes de la note adressée à la présidente. Elle a interrogé plusieurs d’entre elles et a considéré que ce qu’elles disaient correspondait à la vérité ou à la réalité. Elle ne s’est pas posé la question de la formation de ce groupe, de la possibilité de témoignages concertés, elle n’a pas demandé la preuve de leurs dires. La parole de la victime supposée suffit. Elle crée la vraisemblance qui se passe du vrai. L’anonymat confère la légitimité de l’être menacé et mis à l’abri du bourreau. Lénaïg Bredoux m’a adressé des questions en guise de parole donnée à l’accusé, afin de donner l’impression d’une procédure contradictoire. En fait, l’article était déjà écrit, comme on peut le deviner à travers la liste des questions qui sont en réalité un interrogatoire. L’accusé est condamné d’avance. La publication de mes réponses viendra à la fin quand le lecteur aura été saturé par le nombre de témoignages accablant. Je me suis posé la question si je dois ou non participer à ce faux semblant. C’est un double bind : si tu ne réponds pas tu laisses le champ libre à tes détracteurs, si tu réponds tu adhères au simulacre de la justice médiatique. Tu pèses le pour et le contre, tu ne sais pas ce qui sera écrit dans l’article, peut être que la journaliste va faire preuve de discernement. Répondre laisse quelques chances à des lecteurs qui veulent vraiment entendre la défense, alors tu te résous à la chaise occupée au fond de la salle, plutôt que la place vide. De toutes façons, tu réponds ou tu ne réponds pas, tu es sali.

 

- M. Muselli : Quelles ont été les réactions à cet article ?

 

- F. Benslama : Comme d’habitude, la diffusion sur les réseaux sociaux va augmenter le taux de clics pour Mediapart et les propos injurieux avec. Le lynchage médiatique est mis en branle. La parution d’un article incriminant jette dans le meilleur des cas le doute dans les esprits, quand ce n’est pas la condamnation. Car, l’abolition de la faculté critique est un phénomène bien plus répandu qu’on ne croit et parfois chez de bons esprits : ah mais il n’y a pas de fumée sans feu ! Proverbe stupide qui refoule la question « qui a allumé le feu ? » Ceux qui appellent publiquement au respect de la présomption d’innocence sont peu nombreux et rapidement menacés par la meute. Les soutiens restent en général dans la sphère du mail privé ou de l’appel téléphonique, ce qui est loin d’être négligeable. Plusieurs de mes collègues, notamment du Département d’Études psychanalytiques, ont dénoncé l’article et la méthode de ce journalisme justicier. Élisabeth Roudinesco et Philippe Grauer ont manifesté publiquement leur réprobation et leur soutien. La réaction la plus argumentée est venu de Pascale Molinier, dans la mesure où elle était chargée de mission « égalité femmes-hommes à l’université de Paris » (par ailleurs professeure à l’université Paris 13), à travers une lettre adressée à Rachida Lemmaghti et Anne Kupiec, V-P Ressources humaines de l’université Paris 7, qui a la responsabilité hiérarchique de la première. C’est une puissante interpellation (Doc. n°23)

 

- M. Muselli : Que dit-elle dans sa lettre, peux-tu mentionner les arguments les plus importants de cette lettre ?

 

- F. Benslama : Trois passages disent l’essentiel. Elle écrit : « Dans cet article cet article qui accuse Fethi  Benslama  de  « violences  sexuelles » (il faut  mesurer  la gravité  de telles accusations  devant  la  loi),  on  apprend à  la  fin,   que  c’est  grâce  au pôle  égalité  de  Paris-Diderot « que les plaignant-e-s se sont décidées cette fois à agir. Votre responsabilité est donc directement engagée dans ce lynchage médiatique. Je vous prie de lire attentivement les propos des plaignant-e-s pour juger de leur vacuité ». 

Elle ajoute un peu plus loin: « Balance ton porc est un mouvement qui peut facilement dériver vers une disqualification de la justice. Est-ce que l’on veut ce genre de justice ? La mise en charpie ? Est-ce que le féminisme ne devient pas alors l’objet instrumentalisé de la haine, de l’envie et des passions tristes ? N’aurait-il pas été plus raisonnable de laisser l’enquête se dérouler ? Quelle enquête peut sereinement avoir lieu désormais dans un tel climat ? »

Elle termine par ces questions : « Je n’ignore pas non plus que vous n’avez pas cherché à contacter la correspondante égalité du département de psychologie. Pourquoi ? Aucune des précautions qui s’imposent – confidentialité, présomption d’innocence, respect des procédures administratives et de l’architecture des responsabilités en matière d’égalité – n’ont été respectées. Qu’est-ce qui s’est emballé ? Au profit de qui ? De quoi ? »

 

- M. Muselli : Est-ce que tu as communiqué cette lettre à la journaliste ?

 

- F. Benslama : Non, elle était en proie à la fièvre justicière, si assurée de son droit de faire ce qu’elle a fait, qu’il était inutile de lui adresser quoique ce soit. Mais mon collègue Thierry Lamote lui a envoyé la lettre de P. Molinié. Sa réponse a été de dire qu’elle connaissait ses travaux « fort intéressants », mais elle la jugeait « plus inspirée » que dans la lettre. Elle a fini par cette phrase : « Mais je ne vous convaincrai pas » (Doc. n°24). Informer ou convaincre ? Vouloir convincre l’emporte. Tu ne peux pas raisonner les porte-paroles ou les relais de meutes, elles sont au sommet de leur jouissance, persuadés d’avoir le droit de mettre autrui dans la fange. « Balance ton porc », va plus loin que la dénonciation légitime du harcèlement et de la violence sexuelle, il correspond à un fantasme de porcinisation masculine qui est d'un ordre que l'on pourrait appeler «hainéoritique», le même que celui qui traite les noirs, les juifs et les arabes de lubricité animale. Plusieurs mois après, Denis Reserbat Planty, que je ne connais pas, qui semble avoir des liens avec Edwy Plenel (président et fondateur de Mediapart), interpelle Mediapart dans ses colonnes sur l’affaire. Il écrit : 

« Pour Fillon il y avait du stock de preuves, pour Cahuzac aussi. Là Médiapart a fait son boulot malgré les dénégations et les attaques de toutes part. Mais là à propos de M. BENSLAMA, à part rentrer dans des joutes internes de pouvoir au sein d’un UFR, à part se doter d’un faux nez de lanceur d’alerte, il s’agit juste en fait d’un concours de lanceurs de bouses. Quelle pitié de voir Médiapart se souiller de la sorte. Attendez d’avoir des éléments avant de mettre au pilori quelqu’un. Edwy souviens toi de nos luttes contre les procès staliniens, contre les amalgames et les techniques de créations « d’affaires » à partir des bureaux du PC d’URSS ou du PCF par quelques dinosaures intoxiqués au pouvoir ! On désigne et on accumule en faisceaux les éléments et cela fait preuve dans l’esprit des gens... Les rancœurs font office de moteurs pour des plaintes, parfois même des inventions auxquelles les acteurs eux-mêmes finissent par croire. » (Doc. n°25)

Mais Lénaïg Bredoux avait déjà répondu à ce genre d’interpellation par le blog de Sycophante dans Mediapart, le 13/12/18 :

« Tous ces éléments sont des informations vérifiées et recoupées. Faudrait-il les taire ? Faudrait-il attendre le rapport de l'IGAENR, ou une décision de justice ? Pourquoi dans ce cas ? Faudrait-il appliquer la même règle sur les affaires politico-financières ? Je ne crois pas. » 

Voilà, elle ne croit pas qu’il faille attendre, les dires sont des preuves, elle est seule juge, et sans doute avec elle la rédaction de Mediapart. Le système des lanceurs de bouse arrogant était en marche et continuera encore et encore. 

 

11. § - Lynchages

 

- M. Muselli : Que se passe-t-il ensuite ?

 

- F. Benslama : L’enquête de l’IGAENR avait commencé fin novembre et va durer 10 mois, jusqu’à la remise du rapport définitif. G. Pommier et F. Villa avec la partie de la meute dont ils sont les meneurs vont accroître leurs attaques contre moi par toutes sortes de moyens, sans doute dans le but d’influer sur l’enquête. Ces attaques sont en général hebdomadaires, mais peuvent s’intensifier et se manifester parfois à plusieurs reprises dans la semaine. Ils se font aux moyens de courriers électroniques à grande échelle diffusés par Mailshimp, des réseaux sociaux, des sites, des tags sur les murs et le sol de l’université, des rediffusions récurrentes de l’article de Mediapart coupé de mes réponses. Ce lynchage est devenu aussi le fait de quelques étudiants, incités par le groupe de F. Villa. Ces étudiants ont utilisé plusieurs supports : page Facebook, mails, convocation d’AG, appels à s’adresser aux enquêteurs de l’IGAENR, manifestations sur le campus. Des associations d’étudiants (Association Solidaires) et autre (AIFIA) ont également été impliquées. Tous ont le même mot d’ordre : il est coupable, il constitue le prototype du mâle dans l’université qu’il faut condamner sans procès et exclure sans attendre. C’est ce qui a abouti aux tags de la nuit du 7 au 8 mars 2019 sur les murs de l’université. Une patrouille de police a surpris les auteurs en flagrant délit. Trois des cinq étudiants appréhendés sont de mon UFR. Ils sont poursuivis pour injures.

 

- M. Muselli : Personne ne peut arrêter cela ? Pourquoi la présidente n’est pas intervenue puisque cela a lieu à l’université, après tout elle est responsable de ce qui se passe dans son établissement ? 

 

- F. Benslama : Je prends l’exemple de la manifestation du 28 mars 2019 sur la place Vidal Naquet, au cœur du campus de l’université Paris Diderot. Ses organisateurs ont franchi une nouvelle étape dans l’escalade. Le rassemblement a été appelé deux semaines auparavant par mails (Infonews du 28.3.19), en ces termes :

« (…) la manifestation de cet après-midi se fera donc sous le signe d’une demi-violence en attendant des sanctions ».

Cet appel à la violence aurait pu conduire à interdire légalement la manifestation, sinon à en poursuivre les auteurs, car qu’est-ce qu’une demi-violence, par rapport à une violence entière : blesser par rapport à tuer ? Comme le soulignait la lettre de Me Rebérioux à la présidente de l’université (11/03/19) :

« C’est aujourd’hui en toute impunité que certains membres de l’université orchestrent une campagne de lynchage public, tentant d’une manière évidente d’influencer l’enquête en cours, qu’il s’agisse de celle de l’IGAENR ou celle de la BRDP (Brigade de la répression de la délinquance contre la personne) ». Les inscriptions injurieuses de la nuit du 7 au 8 mars 2019 sur les murs et le sol de l’université sont restées plusieurs jours en l’état, sans que mon nom soit au moins estompé par les services de l’établissement, en attendant un effacement complet. Les mails récurrents de la fausse agence Infonews utilisaient un fichier d’adresses de l’université, sans faire l’objet d’aucune plainte de la part de la présidence. Ils présentaient de manière mensongère ma démission de mes fonctions comme étant le résultat de l’enquête de l’IGAENR. Le plus grave à mes yeux, ce furent les souffrances infligées aux doctorant(e)s que j’encadrais, particulièrement dans le cas de W.N qui a adressé le 4 avril 2019, une demande de protection à la présidente de l’université (Doc n°26). Elle écrit notamment :

« Mme Koussouri a commencé par me soutenir que ce n’était pas grave si je n’avais aucun motif réel de plainte, que le principal était que je témoigne contre lui [M. Benslama], quitte « à inventer » des situations de harcèlement, pour reprendre ses mots. » Elle ajoute : « Des textos ont été envoyés aux amis proches de mon frère pour leur dire que je suis portée disparu à Paris, que j’ai de graves problèmes ...Toute ma famille en Tunisie est actuellement secouée par ses menées Mme Koussouri (est allée jusqu’à dire que j’ai été violée par M. Benslama, ce qui est bien sûr faux, dans le but évident d'ébranler profondément ma famille et mes proches en anéantissant du même coup ma propre dignité ».

Sa lettre mérite d’être lue pour prendre la mesure de la violence déchaînée.

 

- M. Muselli : Tu dis que tu as démissionné de tes fonctions ?

 

- F. Benslama : En effet, devant partir à la retraite le 31 août 2019, afin d’organiser l’élection de mon successeur(e) et lui laisser le temps de prendre en main les affaires, j’ai proposé fin mars, en concertation avec la présidente et avec mes collègues, que ma démission prenne effet le 15 mai 2019. Ce qui fut le cas. Mes détracteurs ont présenté cela comme une sanction.

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Section 7

12.§ - Une enquête de l’IGAENR qui se prolonge

 

 

- M. Muselli : Qu’en est-il maintenant de l’enquête de l’IGAENR proprement dite ?

 

- F. Benslama : Le 21 décembre, je rencontre pour la première fois les inspecteurs de l’IGAENR à leur demande, mais cette rencontre a été décevante, ils ne me proposaient pas d’entrer dans les questions relatives aux différentes dénonciations. Je suis interrogé sur ma trajectoire professionnelle, sur le fonctionnement général de l’UFR. Mon avocate Me Rebérioux était présente. Je dois dire que j’ai collaboré à cette enquête avec beaucoup d’espoir, en pensant qu’elle allait rétablir la vérité, du moins en grande partie. D’autant que les inspecteurs m’avaient assuré qu’ils allaient instruire à charge et à décharge. J’étais confiant, j’ai mis à leur disposition tous les documents en ma possession qui correspondaient aux questions posées. En fait, j’allais devoir attendre 6 mois encore avant d’être interrogé sur le fond et pouvoir me défendre.

 

- M. Muselli : 10 mois, pourquoi cela a-t-il duré autant de temps ?

 

- F. Benslama : Les inspecteurs ont écrit qu’ils avaient entendu 97 personnes. C’est démesuré de l’avis de connaisseurs. Ils avaient donné à leur investigation le tour d’une pêche au chalut, jetant leurs filets n’importe où et sur n’importe qui. La secrétaire générale de l’université a eu ce mot moqueur : « c’est le dernier salon où l’on cause ». Personne ne comprenait la raison de cette longueur. Si les auditions ont duré de fin novembre à la fin du mois d’avril, comme ils l’ont écrit dans le rapport, si la semaine de travail est de 5 jours, pour 5 mois cela fait 125 jours, il en résulte qu’ils ont auditionné moins d’une personne par jour, en prenant beaucoup de vacances. On ne peut pas dire qu’ils étaient pressés. J’ai écrit aux inspecteurs pour marquer mon impatience, compte tenu du contexte d’épuisement à l’intérieur de l’IHSS nouvellement créée, et plus particulièrement dans le Département d’études psychanalytiques, malmenée par les accusations de G. Pommier qui sont devenues rapidement à caractère systémique. Il voulait clairement la destruction du Département d’études psychanalytiques. La réalisation de la menace de F. Villa devenait plausible. Plusieurs collègues se sont adressés à la médecine du travail de l’université, qui m’a contacté à son tour, car de ce côté au moins il y avait conscience du danger pour les personnes. Lorsque j’ai reçu la convocation à l’audition sur le fond pour le 19 mai, à la veille des élections prévues les 21 et 22 mai 2019, j’ai compris alors que le but était précisément celui-là : étirer l’enquête jusqu’aux élections. Celles de l’Université Paris 7 étaient la clé de la fusion avec l’Université Paris 5, dont la dépositaire était la présidente Christine Clerici, du point de vue du Ministère si elle les remportait. Les résultats n’étaient pas assurés dans un contexte de forte opposition au projet de fusion et d’incertitude sur les intentions des différents collèges composant statutairement le futur Conseil d’Administration, lequel allait décider la fusion et la liquidation de l’université Paris 7. La prolongation de l’enquête visait donc la sécurisation de ce processus électoral et la réalisation de la grande université de Paris. Le pré-rapport n’a été remis qu’au début du mois de juillet, à la veille des vacances universitaires. Il n’y avait plus que les administratifs à l’université. Entre-temps, la présidente a été réélue, elle a nommé un administrateur provisoire pour l’université de Paris 7, et un autre pour Paris 5, pour qu’elle puisse se consacrer à la construction de la nouvelle université. Circulez, il n’y a plus rien à voir.

 

- M. Muselli : Est-ce qu’il existe une autre interprétation à cette longueur de l’enquête ?

 

- F. Benslama : De mon point de vue, la prolongation correspond à une commande politique. Ces organismes d’enquêtes internes aux grandes administrations, du type IGAENR, nous le savons, ne sont pas indépendants, ils sont tributaires de leurs commanditaires, à savoir les cabinets des ministères. Il est possible aussi que cette prolongation corresponde à un excès de zèle des enquêteurs pour différentes raisons, y compris peut-être des motifs personnels. Je l’ai pensé et je ne l’exclus pas totalement. Mais je crois plutôt que ce qui commence pour des raisons politiques finit dans la politique. La secrétaire générale de l’université vient de confirmer ma première interprétation, en disant dans le compte-rendu d’une réunion qui a eu lieu le 18 décembre 2019, que c’est le ministère qui a conseillé l’IGAENR à la présidente. « Conseiller » dans le langage de l’État français veut dire « commander ».

 

- M. Muselli : Tu penses que tout ça relève de la précaution pour protéger les élections et le projet de fusion, mais n’était-ce pas une protection excessive et finalement contre-productive compte tenu de ce qui s’est passé ?

 

- F. Benslama : L’excès est inhérent à la mentalité sécuritaire d’aujourd’hui, mais une simple précaution peut virer en un processus incontrôlable et ce fut le cas avec tout ce qui s’est passé. Il peut y avoir une autre raison politique : dans le contexte de « MeToo » et de « Balance ton porc », beaucoup se précipitent pour laver plus blanc que blanc et jouer la morale pour se protéger. Le ministère voulait peut-être se montrer sévère avec le harcèlement sexuel à l’université et faire un exemple, d’autant que de nombreuses affaires ont éclaté dans plusieurs établissements et qu’il y a une forte pression médiatique à ce sujet. Le cas d’une grande université comme Paris 7 pouvait s’offrir une exemplarité dans le traitement de ce type d’affaire, et peu importe la présomption d’innocence et le sort des individus. Ceci étant, mon freudisme m’amène toujours vers la causalité multiple ou la surdétermination. Il peut y avoir plusieurs raisons en même temps avec une principale : précaution au départ pour sécuriser la réélection de la présidente pour cause supérieure de fusion, se montrer irréprochable après l’article de Mediapart ; quant aux motifs personnels, le zèle d’inspecteurs qui leur permet de se prévaloir d’une enquête hors normes ne m’étonnerait pas.  

 

- M. Muselli : La détestation de la psychanalyse ?

 

- F. Benslama : Je n’exclus pas, j’ai commencé à avoir des doutes lorsque j’ai lu le pré-rapport. Mais est-il besoin d’aller chercher dans l’intention des inspecteurs la volonté de nuire à la psychanalyse ? G. Pommier et F. Villa sont à cet égard dans le camp de la plus grande nuisance. Études psychanalytiques à l’université pourrait disparaître à la suite de cette affaire.

 

- M. Muselli : Dans les motifs personnels, le racisme te parait-il de la partie ?

 

- F. Benslama : Rien de tel ne m’est apparu chez les inspecteurs et je ne fais pas de procès aux inconscients. Il suffit qu’ils aient été partiaux comme on le verra, pour que le manquement à mon égard soit constitué. Quant aux mobiles de leur injustice, c’est secondaire et difficile à déterminer avec certitude. Avec mon avocate, Me Valentine Rebérioux, nous avons décidé de ne pas expliquer ce qui se passe par l’hostilité générique, mais de nous en tenir aux faits et à la volonté de nuire circonstanciée de mes détracteurs, même lorsque les relents racistes affleurent, parfois mêlés d’envie et d’ingratitude de la part de personnes que j’ai vraiment aidées.

 

13.§ - L’audition : le rapport était écrit d’avance

 

- M. Muselli : Comment se sont déroulées les auditions ?

 

- F. Benslama : Je vais commencer par la fin, à cause d’un incident grave qui indique dans quel sens l’enquête est allée d’emblée. Après onze heures d’audition, lorsque nous avons terminé, j’ai demandé aux inspecteurs quand estiment-ils pouvoir rendre leur rapport ? Subitement, j’entends l’un d’entre eux me répondre sur un ton monocorde : « le rapport est déjà écrit ». J’ai été sidéré, mon avocate également. Si j’avais été seul avec eux, on aurait pu mettre en doute ce que j’avais entendu. Le haut professionnalisme de Me Valentine Rebérioux m’a épargné cette épreuve supplémentaire, elle avait tenu à être présente à l’audition alors qu’elle était malade, tremblante de fièvre pendant des heures. Après plusieurs mois d’enfer, mon audition est donc un simulacre. Je pensais qu’à ce niveau de l’administration, il y avait tout de même le respect de la règle fondamentale d’entendre toutes les parties et d’avoir un débat contradictoire avant de se prononcer. Avouer qu’on n’a pas tenu compte des explications de la défense, c’est le franchissement de la ligne d’abolition de l’impartialité et de la sincérité de l’enquête.  

 

- M. Muselli : Mais pourquoi cette parole qui nuit à la crédibilité de l’enquête ? Était-ce de l’arrogance ?

 

- F. Benslama : Non, c’est la vérité qui lui a échappé. J’avais posé la question soudainement, après une longue et fatigante audition qui venait enfin de se terminer avec soulagement, il y a eu un relâchement, une perte de contrôle laissant surgir cette parole d’outre volonté que psychanalytiquement on pourrait qualifier d’« acting out ». Les cliniciens savent que les derniers moments d’une rencontre donnent lieu parfois à « des paroles échappées »… à la maîtrise et au refoulement. La vérité est parfois intempestive. La fatigue peut être son alliée. La suite a montré que l’inspecteur a dit vrai, le pré-rapport était totalement à charge. Mes réponses et les 165 documents que j’ai fourni à l’appui, qui démontraient la fausseté des allégations contre moi, n’ont pas été pris en considération.

 

- M. Muselli : Tu parles de pré-rapport, à quoi cela correspond-il ?

 

- F. Benslama : La procédure prévoyait un premier écrit des inspecteurs qui fait état des résultats de l’enquête, adressé à ceux qui font l’objet de l’instruction. Ces derniers ont quinze jours pour répondre, à la suite de quoi, le rapport définitif est établi. Je mets au pluriel les concernés par l’enquête, parce qu’elle ne tournait plus seulement autour de moi, bien que je sois l’élément central, mais d’autres personnes avaient été impliquées. Ceci étant, dans le cas présent il n’y avait pas beaucoup de différence entre le pré-rapport et le rapport. De petites retouches pour faire croire à une procédure qui fait place au contradictoire. En plus de l’anonymat des accusateurs, le pré-rapport et le rapport sont parsemés de coupures presque à toutes les pages, chaque fois qu’il est question d’un passage du rapport qui concerne une autre personne. Une petite phrase tient lieu de justification et revient sans cesse comme une ritournelle : « Partie non communicable au titre de l'article L. 311-6 du CRPA ». J’avais sur ma route un voile sur les yeux et des trous devant mes pieds en même temps.

 

- M. Muselli : Qu’est-ce que le CRPA ?

 

- F. Benslama : C’est le Code des relations entre le public et l’administration, issue d’une ordonnance de 2015. Je ne sais pas exactement ce que ce code apporte comme protection à l’administré, mais en l’occurrence, il permet ce jeu de court-circuit qui donne l’avantage aux accusateurs, en vous laissant dans le noir par rapport à ce qu’un autre a dit ou ce que les inspecteurs préparent à la dérobée. C’est aux antipodes du droit à un traitement équitable. 

 

- M. Muselli : Revenons au déroulement de l’audition

 

- F. Benslama : Comme je l’ai déjà dit, les inspecteurs me confrontaient à des propos dont les auteurs bénéficiaient de l’anonymat. Si l’on ajoute que souvent les faits allégués sont mensongers ou bien ont été travestis et sans indication de circonstances précises, se défendre ressemble à une marche forcée sur un chemin inconnu par une nuit de brouillard. C’était l’inégalité totale entre accusation et défense. Dans certains cas, les propos et les pseudonymes de l’article de la journaliste de Mediapart, issus de la liste Lemmaghti, m’avaient permis d’identifier certaines personnes et de préparer ma défense. Mais ce n’était pas toujours possible, la journaliste n’a mentionné qu’une partie des accusateurs et de leurs propos. De plus, ceux qui ont parlé avaient raconté autre chose aux enquêteurs ou rallongé les imputations après coup ; puis d’autres ont été recrutés par la suite. Je n’ai donc pas pu identifier tout le monde. Il faut ajouter ici que le bénéfice de l’anonymat et le statut de victime accordé d’emblée ont certainement permis de mentir sans freins. Le pire, c’est quand on m’opposait des rumeurs, ou bien des témoignages indirects : « quelqu’un a dit que quelqu’un lui a dit que… » Comment peut-on reprendre des choses pareilles dans une enquête de l’IGAENR ? Plusieurs rumeurs et témoignages indirects vont d’ailleurs figurer dans le pré-rapport et dans le rapport. Bref, les conditions de l’audition avec une telle procédure constituent un déni des droits fondamentaux prescrits par tant de déclarations et de conventions. Je n’imaginais pas que cela existe dans un État de droit. On pourrait se dire qu’une enquête administrative, ce n’est pas la justice. Je rappelle que les conséquences de ces enquêtes peuvent être extrêmement dommageables, telles des sanctions et la perte de son emploi. Il ne faut pas oublier que les rapports peuvent être transmis au procureur de la république et déclencher des poursuites. De plus, elles peuvent être utilisés par les ennemis, ce qui fut le cas d’ailleurs récemment.

 

- M. Muselli : Quand ? Que s’est-il passé ?

 

- F. Benslama : Dans une réunion organisée le 18 décembre 2019 par l’administrateur provisoire de l’université Paris 7, Reiner Veitia s’est cru autorisé à devenir un procureur en divulguant des morceaux choisis du rapport de l’IGAENR (supposé couvert par la confidentialité), sans ma défense, devant le public de mes détracteurs, dont plusieurs n’étaient plus membres de l’université. Reiner Veitia disait dans cette réunion, semble-t-il, que j’avais réalisé à l’université ce qu’il n’a pu faire ! Je n’arrive pas à croire que c’est un mobile suffisant pour faire ce qu’il a fait. L’inconsistance dans une fonction nouvelle et l’influençabilité sont en jeu peut-être, mais il y a un phénomène que j’ai observé, auquel il faut accorder de l’importance : la contagion dans la destructivité qui atteint des personnes disposées à la jouissance d’y prendre part. Certains ont tenu des propos injurieux à mon égard à nouveau, c’est particulièrement le cas de Josiane Pinto, d’autres ont utilisé cette réunion pour diffuser de pseudos compte-rendus ou verbatims, telle Hélène Godefroy, très proche de G. Pommier. Ils font tous l’objet de poursuites, y compris l’administrateur provisoire. La volonté de détruire se poursuit à mon égard, mais elle vise aussi le Département d’Études psychanalytiques dans la nouvelle UFR, ils veulent également sa dislocation avec la complicité interne de quelques Pokémons niais entre les mains de F. Villa.

 

- M. Muselli : Revenons à ton audition par les inspecteurs, l’atmosphère était tendue ?

 

- F. Benslama : Il y avait une tension, mais pas d’hostilité manifeste. Il régnait une sorte d’affabilité à visée anesthésiante qui veut te faire croire que les inspecteurs peuvent te vouloir du bien, et qu’eux-mêmes sont obligés d’user d’une méthode inique qui n’est pas de leur fait. La majeure partie des accusations tournait autour de la gestion de l’UFR d’Études psychanalytiques, autrement dit le fonctionnement institutionnel et les relations de pouvoir. Les dénonciations relatives au harcèlement sexuel ont occupé peu de place et sont intervenues à la fin, à la dernière heure. Malgré l’incident grave que j’ai mentionné, on sort en se disant : tout de même ils ne peuvent pas faire litière de tout ce que j’ai dit et de toutes les preuves que j’ai apportées : 164 documents... Et bien si…

 

14.§ - Le pré-rapport et le rapport à charge

 

- M. Muselli : Venons-en au pré-rapport…

 

- F. Benslama : Une remarque d’abord, quand tu es innocent, tu es confiant dans celui qui représente la légalité dans un État de droit. Même lorsque tu as la preuve que ledit représentant est hostile, tu ne parviens pas à le croire. Tu as beaucoup de mal à penser que celui qui incarne la fonction de tiers va collaborer avec ceux qui veulent te détruire. Concernant ta question, il faudrait parler du pré-rapport-rapport. Il y a peu de différence entre les deux, les inspecteurs le disent d’ailleurs à l’introduction du rapport. Les éléments qu’ils ont introduits à partir de mon mémoire de défense ne changent pas la substance de ce qu’ils ont déjà écrit : le sommaire est quasiment le même, ainsi que la ligne accusatoire à charge toute. Ils écrivent en page 2 : « M. Benslama a adressé le 17 juillet 2019 un mémoire en défense de 46 pages, accompagné de nombreuses annexes, portant sur l’ensemble du rapport qui lui a été soumis.Concernant la première partie du rapport, la mission a fait apparaître certaines de ses observations et remarques en commentaires ou les a directement intégrées au corps du texte, sans que cela ne remette en cause son contenu. » Les annexes en question représentent 74 pièces, ajoutés aux 164 documents que j’ai fournis au cours de l’audition. Quant à mes observations, elles ont été très réduites et traités tendancieusement, de sorte qu’elles pèsent peu. Souvent, elles sont exposées d’une manière tellement affaiblie qu’elles renforcent l’accusation. Des témoignages mensongers sont rapportés sur 20-30 lignes, alors que les preuves qui montrent la fausseté des allégations ne tiennent qu’en deux lignes, lorsqu’elles ne sont pas passés sous silence. En fait, sous le jeu qui consiste à donner place à la défense, afin d’équilibrer le pré-rapport, il y a une tromperie : le rapport est pire que le pré-rapport sous un certains angle, car souvent il a mis les arguments la défense au service de l’accusation. Pour une affaire aussi importante et si le contradictoire existe réellement, pourquoi n’avoir pas annexé mon mémoire au rapport et laissé les pièces en consultation à la demande ? Le numérique n’existe pas à l’IGAENR ! 

 

- M. Muselli : Est-ce que tu peux donner des exemples de ces traitements tendancieux ?

 

 

15.§ - Exemples de partialité concernant la gouvernance

 

- F. Benslama : On peut commencer par la première partie du rapport consacrée à la nouvelle UFR, créée le 1er janvier 2019. Les inspecteurs vont consacrer 7 pages à en dire tout le mal possible sur tous les plans. D’abord, ils commencent par critiquer mon cumul entre la fonction de directeur de l’UFR d’Études psychanalytiques et la mission qui m’a été confiée en 2011 par le président de l’université (qui en a informé le CA), de créer un institut interdisciplinaire qui a été dénommé : Institut Humanités et Sciences de Paris (IHSP), lequel fut parmi beaucoup de projets, la couveuse de la nouvelle UFR IHSS. Ils reconnaissent qu’il n’y a pas d’objection légale à ce cumul, cela ne me donne aucune indemnité supplémentaire, mais quand même ça n’empêche pas la mise en cause : « il porte préjudice à l’établissement », En quoi ? Pas de raison mentionnée. L’université Paris 7 est connue pour sa fondation interdisciplinaire avec tous les secteurs : médecine et sciences du vivant, Sciences humaines et sociales, Langues, Maths, physique et chimie, et pourtant elle n’avait pas de dispositif dédié pour favoriser l’interdisciplinarité, depuis sa création il y a un demi-siècle. La création de l’IHSP est en lien étroit avec la vocation de l’université et c’est un événement. Mais les inspecteurs avaient trouvé une petite astuce pour rejeter les arguments liés au service rendu à l’université :  ils prétendent ne pas s’occuper des questions scientifiques, ce qui est faux, ils le font indirectement.

 

- M. Muselli : Mais pourquoi remontent-ils à la création de l’IHSP, il y a 8 ans ?

 

- F. Benslama : Ils font l’historique dans le but de montrer qu’à la racine ce que j’ai fait était entaché de défaut, d’impureté, de pouvoir excessif. Ils n’hésitent pas à reproduire un témoignage qui dit pour la création de l’institut ceci : « Je ne l’ai jamais [Fethi Benslama] entendu parler de stratégie ou de projet scientifique. » Or, j’ai apporté un grand nombre de documents (annonce de réunion, CR, conférences, contributions écrites, invitations internationales, etc.) qui montrent les débats préparatoires à la création de l’Institut pendant plusieurs mois dans l’université, abordant tous les aspects de sa vocation interdisciplinaire. Voici ce qu’ils finissent par écrire dans le rapport à ce sujet :

« Dans ses écritures en réponse au contradictoire, M. Benslama donne une illustration des apports scientifiques de l’IHP par diverses actions, ce que la mission ne conteste pas. Elle reprend ici les propos d’un témoin qui sont convergents avec d’autres témoignages qu’elle a recueillis. (p.14) » Ainsi, pour les inspecteurs les dires de témoins défavorables l’emportent sur les faits attestés et c’est systématique dans cette enquête. Un autre témoignage choisi, mais on ne sait pas si c’est le même témoin ou pas, dit :

« J’en déduis qu’il a utilisé l’IHSP à ”des fins personnelles” (c’est entre guillemets dans le texte) ». Quelles sont donc les fins personnelles ? Les voici indiquées dans la foulée : « Les bruits couraient que c’était pour assurer la pérennité de son UFR études psychanalytiques (p.15). » L’UFR c’était donc moi. Hélas, je ne pourrai pas dire à l’instar de Louis XIV, je meurs et l’UFR demeure toujours…Un autre témoignage dit : « Il ne déléguait pas sa signature […] tout passait par lui ». J’apporte un document qui montre que je déléguais ma signature à mon adjoint. Voici comment la preuve est réduite à un simple énoncé, tout en gardant bien sûr le témoignage négatif : « Dans son mémoire en réponse, M. Benslama affirme avoir délégué sa signature à son adjoint ». Un autre témoignage prétend que le projet de la création de la nouvelle UFR n’a pas été discuté et qu’il fut annoncé lors d’un cocktail. Balayé l’existence d’un comité de pilotage appelé « Groupe de configuration » (Doc. n°27) avec les représentants de toutes les parties : directeurs de 4 centres de recherches, de deux UFR et d’un département, de 2 responsables administratifs, d’un juriste représentant le secrétariat général de l’Université, des représentants du personnel administratif, bref une vingtaine de personnes. Ce groupe était précédé par des discussions avec les représentants élus des composantes appelées à se regrouper pour préparer l’ordre du jour du comité de pilotage. Il y a eu ensuite l’élaboration collective des statuts impliquant une dizaine de navettes avec le service juridique, puis le passage deux fois devant les 3 conseils centraux de l’université et le comité technique. Pas un mot sur ce chemin très difficile, sur les documents qui authentifient l’existence du comité de pilotage. Les inspecteurs voulaient montrer que je faisais tout seul, d’une manière improvisée et mal.

 

- M. Muselli : A ce stade, on commence à se dire qu’ils t’en veulent personnellement.

 

- F. Benslama : Est-ce qu’il y a de la part des inspecteurs un parti-pris contre moi en tant que personne ? Je ne peux répondre à cette question, je ne suis pas à l’intérieur de leurs consciences. Du reste, ce n’est pas ainsi que le problème devrait être formulé. Lorsqu’une enquête n’obéit pas une méthode rigoureuse et que la faculté critique ne s’exerce pas pleinement, objectivité et subjectivité se mélangent et la partialité fait son entrée dans la scène. Cette fameuse expression « ce n’est pas personnel », qu’on entend souvent pour dire qu’il n’y a pas de motif privé ou intime dans un acte contre quelqu’un, n’est pas recevable, l’accusé d’un forfait n’a pas « les deux corps du roi », selon le mot d’Ernest Kantorowitz, il est une seule entité accusée, condamnée ou pas. J’ai vécu ce rapport comme une exécution. Ce qui m’a empêché d’aller dans l’abîme, c’est de me dire : « ce n’est pas moi », celui dont il s’agit dans ce rapport est un personnage dans un film créé par mes ennemis et projeté dans la salle obscure de l’enquête. Ça m’a donné la force de combattre le faux et l’authentification du faux comme vrai par le rapport. L’attaque de l’IHSS ne s’arrête pas là. Après avoir donné la parole à ceux qui veulent rabaisser le projet, les inspecteurs entreprennent ensuite de montrer dans le pré-rapport les dysfonctionnements de la nouvelle UFR pour critiquer ma « gouvernance » selon leur mot. Le pré-rapport est un massacre de la réalisation de la nouvelle UFR et de celui qui l’a portée. Je leur rappelle dans mon mémoire de défense que tout de même, à la fin des auditions, au mois d’avril 2019, l’IHSS n’avait que quatre mois d’existence, qu’une dizaine de postes administratifs ne sont pas pourvus, qu’il existe quelque chose que même pour les machines on appelle « rodage ». Ils finissent par écrire dans le rapport, tout en maintenant une grande partie du jeu de massacre : « Toutefois, l’UFR IHSS est encore jeune, doit développer son identité, et s’inscrire dans la perspective des changements induits par la nouvelle université fusionnée ».

 

- M. Muselli : Ils n’étaient pas soucieux de l’adéquation entre la parole et la réalité.

 

- F. Benslama : La vérité était pour eux la dernière roue du carrosse, il faut vraiment que leur véhicule soit sur la jante pour se dire « mais au fait, il y la dernière roue du vrai ».  J’ai relevé dans le rapport 36 erreurs factuelles sur 42 pages, dont j’ai dressé le tableau en annexe à cet entretien (Annexe n°2 : Tableau des 36 erreurs factuelles du rapport de l’IGAENR). Ces erreurs portent sur des éléments objectifs : chiffres, dates, données, actes documentés, faits existants ou inexistants, plusieurs de ces erreurs ont un impact important, voir crucial dans certains cas sur ma responsabilité et mes torts. Par exemple, les inspecteurs veulent montrer ma volonté de tout contrôler et d’être dans plusieurs instances, en dénonçant le fait que je sois le président du Conseil de l’UFR, alors que c’est une disposition statutaire de tout directeur d’UFR. Ils veulent insinuer des comportements de toute puissance, ils écrivent : « M. Benslama fait changer le nom d’usage de l’Institut », alors que c’est une décision collective qui est passé par le CA de l’institut et validée par le CA de l’université. Il est des cas où, on peut se demander s’il s’agit d’absence de méthode ou de volonté de surcharger. Par exemple, les inspecteurs indiquent que les tensions que j’aurais installées avec le personnel administratif avaient pour cible « majoritairement des femmes ». Or, c’est tout le personnel administratif qui est féminin. De plus, ils ne mentionnent que trois cas de cette tension sur une vingtaine de personnel, dont deux au moins qui ne sont pas de mon fait, mais relèvent d’un conflit entre collègues et avec la responsable administrative. Car, l’un des buts du réquisitoire des inspecteurs est de me faire passer pour misogyne, oubliant que dans la description qu’ils ont donnée de ce qu’ils appellent mon « clan », la moitié ce sont des femmes. D’une manière générale, lorsque les inspecteurs parlent « du clan », il s’agit à leurs yeux des enseignants-chercheurs qui soutiennent ma direction, et ils sont la majorité, alors que ce qui fait vraiment « clan » c’est bien le petit groupe autour de F. Villa. Cette inversion des rapports contraire à la réalité arithmétique est un alignement sur les accusations de F. Villa. La supposée neutralité des inspecteurs a été sans cesse une neutralité malveillante à mon égard. Un autre exemple de cette malveillance, intervient quand les inspecteurs m’attribuent la constitution d’une liste électorale qui n’existe pas, n’ayant pris ni le temps de vérifier, ni de me poser la question à son sujet. Parfois, ça tourne au ridicule quand ils rapportent le propos suivant d’un témoin : « Je l’ai entendu dire en réunion en rigolant qu’il était Dieu et qu’on devait l’écouter pour cela. » Pour ce témoin, comme pour les inspecteurs, « rigoler » ne désigne, ni le second degré, ni le rire, cela prouve ma toute puissance. C’est la raison pour laquelle un rapport de l’IGAENR prend la peine d’en faire état.

Ancre 12
Ancre 13
Ancre 14
Ancre 15
Ancre 16

Section 7

Section 8

16.§ - Des accusations infondées de clanisme et de clientélisme

 

 

- M. Muselli : 36 erreurs factuelles, cela fait presque une erreur pas page.

 

- F. Benslama : Sans parler des assertions sans aucun étayage, des interprétations tirées par les cheveux. Ces inspecteurs sans rigueur ont été dépassés par leur enquête, « à l'insu de leur plein grés ». Je dispose d’un témoignage sur une confession faite à l’extérieur de l’université par l’un d’entre eux évoquant la grande difficulté de l’enquête et tenant des propos peu amènes sur son collègue. Le monde est petit et l’indiscrétion est grande. Dans la partie suivante du rapport qui représente une vingtaine de pages, l’objet est clairement énoncé par le titre : « La construction d’un ”système de type clanique” basé sur une forme de clientélisme ». Qu’est-ce que ça signifie de mettre entre guillemets « système de type clanique » ? Citation, expression figurée ? L’ensemble de cette partie reprend exclusivement le point de vue de mes détracteurs qui constituaient une opposition très minoritaire (7 sur 36 EC) au sein de l’ex-UFR d’Études psychanalytiques, comme il en existe dans toute organisation démocratique. Leur thèse est qu’après le début idyllique d’une direction de l’UFR collégiale et réformatrice en 2007, j’aurais exercé ensuite le pouvoir d’une manière autoritaire dans « une bande de quatre ». La rhétorique de ce chapitre reprend plusieurs expressions de F. Villa quand il ne faisait plus partie de l’équipe de direction : «système clanique, « clientélisme », « autoritaire ». A aucun moment n’est évoqué que les collègues, comme moi-même, qui ont exercé les responsabilités, avons été élus par les 36 EC de l’UFR dans le strict respect de la règle par bulletins secrets et sans qu’aucun recours ne soit jamais formé contre ces élections. On en déduit nécessairement que ces collègues auraient abdiqué toute liberté et seraient soumis à mon pouvoir. Ils se seraient donc laisser faire comme « des moutons ». C’est humiliant pour toutes ces personnes. Ils représentent en 10 ans, avec les départs et les arrivées, au moins 50 enseignant-chercheurs.

 

- M. Muselli : Des exemples précis des affirmations des inspecteurs ?

 

- F. Benslama : L’une des premières illustrations de ce qu’ils appellent « clientélisme » est la suivante : « Des témoignages indiquent que se crée une forme d’allégeance que le directeur consolide par un système de faveurs, comme l’attribution de telles ou telles responsabilités, de contrats d’ATER, ou même de nominations. Si certains connaissent des trajectoires professionnelles plutôt rapides, il est conseillé à d’autres d’aller voir ailleurs pour être recrutés ou promus. » J’ai beau avoir donné des documents qui démontrent que les candidats aux postes d’ATER sont auditionnés par les directeurs d’axes du laboratoire, ensuite classés par un vote secret (Doc. n°28), puis validé par le Conseil de l’UFR (Doc. n°29); j’ai beau montré également par preuves de quelle manière les attributions des responsabilités parmi les collègues sont votées par le Conseil de l’UFR, soit sur proposition du directeur, soit sur présentation directe du candidat au conseil, rien n’y fait. Je ne suis pas parvenu à me faire expliquer par les inspecteurs à quoi se rapporte la notion de « nomination ». Elle ne correspond à rien. Dans le système universitaire le directeur d’une UFR ne nomme pas, le recrutement ne dépend pas de lui, mais d’un Comité de sélection composé généralement d’une douzaine de personnes, à parité femmes/hommes, dont la moitié est extérieure à l’université. Quant aux promotions, les inspecteurs semblent ignorer ou feindre, qu’elles relèvent d’une procédure complexe où le Conseil de l’UFR, à bulletin secrets, donne à chaque candidat une mention sur une échelle préétablie en vue d’un premier tour au Conseil national des universités. Dans un deuxième tour, le Conseil de l’UFR classe ceux qui n’ont pas été promus au niveau national, en vue d’une promotion interne à l’université, pareillement votée à bulletins secrets. Le classement est proposé au Conseil d’administration de l’université qui désigne des rapporteurs et vote par la suite les promotions à bulletins secrets ». Voici pourtant la réponse définitive des inspecteurs dans le rapport : « Dans son mémoire en réponse au rapport provisoire, M. Benslama oppose que les décisions sont toutes prises collégialement et qu’il n’est donc pas seul décisionnaire. La mission s’appuie ici sur des témoignages qui font état de difficultés rencontrées tout comme celles évoquées au paragraphe 3.1.4 ». Les propos tenus par quelques personnes, propos élevés au rang de témoignages, ont plus de crédibilité et surpassent en valeur de vérité, des preuves.

 

- M. Muselli : Tu étais face à un mélange d’ignorance et de parti-pris.

 

- F. Benslama : Il y a une volonté d’accabler avec une absence totale de souci que le rapport puisse faire l’objet d’une contestation en appel. Les inspecteurs sont souverains : tu peux apporter toutes les preuves que tu veux, ils croient ceux et ce qu’ils veulent croire. Ils ont peut-être un régulateur à l’arrière-plan, mais c’est en vase clos. En tous cas, entre le pré-rapport et le rapport, pour l’essentiel, rien n’a changé dans la méthode, dans la forme et peu dans le contenu. L’enquête est fondée sur le principe que le témoignage auto-victimaire confère le statut de martyr à son auteur, accordé d’emblée à celle ou à celui qui dit : « je suis victime ». Sur le chapitre des responsabilités attribuées dans l’UFR, les inspecteurs écrivent page 9 : « Les principales fonctions et responsabilités sont alors cumulées par un petit groupe et le schéma se poursuit jusqu'à récemment ». L’affirmation de ce passage est contraire à la réalité. J’ai fourni aux inspecteurs le bilan des responsabilités dans l’UFR d’Études psychanalytiques, fait en 2015 par la responsable administrative (Doc n°30), responsabilités exercées depuis 2007, date de mon premier mandat. J’ai remis également un document sur la nomenclature des responsabilités que j’ai élaborée et fait voter par le Conseil de l’UFR avec les obligations et les avantages pour chaque responsabilité, nomenclature qui n’existait pas auparavant (Doc n°31). Il ressort du bilan que 70 responsabilités ont été exercées par les 2/3 des enseignants-chercheurs sur 10 ans (sans compter les responsabilités de DU). Les enquêteurs substituent à ce bilan un tableau de leur cru, plus limité, comportant de nombreuses erreurs factuelles, par exemple F. Villa qui a occupé plusieurs fonctions (directeur adjoint de l’UFR, responsable du Master, directeur du CRPMS) a été oublié… On ne sait comment ils ont fabriqué ce tableau, ils ne le disent pas. Mais à supposer que l’on prenne en compte leur tableau, y figurent tout de même les noms de 18 enseignants-chercheurs qui ont exercé des responsabilités sur les 36 de l’effectif total, ce qui représente 50% de l’ensemble. Dans quelle UFR de l’université, dans quelle organisation, y a-t-il un taux aussi élevé de partage des responsabilités rémunérées, grâce aux ressources propres ? Comment concilier cet élément avec l’accusation d’une organisation « clanique » qui concentre les responsabilités ? Le comble, parmi les personnes mentionnées dans le tableau des inspecteurs figurent plusieurs collègues qui se sont plaints de n’avoir pas eu de responsabilités et qui ont été parmi les opposants notoires : Ph. Givre, E. Ricadat, M. Araneda, B. Pachoud.

 

- M. Muselli : Il est étonnant que les inspecteurs ne s’aperçoivent pas de la contradiction dans leurs propos lorsqu’ils disent que les responsabilités sont concentrées dans un petit groupe et produisent un tableau où 50% des enseignants ont des responsabilités !

 

- F. Benslama : Ils ne s’embarrassent d’aucune contradiction. Ils font état de témoignages de mes détracteurs qui décrivent une atmosphère de peur, d’humiliation, d’infantilisation de mes collègues, qui seraient exposés à mes colères et à mon autoritarisme. On ne peut savoir de combien de personnes il s’agit exactement, mais un décompte est possible : si on enlève les 24 enseignants-chercheurs sur 36 qui m’ont apporté leur soutien et dénoncé les accusations de G. Pommier dans une lettre (Doc n°32), si on décompte ma voix et celle correspondant à un poste non-pourvu, si l’on tient compte de 3 personnes qui voulaient rester neutres, le nombre de mes détracteurs parmi les enseignants sur poste ne dépasse pas 7 personnes, autrement dit le groupe des opposants de F. Villa. Ces plaignants enseignants-chercheurs, fonctionnaires de l’État, ayant tous entre 40 et 60 ans, sont présentés comme des agneaux apeurés, malmenés, subissant silencieusement le martyr. Sur les 97 auditionnés, il aurait été hautement significatif de produire un décompte classant ceux qui approuvent les dénonciations et ceux qui n’y souscrivent pas, ceux qui ne se prononcent pas, etc. Ç’eut été plus éloquent que tous les débinages sur mes méfaits supposés. Mais la confusion dans le récit fabriqué par les inspecteurs et la généralisation les arrangent bien pour raconter ce qu’ils veulent. J’ai vécu un procès où on ne discerne ni le temps, ni les circonstances, ni les personnes qui portent les mêmes noms, ici tous s’appellent « victime ». On ne sait pas dans cette enquête qui parle, quand ça s’est passé et dans quel contexte. Pourquoi subitement, à quelques mois de mon départ à la retraite, ils ont décidé de se plaindre en groupe. Les inspecteurs avaient sans doute oublié ce qu’ils avaient écrit au tout début du rapport : 

« La mission note qu’aucun des acteurs de prévention en fonction dans l’université (médecin de prévention, conseiller de prévention ou psychologues du travail) n’a été saisi, alerté, ou même informé de ces situations avant que la directrice des ressources humaines ne le fasse».

C'est que tout cela n’existait pas avant la fabrication de la meute en 2018. Les inspecteurs avaient écrit cela pour critiquer la carence de ces services, mais ils ne se rendaient pas compte que ce faisant, ils montraient qu’il n’y avait rien avant cette année. Je propose d’ajouter à la liste de ceux qui ont manqué à leurs obligations de signaler : la direction des ressources humaines avant 2018, les syndicats, le comité hygiène et sécurité de l’établissement, les membres du CA, la présidence. Ainsi, pendant toutes ces années, ce fut l’omerta générale sur mes sévices et le silence des agneaux.

 

17.§ - « La psychanalyse un joyau de Paris 7 »

 

- M. Muselli : Tu n’as pas la réputation d’être laxiste et tu as de l’autorité, tout le monde le sait, est-ce qu’il n’y avait pas des excès de ta part ?

 

- F. Benslama : Quand j’ai pris la direction en 2007, l’UFR était en mauvais état sur le plan de l’organisation et des moyens, on ne parvenait pas à payer les chargés de cours, elle était en marge de l’université depuis des années. Le redressement nécessitait de passer à une autre culture. J’étais exigeant dans la reconstruction d’un lieu de haute qualité pour la psychanalyse à l’université, en m’appuyant sur un héritage et en essayant de lui donner une nouvelle envergure dans une grande université française, c’était cela le projet de refondation. 

 

- M. Muselli : Quelle forme cette exigence-prenait-elle ? Ne serait-ce pas cela qui est à l’origine du problème ?

 

- F. Benslama : Il m’arrive de taper du poing sur la table, quand les relevés des appariteurs constatent trop d’absences non-déclarées de certains enseignants, quand des enseignants ne font pas le cours qu’ils se sont engagés à faire selon le programme (la maquette des enseignements) et qu’ils font autre chose, quand une responsabilité rémunérée n’est pas assurée par son titulaire (c’est le cas de Claire Squires, l’une de ceux qui se plaignent de n’avoir pas de responsabilités), quand des administratifs ou des enseignants ne répondent pas aux étudiants, ne remettent pas les notes à temps, quand des jurys de soutenance ne se tiennent pas selon les règles, quand le président de la commission des admissions, tel Bernard Pachoud, ne fait pas son travail, quand un professeur fait des blagues à caractère sexuel devant le personnel administratif féminin. Ce fut le cas de F. Villa, comme l’a rappelé un responsable administratif devant les inspecteurs. F. Villa était à l’époque dans l’équipe de direction et nous entretenions des relations amicales, je l’ai néanmoins convoqué dans mon bureau pour le mettre en garde. Plusieurs personnes qui ont témoigné contre moi, ont été défaillantes à un certain moment dans l’exercice de leur fonction et rappelées à l’ordre, ou bien avaient demandé un passe-droit qu’elles n’ont pas obtenu. La rigueur avec laquelle j’ai conduit les affaires de l’UFR avec des responsables administratifs de très grande qualité, que j’ai choisis moi-même, avait fait qu’Études psychanalytiques était réputée avoir l’une des meilleures organisations de l’université. Un jour, il y a eu un problème important sur le nouveau campus du 13èmearrondissement, le président V. Berger a fait le tour des UFR. A 19h30, la seule UFR parmi la douzaine de l’université, dont une partie du personnel administratif était à son poste, c’était la nôtre. Je n’y étais pas ce jour-là. Le président m’a appelé pour me dire qu’il était impressionné et que c’était là le résultat de la qualité du traitement du personnel, la plupart des fonctionnaires, je le rappelle. Le président V. Berger n’a pas été auditionné.

 

- M. Muselli : Il semble que l’UFR avait un grand nombre de demandes d’inscription ?

 

- F. Benslama : Tous les ans 8000 candidats pour entrer en L1, alors qu’il n’y avait que 170 places disponibles. Tous les dossiers étaient examinés avec des règles de sélection précises : la qualité scolaire du dossier et la motivation occupaient la place centrale. L’une des plus petites UFR de Paris 7 était la deuxième en nombre de candidatures après Médecine, la plus grosse UFR. Le déclenchement de ce flux s’est opéré, lorsque j’ai rémunéré des jeunes doctorants pour aller dans les grands lycées de Paris et de banlieue présenter notre formation centrée sur la clinique, orientée par la psychopathologie et la psychanalyse. Nous avions eu tout à coup un grand nombre de candidats qui provenaient des prépas, nous pondérions ce recrutement par des lycéens de banlieue et des personnes qui ont des parcours atypiques (micro-lycée), un certain nombre sans bac (avec un DAEU : diplôme d’accès aux études supérieures). L’attractivité s’est accentuée, lorsque j’ai proposé et obtenu en 2012, le changement du nom de l’UFR de « Sciences humaines cliniques », dénomination absconse, incompréhensible et intraduisible à l’international, en « Études psychanalytiques », non sans beaucoup de résistances internes de collègues qui se disaient par ailleurs psychanalystes et enseignaient les textes et la théorie psychanalytiques à l’université.

 

- M. Muselli : Pourquoi cette dénomination : « études psychanalytiques » ?

 

- F. Benslama : Étudier la psychanalyse, ce n’est pas former des psychanalystes, ce n’est pas le rôle de l’université. C’est la formation (Bildung) de l’esprit autour de la découverte de Freud, ce qui est valable aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants. Bien entendu, nous formons des psychologues cliniciens côté professionnel, et je crois que sans cette formation qui a mis sur le terrain tous les ans 250 diplômés depuis l’invention du master pro en 1977 (DESS à l’époque), ce qui fait environ 11000 psychologues cliniciens orientés par la psychanalyse. Sans ces générations, dont une partie a été en analyse et a occupé le terrain clinique, c’est l’état de la psychanalyse dans les institutions en France qui serait différent. Il ne faut pas oublier par la suite les formations semblables qui se sont ouvertes dans d’autres universités. A côté de cette dimension professionnelle, il existe surtout un esprit qui procède de la psychanalyse, qui s’intéresse aux autres savoirs, à leurs éruditions, à ce qui se passe dans le monde, surtout c’est une voie d’intelligence de l’existence humaine dans ce qui manque en elle à l’humain, tout en étant une discipline et un art. La psychanalyse est une avancée dans la civilisation, c’est mon leitmotiv de toujours, depuis le premier jour où j’ai rencontré Freud. Tous les ans, la directrice de la grande bibliothèque de l’université, adressait une lettre à tous les directeurs des composantes et des services, où elle indiquait que les étudiants de notre UFR étaient ceux qui fréquentait le plus la bibliothèque. « Études » n’était pas seulement un mot. L’affichage de ce que nous faisions était un élément de reconnaissance essentiel, il fallait sortir d’un marranisme de pacotille. Freud voulait que la psychanalyse soit à l’université et craignait que la psychothérapie ne tue la discipline. Nous avons obtenu le statut de licence sélective, qui nous permettait de choisir nos étudiants ce qui n’est pas aisé dans le système qui a été en vigueur. Le fait que nous sélectionnions nos étudiants se traduisait par un taux très élevé de réussite, avoisinant les 90%, là où le système universitaire avait 50% d’échec, dès la première année. 80% de nos étudiants avaient un emploi, 18 mois après l’obtention du diplôme de fin d’études (Master pro), selon les enquêtes des services de l’université. Il fallait une organisation efficace, ce qui a été facilité par une prospérité matérielle exceptionnelle. Pendant mon deuxième mandant, j’ai impulsé un développement tel à la formation continue (diplômes universitaires (DU) et formation qualifiantes (FQ)) avec l’engagement des collègues, que nos recettes sont passées de 30.000€ à 600.000€ par an, ce qui permettait d’avoir des crédits sur ressources propres et de pallier des insuffisances dans le budget de fonctionnement donné par l’université, avec la création de plusieurs emplois temporaires. Sur le plan de la formation continue, nous étions devenus la troisième composante de l’université dans l’offre et dans les recettes dont 25% étaient versés au budget de l’université. Nous proposions à un prix symbolique nos formations dans les DU aux étudiants de la région parisienne qui venaient de terminer le cursus principal. Nous pouvions financer des colloques internationaux, des revues orientées par la psychanalyse. Tout cela ne pouvait être obtenu sans l’exigence et la rigueur, insupportables pour certains collègues. Il fallait protéger en permanence l’acquis contre l’inertie et le laisser aller de certains confondant l’association libre avec le bazar intellectuel. En même temps, la recherche dans le CRPMS, sous la direction d’Alain Vanier, a connu un développement exceptionnel des contrats, pour lesquels F. Villa a joué un rôle important, et des publications nationales et internationales, donnant lieu à des évaluations par les autorités indépendantes (AERES puis HCRES) au plus haut de l’échelle. Notre revue « Recherches en psychanalyse », en Français et en Anglais, entièrement financée par l’UFR, sous la direction de Rémy Potier, comptabilisait 110.000 consultations par an. Vincent Berger ex-président de l’université Paris 7 et ancien conseiller du président de la république pour la recherche et l’enseignement supérieur, a eu ce mot : « la psychanalyse est un joyau de Paris 7. » Bien entendu, de tout cela il n’en fut pas question dans le rapport de l’IGAENR, mais seulement des imputations infamantes d’un groupe de pleurnichards, en panne ou en échec, surestimant la qualité de leurs travaux, jouant la comédie victimaire. Pourquoi les inspecteurs qui prétendent à une enquête extensive n’ont-ils pas interrogé tous les enseignants-chercheurs de l’UFR pour vérifier s’ils vivaient dans la terreur comme ils le laissent croire dans leur rapport ? Est-ce qu’il y a eu de l’excès de ma part dans telle ou telle circonstance, peut-être, mais ce n’était jamais systématique et je n’ai jamais voulu humilier personne. Parfois, j’ai perdu patience devant la bêtise ou la mauvaise foi, mais cela ne durait pas longtemps. L’UFR d’Études psychanalytiques était une ruche : 2000 étudiants avec le master recherche et la formation continue, 36 enseignants sur poste, une centaine de chargés de cours, 270 doctorants, 20 administratifs, des rattachés secondaires au laboratoire, des invités de l’étranger, etc. Nous étions plusieurs à avoir nourri le projet de faire des études psychanalytiques un haut lieu dans le système académique. L’université est la dernière institution, relativement préservée pour la liberté de pensée et l’accès pour tous, qui convient bien à la délicatesse des savoirs et aux arts rares comme la psychanalyse… mais pas pour longtemps encore, croyez-moi. Je savais que quoi qu’on ait pu faire, cela ne pouvait suffire et que dans l’université ce qui est le plus universel ce sont les rotations continues des moulins de l’oubli. Pourquoi pas ? Puisque le plus important ce sont les générations des étudiants qui se succèdent et que les universitaires doivent aussi céder la place à d’autres, après quelques écumes de cours et d’écrits. Il y a parfois une traine ou un reste exceptionnel. J’ai fait de la phrase de Freud : « Quoi que vous fassiez vous ferez mal » (propos tenu à une mère qui demandait conseil sur la meilleure éducation) un sigle de l’UFR en trait d’esprit, afin que l’idéal n’écrase pas le désir (Doc. n°33).

 

- M. Muselli : Tout cela risque aujourd’hui de sombrer ?

 

- F. Benslama : Comme le pensait H. Arendt, le mensonge détruit le monde commun et nous y sommes.

Ancre 17
Ancre 18

Section 9

18. § - L’organisation des enseignements, le refus des passe-droits (exemple : C. Lindenmeyer)

 

- M. Muselli : Comment était organisé le service des enseignants ? Souvent, c’est là le terrain des frustrations et des rivalités

 

- F. Benslama : Justement, les inspecteurs ont fait état de témoignages dont les auteurs prétendent avoir été exclus par moi des cours magistraux et que j’aurais attribué ces cours à des jeunes doctorants au détriment d’enseignants sur poste. Comme d’habitude, les inspecteurs n’ont entrepris aucune vérification à ce sujet et ils ne m’ont pas posé de questions. Ils auraient obtenu le tableau complet des services, qui est d’ailleurs affiché sur le site de l’UFR et dans la scolarité. Tout enseignant sur poste avait un cours magistral. Le service des enseignants, ainsi que je le mentionnais plus avant est l’une des délégations données par le président de l’université au directeur de l’UFR ; or mon premier acte, une semaine après ma première élection en 2007, a été de créer une commission des enseignements pour l’attribution des cours et l’organisation du planning (Doc. n°34). Autrement dit, j’ai confié tout de suite ce pouvoir à une gestion collégiale, supervisée par un coordinateur, devenu par la suite la directrice adjointe. Mis à part la première année, je n’assistais plus aux travaux de cette commission. La méthode est la suivante : on publie les cours et les TD prévus dans la maquette officielle, les enseignants candidatent avec un projet argumenté pour chaque cours demandé, basé sur leur compétence attestée par leurs publications. La commission étudie la proposition et prend la décision. Des doctorants et des chargés de cours peuvent obtenir un enseignement dès lors qu’aucun enseignant sur poste ne le demande, mais pour certains enseignements, nous ne disposons pas des compétences en internes ou pas assez (statistiques, tests projectifs, neurosciences, etc.), ce qui nous conduit à en chercher dans le vivier de doctorants et de chargés de cours. Ceci étant, j’affirme que chaque enseignant titulaire avait au moins un cours magistral, sans exclusion aucune. Il y a un cas qui montre comment je ne déroge jamais à la règle concernant les décisions de commission, c’est celui de Cristina Lindenmeyer, maître de conférences, particulièrement proche de F. Villa…qui l’a fait bénéficier indûment en tant que VP-CA d’une dispense d’enseignement exceptionnelle en 2017, que j’ai contestée. Cette collègue a prétendu que je l’ai harcelée moralement et que j’ai eu vis-à-vis d’elle « une attitude inappropriée », selon les termes des inspecteurs pour désigner des conduites de séduction ou de harcèlement sexuel. Je reviendrai plus loin sur cet aspect. Cette collègue m’a fait une demande en 2015 de passer outre la commission et de lui attribuer des cours qu’elle n’a pas eu par cette voie, voici ma réponse à son mail qui figure dans le document joint (Doc. n°35), l’intérêt de ce cas est qu’il est paradigmatique de ma conduite en la matière :

« Chère Cristina,

Je comprends la déception de ne pas avoir le cours que l’on souhaitait obtenir. Mais, tu n’es pas la seule dans cette situation, j’ai des demandes similaires à la tienne, provenant d’autres collègues, qui veulent modifier les propositions de la commission, avant même leur notification officielle. Si je commence à changer les décisions de la commission des enseignements pour un enseignant, les autres ne comprendraient pas pourquoi ne pas le faire pour eux. Je mets le doigt dans un engrenage dangereux qui enlèvera toute crédibilité à la commission des enseignements, et je me mettrai dans la situation très critiquable d’accorder des privilèges à certains. Il y a eu beaucoup de vociférations à ce sujet dans la réunion du collège B [collège des maîtres de conférence], le comble est que ceux qui criaient contre les supposés privilèges, injustice ou opacité, n’hésitent pas à en demander pour eux-mêmes en catimini ... Bref, je ne changerai pas de ligne de conduite. J’ai proposé la création de la commission des enseignements en 2007, pour sortir de l’arbitraire de l’attribution des services tel qu’il était pratiqué avant. Je ne reviendrai pas là-dessus. Il y a une solution que j’ai adoptée moi-même : la partage d’un cours. Je l’ai fait avec une jeune collègue MCF, alors que la commission me l’aurait accordé exclusivement. Franchement, la querelle sur les cours prend des proportions démesurées. Bien à toi. Fethi » 

 

- M. Muselli : Tu as communiqué ces documents aux inspecteurs ?

 

- F. Benslama : Tout à fait, cela n’a rien changé, ils ont maintenu les témoignages mensongers sur les cours.

 

- M. Muselli : Quels sont les autres points importants du rapport, relatifs à la question du pouvoir ?

 

- F. Benslama : Comme les inspecteurs font feu de tout bois, les mises en cause sont nombreuses, appuyées sur des témoignages mensongers, les déconstruire tous ici nécessiterait beaucoup de temps. Je ne m’arrêterai ici qu’aux principaux problèmes et je consignerai le reste dans un tableau des imputations qui témoignent de la partialité de l’inspection ainsi que les réfutations que je leur oppose (Annexe n° 1 Autres imputations inexactes, p.57)

 

19.§ - L’imputation d’une domination absolue

 

Les inspecteurs ont osé reprendre un propos qui prétendait que j’exerçais « une domination absolue » (p.18). J’étais en somme le Roi-soleil de l’université. Ils n’ont reculé devant aucune exagération telle que celle-ci :

« Des témoins ayant pourtant quitté l’UFR, depuis plusieurs années, ont également manifesté leur inquiétude enprécisant que M. Benslama disposait d’un vaste réseau de relations dans et hors de l’université, et que leur carrière et même l’exercice institutionnel ou libéral de leur métier de psychologue pourrait s’en trouver affecté, ce que M.Benslama conteste.» (p.31)

 

- M. Muselli : Tu disposerais donc d’un pouvoir tentaculaire…

 

- F. Benslama : C’est crainte et tremblement…Il est clair qu’il s’agit d’une enquête dont l’objet est fourvoyée, elle est menée non sur les faits mais sur les fantasmes d’une toute puissance hors du commun qui m’est attribuée, fantasmes traités comme réalité. J’aurais un pouvoir de nuire sans limite. Dès qu’on arrive aux faits et aux actes réels, il n’y a plus rien, alors les inspecteurs semblent regarder ailleurs. 

 

20.§ - Le problème du recrutement des enseignants-chercheurs

 

Le recrutement des enseignants-chercheurs est un enjeu important qui a condensé beaucoup de soupçons et de récriminations. Voici la première phrase qui ouvre cette partie du rapport : « Le clientélisme s’est incarné dans le recrutement ». Or, j’ai rappelé aux inspecteurs que pendant les 10 ans de mes mandats de directeur de l’UFR, il n’y a eu qu’une seule doctorante sous ma direction qui a été élue maître de conférences à l’UFR, alors que le renouvellement des effectifs du fait des départs à la retraite avait atteint les 2/3 des postes. Cette donnée objective a été escamotée.

 

- M. Muselli : Escamotée comment ?

 

- F. Benslama : Les inspecteurs, qui aiment faire des tableaux, aurait pu en dresser un facilement, celui des directeurs de thèse, dont les doctorants ont été élus maîtres de conférences dans l’UFR, comme je l’ai fait ci-joint (Doc. n° 36). Ils auraient alors pu constater que c’est Pierre Fédida (1934-2002) qui a eu le plus de doctorants élus maîtres de conférences à l’UFR (11 doctorants). Alain Vanier qui fut le directeur du laboratoire pendant 11 ans : 2 doctorants (autant que François Villa qui fut directeur 6 mois) et 2 professeurs dont il a été garant de l’HDR. Le reste des maîtres de conférences se répartit d’une manière égale à raison d’un doctorant pour un directeur de thèse, sauf François Richard dont les doctorants sont surreprésentés (3 doctorants).

 

- M. Muselli : Quelle conclusion peut-on tirer de ce tableau ?

 

- F. Benslama : Cela signifie que Pierre Fédida a été le dernier grand mandarin à l’ancienne, directeur d’un laboratoire qui pouvait faire élire facilement ses élèves et qu’après lui le pouvoir à l’université a changé. Ni Alain Vanier, ni moi n’avons usé de nos fonctions ou même tenté, de faire élire nos doctorants. Ce constat très simple à faire, aurait peut-être dissuadé les inspecteurs d’écrire :

« Plusieurs témoignages évoquent le fait que cet endo-recrutement aurait aidé à constituer le « clan »

et à assurer la fidélité de certains au directeur. Un témoin déclare : « J’ai vraiment l’impression qu’on a nommé des personnes maître de conférences ou professeur des universités soit par ce qu’elles se sont affidés, soit sur des profilsporteurs au moment mais on peut s’interroger sur les capacités de certains à développer leur carrièreultérieurement. »

Mais, je ne crois pas que les données objectives auraient dissuadé les inspecteurs d’écrire ce que je viens de citer, leur instruction à charge est essentiellement fondée sur les « j’ai l’impression que » et sur des témoignages concertés pour dénoncer ce qui s’est fait dans l’UFR pendant 10 ans. Je note que dans la citation ci-dessus, le doute ne porte pas sur la capacité de développer des travaux mais la carrière. Cela indique assez ce qui importe à ce témoin et c’est d’ailleurs là le problème des récriminants d’aujourd’hui. Ils estiment avoir le droit à une carrière à l’université, en faisant abstraction de la qualité de leurs travaux, de leur originalité, qui manquent souvent, et surtout de leur correspondance avec l’offre des postes. C’est pourquoi, peu de docteurs deviennent maître de conférences et peu de maître de conférences accèdent au professorat.

 

- M. Muselli : Dans la phrase que tu viens de citer, ils parlent « d’endorecrutement », est-ce que tu peux préciser cette notion.

 

- F. Benslama : Il s’agit du recrutement de candidats internes : doctorants et ATERs pour les postes de maître de conférences, pour les postes de professeurs, les maître de conférence en place. On appelle cela aussi « le localisme ». Les inspecteurs ont soulevé un problème réel, mais sans prendre le temps d’examiner ses données, tant ils avaient hâte de produire une interprétation à charge. Dans le pré-rapport ils écrivent :

"L’UFR études psychanalytiques se signale au cours des années par un très fort taux d’endorecrutement de 71,45 % qui contribue à l’entre soi. »

Les inspecteurs ont mentionné des témoignages qui considèrent que « l’endorecrutement aurait aidé à constituer « le clan » et à assurer la fidélité de certains au directeur ». Tout en reconnaissant que le taux du recrutement local est élevé concernant les maîtres de conférences, je leur ai communiqué une évaluation différente à travers un autre chiffre provenant des services centraux de l’université (Doc n° 37), d’où il ressort que le taux d’endorecrutement est de 63,6% pour les maîtres de conférences, comparé au 32,8% sur le plan national, et de 42 ,8% pour les professeurs alors qu’il est de 56,1% sur le plan national. J’ai expliqué ce localisme du recrutement des maîtres de conférences par le fait que notre UFR dispose de l’unique école doctorale de Recherches en psychanalyse, en France et en Europe, qui compte en permanence 270 doctorants, dont 30 à 40 soutiennent leur thèse chaque année. A elle seule, cette école doctorale forme et confère le titre de docteur bien plus que toutes les universités françaises réunies dans la spécialité orientée par la psychanalyse. Au fond, il est plutôt honorable de n’avoir pas cédé à la pression et d’avoir continué à recruter 40% des maîtres de conférences à l’extérieur de notre école doctorale. Les inspecteurs n’ont pas cherché à siuer et à comprendre le problème. Ont-ils interrogé les services centraux sur le taux de recrutement local des maîtres de conférences dans notre université ? Cela dépend des années, mais à plusieurs reprises il a atteint 50%, une différence de 13% avec notre UFR. Quant aux professeurs, on tombe en dessous de la moyenne nationale, ce qui créé à chaque élection un drame interne à l’UFR, dans la mesure où nous disposons de plusieurs maîtres de conférences HDR et que certains d’entre eux pensent que ce diplôme leur donne droit à devenir professeur ; et si ce n’est pas le cas, alors c’est incompréhensible, c’est l’injustice, le martyre.

 

- M. Muselli : Et quand c’est un candidat interne qui est élu, c’est mieux ?

 

- F. Benslama : Quand c’est un candidat interne qui est élu, c’est parfois pire : pourquoi elle ou lui et pas moi ? Ah, mais c’était donc joué d’avance ! Je passe chaque année beaucoup de temps à recevoir ceux qui n’ont pas été élus pour leur expliquer les raisons objectives de leur échec : très souvent leurs compétences ne correspondaient pas au profil du poste, souvent la qualité de leur dossier était moins bonne que celui qui a été choisi, ou bien ils ont raté leur audition, etc. Surtout, je rappelle qu’il y au moins 12 collègues dans le comité (dont la moitié sont des extérieurs) qui ont leur mot à dire et votent à bulletins secrets au final. Trois des collègues de l’UFR ont considéré qu’ils étaient victimes d’ostracisme en n’obtenant pas un poste de professeur et s’en sont plaint aux inspecteurs en dénonçant « le favoritisme du clan », parce qu’ils supposaient que l’autre élu(e) en a bénéficié(e). Ce fut le cas principalement de Cristina Lindenmeyer qui s’auto-intoxiquait à chaque élection en disant à ses collègues, plusieurs mois à l’avance, que ce sera certainement elle la future élue. Elle a prétendu que le débriefing que j’ai assuré avec elle après plusieurs échecs, était de l’ordre du harcèlement moral, alors que je le faisais parce qu’elle me demandait de lui expliquer les raisons de son échec. Je le faisais pour tous les candidats qui me le demandaient, sans jamais révéler les délibérations du jury. Dans leur rapport, les inspecteurs ont maintenu le chiffre de 71,43 de recrutement local en expliquant pour justifier ce maintien, qu’il provient de l’université mais pour la période entre 2013 et 2016, donc sur 3 ans, alors que mon chiffre est sur 5 ans. Bien sûr, quand on est un inspecteur on a le droit de considérer que sur 3 ans, c’est plus légitime que sur 5 ans.

 

- M. Muselli : Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi le ministère n’interdit pas tout simplement le recrutement local, s’il peut être entaché de favoritisme.

 

- F. Benslama : Une telle exclusion créerait une inégalité de traitement contraire à la loi. Il faut remarquer que la fonction publique d’une manière générale ne cesse de recruter localement avec des concours internes, dont certains sont vraiment biaisés. La mesure qui a imposé la parité hommes/femmes et au moins 50% d’extérieurs à l’université, puis qui a obligé à déclarer les liens d’intérêt (directeur de thèse, co-auteur d’un article ou d’un livre, etc.) est destinée à diminuer le poids du localisme. Les inspecteurs ne se sont pas privés de critiquer injustement nos comités de sélection, jusqu’à mettre en cause implicitement la probité de nos collègues extérieurs en considérant qu’ils appartenaient au « clan Benslama », sans jamais apporter la moindre preuve de liens d’intérêt. Ils ont dressé des tableaux de participation aux comités de sélection erronés, dans lesquels 4 enseignants-chercheurs internes, dont moi-même et quatre externes étaient surreprésentés dans les comités de sélection sur une période de 8 ans. Aucune démonstration de conflit d’intérêt en rapport avec cette surreprésentation n’a été apportée, aucune élection n’a été mise en cause par les instances centrales ou par des recours au tribunal administratif, avant celui de L. Westphal, en septembre 2018.  Dans la meute où les groupes de G. Pommier et F. Villa ont fait jonction, il y a de chaque côté trois personnes qui n’ont pas été élues à Paris 7 ou ailleurs, soit des chargés de cours candidats aux fonctions de maître conférences, soit des maîtres de conférences en vue des fonctions de professeur. Ce sont eux qui ont jeté le soupçon sur la probité et la légalité de ces comités par inspecteurs interposés. Ces derniers ont tout fait pour délégitimer ces comités par des artifices qui recourent par exemple à l’anachronisme au regard des textes qui réglementent ces comités. Ils ont oublié que les Comités de sélection sont sous la surveillance des services centraux de l’université et que les textes qui les régissent n’ont pas cessé d’évoluer, ce que la mission concède à un certain moment, en indiquant même que nous appliquons l’arrêt du Conseil d’État de 2017. Mais cela n’empêche pas de mettre en cause la légitimité de ma présence ou de celle d’Alain Vanier dans ces comités. Il était considéré comme normal jusqu’à ces dernières années que le directeur du laboratoire soit présent dans un comité de sélection qui concerne sa structure, de même qu’un directeur d’axe ou d’équipe, qu’un directeur d’UFR, garant de la qualité de l’enseignement. A aucun moment, les services centraux ne nous ont signalé que ces participations étaient réprouvées ou interdites. Ces problèmes de recrutement se retrouvent dans d’autres UFR de l’université et ailleurs. Parfois, la critique des inspecteurs témoigne de leur ignorance feinte ou réelle du fonctionnement normal des Comités de sélection.

 

- M. Muselli : un exemple ?

 

- F. Benslama : En voici un parmi bien d’autres. Ils écrivent :

« Lors du recrutement du poste de professeur 4212 en 2015, le concurrent du lauréat, auditionné mais non retenu,n’est pas classé. La présidente du comité rédige à son sujet une mention totalement opposée à ce qu'elle a pourtantelle-même rédigé sur le procès-verbal de la première réunion du comité, trois semaines plus tôt, sans prendre appuisur la qualité de son audition. »

Commentaire :

1) La mission ignore sans doute que les Comités de sélection ont le droit de ne pas classer un candidat ou plusieurs. Plusieurs raisons à cela, dans certains cas pour ne pas affecter ceux qui seraient mal classés, mais dans d’autres cas il s’agit d’indiquer que le candidat retenu est le seul jugé en adéquation avec le poste, de sorte que s’il se désiste, il n’y a pas un second qui puisse le remplacer et qu’il vaut mieux refaire le concours.

2) Le fait que la présidente de la commission rédige une mention totalement opposée à la sienne en tant que rapporteur, signifie qu’elle ne s’exprime pas à titre personnel à la fin des délibérations, mais en tant que présidente porte-parole du comité. C’est élémentaire.

- M. Muselli : Si les autres mises en cause dans la gestion de la gouvernance générale seront traitées dans une annexe des imputations joints à cet entretien, venons-en aux cas individuels que tu as reconnu derrière l’anonymat.

 

 

21.§ - Marina Koussouri, un cas de pseudo victime

 

- F. Benslama : Il faut noter d’abord, l’utilisation par les inspecteurs d’un procédé déloyal, qui consiste à mentionner le même cas sous anonymat à travers plusieurs angles d’attaque et à plusieurs endroits du rapport, sans dire que c’est le même cas, de sorte que cela multiplie artificiellement le nombre de plaignants et de type de mises en cause. Le cas de Marina Koussouri s’est prêté à cet usage, tant cette personne a été parmi les plus déchaînées dans sa haine contre moi et contre l’UFR d’Études psychanalytiques pour n’avoir pas été recrutée. Elle a joué un rôle d’incitatrice à la délation et aux faux témoignages, elle a persécuté gravement W.N. Une partie de l’audition et ensuite du rapport lui ont été consacrée. Les inspecteurs ont commencé par me demander de m’expliquer sur un épisode qui a eu lieu il y a 11 ans, à propos duquel M. Koussouri (à l’époque doctorante) a prétendu que je l’ai intimidée. Je donne les détails de cette histoire qui montre jusqu’à quel niveau de broutilles l’inspection est descendue. Il ne s’agissait pas d’un conflit avec moi, mais entre M. Koussouri et un autre doctorant : Rémy Potier. Je ne me souvenais pas de quoi il était question quand les inspecteurs m’ont interrogé. J’ai pu reconstituer l’affaire par la suite grâce à mes archives et à d’autres témoignages. M. Koussouri avait agressé verbalement R. Potier, lors d’une réunion en 2008 au sein de l’École doctorale. Sa directrice, ma collègue Sophie de Mijolla, m’avait rapporté l’incident. Elle souhaitait confier à Rémy Potier une mission d’étude concernant les doctorants. Un peu plus tard, j’ai surpris M. Koussouri en train d’invectiver R. Potier dans un couloir avec une autre doctorante. En fait, l’enjeu était le pouvoir de représenter les doctorants, perçu à tort, comme une marche pour un futur recrutement au poste de maître de conférences. Cette rivalité entre doctorants va d’ailleurs jouer un rôle dans les rumeurs. Bref, j’étais dans ma fonction de directeur de l’UFR d’adresser un rappel à l’ordre à M. Koussouri. La directrice de l’ED et moi-même, lui avions signifié que son comportement pouvait conduire à mettre en cause son futur contrat d’ATER, qui n’était pas encore signé, si elle poursuivait dans la même attitude vis-à-vis de ses collègues. Elle avait déjà eu des conflits violents avec d’autres doctorants. M. Koussouri est quelqu’un de passionnel et de virulent, qui peut basculer subitement dans la fureur. Le crime passionnel en Grèce était son sujet de thèse, bonne thèse au demeurant. Néanmoins, j’ai signé son contrat à la rentrée, il fut renouvelé l’année suivante par le comité de recrutement des ATER. J’ai apporté par la suite un soutien constant à M. Koussouri, bien après la fin de son contrat d’ATER, à cause de la qualité de son engagement. Cet incident, somme toute assez banal dans une communauté de travail où les conflits et les rivalités existent comme partout, a été monté en épingle et classé par les inspecteurs dans la rubrique de l’abus de pouvoir et fait de M. Koussouri une victime historique de mes méfaits, le premier signal alarmant de mon autoritarisme. Pourtant, je leur ai apporté par la suite la copie d’un mail daté du 15 septembre 2014, dont j’extrait le passage suivant :

« bonjour M. Benslama, je voudrais vous remercier d’abord pour le temps que vous m’avez consacré hier et vous remercier du fond de mon cœur, pour votre proposition de participer au projet transculturel avec Mme Lindenmeyer et Mme Pestre (…)  je vous suis très reconnaissante et j’oublierai jamais la manière que vous vous êtes comporté vers moi dans des moments difficiles. un énorme énorme merci. » (Doc. n°38). Ce mail a été envoyé par M. Koussouri à partir de la messagerie de son mari.

 

- M. Muselli : Cela n’a rien changé dans l’appréciation de cet incident ?

 

- F. Benslama : Rien, ni dans l’appréciation du fait, ni dans sa consignation dans le rapport. Une autre assertion, plus grave celle-ci, mérite d’être évoquée. Parmi les accusations concertées, mes détracteurs ont voulu me faire passer pour un misogyne, maltraitant les femmes. Les inspecteurs m’ont confronté (toujours dans l’anonymat, c’est moi qui nomme et dévoile l’identité de l’auteur de la dénonciation pour les besoins de ma défense) à l’allégation suivante de M. Koussouri : « En 2013, lors d’une journée d’étude au sein de l’association « Espace analytique », [elle] affirme avoir entendu des remarques sexistes liées à sa grossesse, notamment de M. Benslama, comme le fait « qu’on ne peut pas êtremère et intellectuelle » ou que « la salle était [...] trop petite pour accueillir une femme qui est dans une grossesse très avancée ».

C’est un mensonge total. J’ai retrouvé dans les échanges de mails avec Mme Koussouri, ma réponse en date 8 octobre 2012, à son mail trois jours auparavant où elle m’informait de sa grossesse « inattendue », en ces termes :

« C’est une grossesse au début, je suis encore à la fin du troisième mois, et encore je ne sais pas son déroulement, parce que j’ai une série des examens, (amniocentèse, etc.)…mais je pense que pour des raisons d’éthique je dois vous mettre au courant, surtout vous pas seulement en tant que directeur de l'UFR, mais comme le professeur qui a été si soutenant avec moi dans mes moments si difficiles à la fac et je vous remercie encore comme toujours. Pour l'instant je continue mes cours à P7 que je tiens énormément, sans problème parce que vous comprenez que j'ai très envie de travailler. » (Doc. n°39). Voici ma réponse dans le même document :

« Chère Marina, J’espère que votre grossesse se passera bien, concentrez-vous sur cela, ne vous inquiétez pas pour le reste, votre place est dans l’UFR. On verra comment vous remplacer pour terminer le semestre si vous ne pouvez pas le faire. J'ai rencontré la semaine dernière votre mari, très sympathique et sans doute talentueux dans son métier. Très cordialement. ». Ces documents n’ont rien changé non plus à la position des enquêteurs et à leur rapport.

 

- M. Muselli : Qu’est-ce qui explique que des personnes comme M. Koussouri, qui t’a exprimé sa gratitude plutôt deux fois qu’une (« un énorme énorme merci »), soit devenue une ennemie ?

 

- F. Benslama : Le cas de Mme Koussouri est comparable à beaucoup d’autres. Le processus qui les a conduits à la dénonciation calomnieuse est souvent le même. Après avoir espéré que le directeur de l’UFR « les pistonne » pour obtenir un poste de maître de conférences ou de professeur lorsqu’il s’agit d’un maître de conférences, n’ayant pas pu parvenir à leur fin, la déception les conduit à la rancune qui s’assouvit dans cette vengeance utilisant MeToo et Balance ton porc. L’offre de faire meute ouvre la voie à la réalisation vengeresse collective, la plus jouissive des vengeances. Les lettres que M. Koussouri m’a adressées montrent l’intensité de la demande de faveur et de la croyance que la puissance du directeur peut passer outre toutes les procédures et les délibérations institutionnelles collégiales. Elles ou Ils en arrivent à penser que ceux qui ont obtenu le poste, l’ont eu par cette même faveur qu’eux n’ont pas eue. Elles ou ils soupçonnent que l’autre a dû donner quelque chose pour accéder au poste, qui devait leur revenir. Le sentiment de préjudice exacerbé les entraine vers toutes sortes d’expressions haineuses, et celles de M. Koussouri sont particulièrement violentes. Elles ou ils s’autorisent alors tous les mensonges par représailles, mais le pire est que dans certains cas elles ou ils se sont si auto-intoxiqués par leurs confabulations qu’ils finissent par les croire vraies. Les enquêteurs évoquent dans leur rapport la souffrance de ces personnes, qui peut être réelle dans certains cas, car le sentiment d’être préjudicié est douloureux, mais c’est une grave erreur de ne pas tenir compte du fait, bien connu, que le préjudice peut être imaginaire, alors que la souffrance est réelle et qu’elle trouve un soulagement en étant projetée sur un auteur supposé être à l’origine du préjudice. 

 

- M. Muselli : Le commun aurait du mal à penser que la frustration conduit à cette extrémité haineuse.

 

- F. Benslama : Les inspecteurs de l’IGAENR sont supposés être formés au discernement dans ces affaires. D’autre part, ce n’est pas n’importe quelle personne qui parvient à la rage de M. Koussouri. Il faut avoir à l’esprit qu’en 10 années de direction de l’UFR, les 2/3 des 36 postes ont été renouvelés. Pour chaque renouvellement, il y a parfois plusieurs dizaines de candidats au concours. Cela fait des centaines de personnes frustrées, or il n’y a que quelques-un.e.s qui vont à l’extrémité où est allée M. Koussouri et Cie. Ça doit représenter moins de 1%, mais les inspecteurs n’ont pas levé la tête pour avoir cette vue d’ensemble, ils ont tiré des conclusions générales du microcosme d’une entente au sein d’un groupe de personnes en meute avec meneur. Je pense aussi que l’époque actuelle autorise une sensitivité à l’outrage et au préjudice. Dans le cas M. Koussouri, ça va très loin. Je vais citer in extenso, sans changer une virgule, son mail daté 16 juin 2016, à la suite de sa non-audition lors du concours à un poste de maître de conférences :

« bonjour M. Benslama,

Je me permets de vous écrire pour vous exprimer ma tristesse voire ma déception. Si je vous écris

c’est juste pour vous dire que pendant ces dernières années à la fac je suis entrée dans une profonde tristesse. Une tristesse qu’elle devenait doucement de plus en plus grande surtout parce qu’elle était accompagnée d’une incompréhension. Ma relation avec vous a toujours été accompagnée avec des malentendus, toujours avec cette incompréhension qui arrive comme une ironie tragique, parce que moi j’avais et j’ai l’estime et le respect pour vous. Je ne comprends pas pourquoi, soit vous me sous estimez soit vous me méprisez, je me trompe peut être mais c’est une sensation amer que j’ai. je suis dans une profonde tristesse, déçue pour tout ce qui se passe, offensée car mon grand désir de travailler n’est pas pris au sérieux. Cette mélancolie qui m’envahit de plus en plus, est toujours structurée autour de cette incompréhension et de ce grand pourquoi. Je me suis permise de vous exprimer comment je me ressens, car c’est très important pour moi de vous dire maintenant que tout est fini que vous passez peut être des fois à côté des gens qui vous déposent pleinement leur désir et leur confiance sans les croiser, sans les regarder….c’est la sensation que j’ai depuis des années avec vous, et croyez moi c’est très mélancolique. C’est comme si nous nous sommes jamais rencontrés vraiment. Je ne suis pas fâchée ou en colère mais je me sens très blessée. Je vous remercie pour votre temps et peut être un jour on aura l’occasion de discuter car je voudrais pas m’imposer à votre programme si chargé. très respectueusement. Marina » (Doc. n°40)

 

- M. Muselli : Elle parle en effet de mélancolie, du sentiment d’être méprisée, de blessure…

 

- F. Benslama :  Voici ma réponse, le même jour :

« Chère Marina,

Je vous l’avez déjà dit, je ne suis pas seul à recruter les enseignants chercheurs, c’est ce que vous ne parvenez pas à comprendre. Il fut un temps (il y a plus de 10 ans) où le directeur du laboratoire ou de l’UFR pouvait le faire, mais plus du tout aujourd’hui, personne ne peut choisir seul. Il y a un comité de 12 personnes, dont la moitié sont extérieurs, qui ont leur jugement et ne se laissent pas convaincre facilement. Et puis c’est un concours avec beaucoup de candidats dont les dossiers sont comparés les uns aux autres et non dans l’absolu, au regard du profil du poste. Celui qui a été élu sur le poste « psychanalyse et politique », vient de Toulouse, je ne le connaissais pas avant, ni aucun membre du comité, son dossier est le meilleur et il est centré sur la question principale du profil recherche : la radicalisation. Relis le profil du poste. Thierry Lamote est la référence dans ce domaine dans toute la région du Sud-ouest. Ceux qui ont été auditionnés sont tous très proches de ce profil. Il y a des raisons objectives à un recrutement. Cela n’enlève en rien à vos qualités personnelles et l’estime que j’ai pour votre travail. J’ai souhaité votre audition et je l’ai dit, mais le vote de l’ensemble du comité ne vous a pas retenu, au regard des autres candidats, estimant qu’ils avaient un meilleurs dossier et étaient plus proche du profil. J’ajoute encore une chose, que le profilage des postes se fait aussi collectivement et passe par trois instance: comité directeur du labos, Conseil scientifique, conseil de l’UFR. C’est presque la moitié de l’UFR qui est impliquée. Je comprends votre déception, mais il faudrait ramener la chose à la réalité que je viens d’indiquer et qui fait que tous les ans, des centaines de candidats, dont beaucoup sont de grande qualité ne sont pas recrutés, et dans notre UFR il y en a qui ont parfois de meilleurs dossiers que ceux qui sont sur poste. Les conditions du concours ne laissent pas de place à la subjectivité des uns et des autres. Il faut poursuivre votre travail et vous préparer pour d’autres concours, en sachant cela et en acceptant les règles du jeux. Bien à vous. Fethi Benslama. » (Doc n° 40)

 

- M. Muselli : Ces documents ont été transmis aux inspecteurs ?

 

- F. Benslama :  Tout à fait et d’autres encore, par exemple un mois avant les précédents mails, j’ai mis M. Koussouri en garde contre sa croyance que j’ai le pouvoir qu’elle imagine. Échange de mails du 06/05/2016 (Doc n° 41).

- « bonjour M. Benslama,

je me permets de vous écrire car j’avoue que je me sens effondrée et très triste mais c’est vrai que je tiens à votre promesse pour un poste sur le crime ciblé à mon profil mais je voudrais vous  demander une grande faveur de discuter avec vous sur une série de choses comme les TD charges des cours pour l’année prochaine ou la politique des publications. c’est très important pour moi de pouvoir vous rencontrer selon toujours vos disponibilités/ ce serait possible? je vous remercie. marina »

-« Bonsoir Marina,

Attention, je n’ai pas promis qu’un poste sur « le crime » sera ouvert l’année prochaine, mais que j’essayerai de défendre le projet. Les décisions sont prises collectivement, personne ne peut décider seul dans l’université. De plus, à supposer que cela soit possible, les conditions du concours dépendent d’un jury dans lequel il y a au moins 12 personnes et la moindre décision fait l’objet d’un vote. Quoi qu’il en soit, il est trop tôt d’en discuter maintenant de cela. Concernant les charges de cours, en revanche les tiennes seront reconduite l’année prochaine. On se verra début juin, car le mois de mai est vraiment saturé avec les comités de sélections et les examens. Bien cordialement, Fethi Benslama »

 

- M. Muselli : Elle s’est laissée convaincre que tu vas profiler un poste pour elle.

 

- F. Benslama :  Elle n’en démord pas, elle ne veut pas comprendre que ce n’est pas possible, que ce type de décision se prend dans un conseil de laboratoire, ensuite dans un conseil scientifique, et enfin dans un conseil de l’UFR, qu’il y a des discussions et des votes. Et voici à la fin ce qu’elle écrit en novembre 2018 dans un SMS envoyé à l’un de ses contacts :

« La cible c’est Benslama…Les médias vont s’impliquer contre cette ordure de Benslama » (Doc n°42)On trouve cet enchainement : espoir, déception, rancune finissant dans la vengeance dans tous les cas de plaignantes et plaignants dans cette enquête empathique, voire même solidaire avec la meute.

 

- M. Muselli : Avec M. Koussouri, la sexualité n’était pas de la partie.

Ancre 19
Ancre 20
Ancre 21
Ancre 22

22.§ Kyveli Vogiatzoglou, autre cas de pseudo victime

 

- F. Benslama : Non, elle ne s’y mettait pas elle-même heureusement…, mais elle a incité d’autres à aller dans ce sens, notamment l’une de ses amies. Il s’agit d’une femme qui apparaît dans l’article de Mediapart sous le pseudonyme de « Régine ». Les inspecteurs reprennent ses allégations. Ils écrivent :

« Une ancienne doctorante a témoigné de la séduction, voire d’une « drague dont elle aurait fait l’objet de la part de M. Benslama. »

Cette formulation laisse planer l’idée qu’il s’agit de l’une de mes doctorantes, ce qui n’est pas le cas, mais j’ai été dans son jury de soutenance de thèse, sans la connaître auparavant. Ils poursuivent le récit suivant dans le pré-rapport :

« Elle déclare qu’après sa soutenance de thèse, ce dernier lui a apporté son soutien et lui a proposé plusieurs collaborations de recherche mais cette sollicitude était associée à des marques d’attention très visibles et ambiguës. Elle indique notamment que lors d’un colloque au Brésil, M. Benslama a souhaité être tout le temps avec elle et l’a fréquemment prise en photo. Il l’a invitée plusieurs fois au restaurant, et aussi au bar de l’hôtel Lutetia, en 2012, pour parler de son travail. Il lui aurait dit à cette occasion qu’il lui fallait une vie de luxe et qu’il pouvait la lui offrir. Un autre jour, il aurait essayé de l’embrasser sans toutefois y parvenir. En 2013, la jeune femme obtient un contrat d'ATER mais rencontre des soucis de santé qui l’éloignent de ses obligations professionnelles. M. Benslama lui aurait alors fait comprendre qu’elle n’aurait pas nécessairement sa seconde année d’ATER. En mai-juin 2014, il lui aurait proposé de l’accompagner lors d’un déplacement à Rome, sans que la jeune femme n’ait d’activité professionnelle spécifique lors de cette mission. Elle indique avoir essayé de trouver des excuses pour ne pas y aller, en prétextant notamment un problème de disponibilité sur le créneau initialement envisagé. (…) Il lui aurait déclaré dans son bureau que « si [elle partait à Rome avec lui], il y a des arguments pour sa deuxième année de contrat d'ATER [mais que si elle ne venait pas], il n’y a pas assez d’argument pour une deuxième année. La jeune femme aurait fini par décliner clairement l’invitation et n’a pas eu de seconde année d’ATER, ni de charge de cours. Elle précise à la mission qu’elle a été exclue de la collaboration avec la Grèce alors qu’elle en était à l’origine. Elle décide de quitter la France peu après cela ».

S’agissant d’une mise en cause aussi importante, les inspecteurs n’ont pas cru utile de m’interroger lors de l’audition au sujet de cette personne. Voici ce que j’ai répondu dans mon mémoire de défense à la suite du pré-rapport :

« Il s’agit de Mme Kyveli Vogiatzoglou qui n’est pas ma doctorante, une chercheuse qui a mené des travaux de qualité. C’est une personne fragile psychologiquement, qui n’a pu remplir son contrat d’ATER lors de la première année, en étant fréquemment absente, sans donner aucun signe, ni justificatif. C’est la raison pour laquelle il n’était pas envisageable de la reconduire pour une deuxième année. Contrairement à ce qu’elle dit, elle n’a pas été écartée, mais ou bien elle n’a pas présenté sa candidature, ou bien s’est trompée dans le remplissage de l’application dédiée sur le site de l’université, en tous cas elle est absente de l’extraction réalisée par les services administratifs, comme le montre la liste des candidats de l’année 2014-2015, celle de sa deuxième année, ainsi que le PV des auditions d’ATER (Doc. n°61) (Pour le présent entretien (Doc. n°43). Mme Vogiatzoglou est une amie très proche de Mme Koussouri qui l’a mobilisée pour venir de Grèce témoigner contre moi, alors qu’elle avait coupé toute relation avec l’université Paris 7, depuis 2014. Précédemment, j’ai soutenu en effet Mme Vogiatzoglou pour développer des recherches sur les femmes migrantes, à partir de son lieu d’exercice à la maternité de l’hôpital de la Fontaine à Saint-Denis, avec une certaine empathie à cause de ses difficultés de santé, mais j’ai dû prendre des distances vis-à-vis d’elle, en constatant qu’elle me sollicitait dans un registre affectif, comme dans l’exemple des mails ci-joints, où elle finissait par des formules trop empressées (« je t’embrasse », « je t’embrasse fort ») (Doc n°44), auxquelles je répondais d’une manière conventionnelle ou pas du tout (Doc n°45). Dès le départ, j’ai essayé de me soustraire à ses demandes de contact trop nombreuses (Doc n°46). Je n’ai jamais invité Mme Vogiatzoglou seule dans un restaurant, mis à part une fois en compagnie de la cheffe de service de la maternité où elle travaillait pour discuter d’un projet de recherche. Ce fut en effet au Lutetia, lieu où il était de notoriété que je proposais des rencontres de travail conviviales, comme le faisaient avant moi mes maîtres et amis et un grand nombre de collègues de l’EHESS, établissement qui est en face du Lutetia. Mme Richoux évoque dans sa lettre (Doc. n°59) (Pour cet entretien (Doc n°47), comment mes rencontres aux salons du Lutetia ont été transformées par la rumeur en lieu de chasse sexuelle dans un hôtel prestigieux. Je n’ai jamais sollicité Mme Vogiatzoglou pour des voyages. Le témoignage produit dans le pré-rapport est certainement influencé par Mme Koussouri. Il est curieux que les femmes qui prétendent avoir été sollicitées par moi, n’ont jamais produit la moindre preuve matérielle des faits allégués.

L’une des rares fois où les inspecteurs ont probablement été amenés à rectifier leurs pré-rapport dans le rapport, ils écrivent :

« Dans ses écritures, M. Benslama déclare que si elle n’a pas été reconduite comme ATER, c’est en raison du fait qu’elle n’a pas présenté sa candidature ou qu’elle s’est trompée dans le remplissage de l’application dédiée sur le site de l’université. Il précise qu’il a toujours soutenu cette jeune femme et que son témoignage a certainement été influencé par l’une des « plaignantes ». Il ajoute qu'il a dû prendre ses distances avec elle considérant qu’elle le sollicitait sur un registre affectif et communique à la mission des courriels où la jeune femme conclut ses propos par « je t’embrasse » ou « je t’embrasse fort ». Il conteste enfin l’avoir invitée seule au restaurant ou l’avoir sollicitée pour des voyages. »

Les inspecteurs n’ont pas jugé utile de mentionner les 5 documents qui montrent que cette personne ment et qu’il y a lieu de mettre en doute sa version, mais la règle qu’ils ont adoptée est que le doute profite à l’accusation, donc ils reproduisent dans le rapport les allégations intégrales de K. Vogiatzoglou, même si cette personne était majeure, même si elle n’était pas ma doctorante, même si elle ne s’était pas plainte de violence sexuelle, mais de drague, les inspecteurs ont donc jugé que leur mission était de faire la police des mœurs sue la base de propos non vérifiés. L’excès de pouvoir est ici comme ailleurs flagrant. Je rappelle, l’échange de mail du document n° 44 que les inspecteurs ont eu entre leurs mains, qui confirme les autres documents où l’on peut lire comment K. Vogiatzoglou est défaillante par rapport à ses obligations d’informer son employeur de ses absences, comment elle cherche la proximité avec moi et comment je m’abstiens de lui répondre dans le même registre : 

 

-Le 2 oct. 2013, K. Vogiatzoglou écrit :

« Cher Fethi, 

Je t’écris pour t’expliquer la raison de mon absence de l’UFR depuis le conseil élargi de septembre. Je suis en arrêt maladie depuis un moment. J’ai été gravement malade cet été. J’ai été hospitalisée, je n’ai pas pris de vacances et je suis encore en phase de rétablissement. je préfère te raconter tout ça de vive voix. Rien n’a changé. je suis toujours très motivée pour notre projet. Ça va se faire. Il me faut juste encore un peu de temps pour récupérer. J’espère reprendre les cours la semaine prochaine. En tout cas je te tiens au courant. J'espère que tout se passe bien pour toi. Je t’embrasse fort et à bientôt. Kyveli. » (Doc. n° 44)

 

-Le 5 oct. Je lui réponds : 

« Bonjour Kyveli, 

Depuis quelques jours, on se demandait ce qui se passait. J’espère que ce n’est pas trop grave et que tu te remettras bien. Il faut indiquer au responsable administratif quand tu vas reprendre pour informer les étudiants, et lui envoyer un certificat médical qui couvre les jours de maladie. Car tu es fonctionnaire contractuel de l’université. Tiens-moi au courant. Bon rétablissement, Fethi. » (Doc. n° 44)

 

23. § - Charlotte Richoux, un témoin à décharge récusé

 

 

- M. Muselli : De quoi s’agit-il dans cette lettre de Charlotte Richoux que vous évoquez dans votre réponse aux inspecteurs :

 

- F. Benslama : Les inspecteurs de l’IGAENR ont mené une bonne partie de leur enquête sur des bases cancanières, ne reculant ni devant l’utilisation des rumeurs, ni sur celles des témoignages indirects, peu fiables, du type « untel a dit qu’untel lui aurait dit que…» Depuis l’article de Mediapart, la rumeur s’est répandue que le grand hôtel du Lutetia me servait de terrain de chasse sexuelle où je conviais mes proies à boire un verre dans les salons ou à manger, puis je les invitais ou les faisais monter dans une chambre. J’avais déjà répondu à la journaliste de Mediapart ceci :

« Ayant eu des activités à l’EHESS, comme beaucoup d’enseignants et chercheurs, les salons du Lutetia (qui est en face) sont un lieu beau et tranquille pour poursuivre des discussions. Il m’arrive donc de fréquenter les salons du Lutetia mais certainement pas ses chambres. Voilà une source de rumeur malveillante qui a, du reste, été dénoncée par l’une de mes ex-doctorantes qui en a subi les méfaits. » 

J’ajoute que je poursuivais là une vieille tradition de mes maîtres « Georges Devereux, Jacques Derrida, Germaine Tillon, qui enseignaient à l’EHSS ou y faisaient un séminaire et recevaient de temps en temps au Lutetia leurs étudiants et amis. Pierre Fédida m’y conviait à dîner comme quelques autres. Voilà ce qu’écrivent dans leur rapports les inspecteurs : 

« Quelques témoignages font état de rumeurs relatives à des propositions déplacées de M. Benslama envers des étudiantes lors de rencontres, dites de travail, organisées à l’Hôtel Lutetia de Paris, dans le 5ème arrondissement. Les locaux de l'université étaient alors situés dans le10ème arrondissement. La mission dispose de peu d’éléments à ce sujet. » (p.40).

Pourquoi donc une mission d’inspection du ministère qui dispose de peu d’éléments mentionne-t-elle une rumeur, en ajoutant cette phrase insidieuse laissant supposer que je suis suspect dès lors que je reçois dans le 5ème arrondissement de Paris quand l’université est dans le 10ème. Lorsque Charlotte Richoux (dont j’ai été le directeur de thèse interrompue et que je n’ai pas vue depuis au moins 6 ans) a pris connaissance de cette rumeur, à la suite de l’envoi par Rémy Potier d’un document de G. Pommier, qu’elle appelle dans sa lettre « une circulaire », je ne sais pourquoi, elle lui a adressé un mail contenant la lettre suivante :

 

« Neuilly, le 4 décembre 2018

Cher Rémi, 

Je vous écris à propos de la circulaire que vous m’avez fait parvenir concernant les accusations d’abus de pouvoir et d’harcèlement sexuel à l’encontre de M. Fethi Benslama.

Cette circulaire rapporte les propos d’un témoin qui m’ont profondément blessé, car sans me nommer, me ciblent directement.

« Une étudiante en master en 2009 (à qui une autre étudiante, étudiante dans le même master, en charge du BDE [Bureau des étudiants] a raconté que M. Benslama lui a donné rendez-vous et proposé de monter dans une chambre) »

En 2009, j’ai, en effet, été présidente du BDE de l’UFR et étudiante avec M. Fethi Benslama avec qui j’ai eu l’occasion de travailler sur différents projets au sein de l’UFR.

S’il est vrai qu’à l’occasion de nos nombreux échanges, il a pu arriver de nous rencontrer dans le salon du restaurant du Lutetia, je puis vous affirmer qu’il n’y a jamais eu de propositions tendancieuses ni même de paroles déplacées de la part de M. Benslama, nos échanges sont restés dans le cadre strictement professionnel et universitaire.

En revanche, quelques temps après notre entretien au Lutetia, une camarade de promotion m’ayant vu sortir de l’établissement avec M. Benslama m’a fait quelques remarques très déplacées à ce sujet. A l’époque, déjà, je trouvais ces remarques vexantes, mais je suis d’autant plus choquée de constater l’ampleur de la rumeur que ces remarques ont pu susciter. Rumeur que je crois bien plus fondée sur des jalousies entre étudiantes que sur une supposée « emprise » psychologique de M. Benslama.

C’est la raison pour laquelle, je vous écris spontanément, dans la mesure où je suis directement visée par ce témoignage, il est important pour moi de rétablir les faits. En espérant donc, que ce témoignage puisse servir la vérité. Bien à vous. Charlotte Richoux » (Doc n° 47)

 

- M. Muselli : Mais Pourquoi Charlotte Richoux qui est ton ancienne doctorante ne s’est pas adressée directement à toi ?

 

- F. Benslama : Quand R. Potier m’a parlé de la réaction, orale d’abord, de Charlotte Richoux, je lui ai demandé qu’elle lui écrive ce qu’elle lui a dit, afin que les inspecteurs ne croient pas que c’est moi qui l’aie sollicitée. Rémy Potier m’a communiqué cette lettre et l’a envoyée à la journaliste de Mediapart et aux inspecteurs. Ces derniers ont invité Charlotte Richoux à une audition où ils ont essayé par divers moyens de la faire revenir sur son témoignage ou d’affaiblir ce qu’elle a dit sur ma relation avec elle. Ils ont fini par écrire dans leur rapport ceci : « Un témoin, qui refusera de donner le nom de la jeune femme mais n’infirmera pas les propos de la mission quand elle lui communiquera son nom, assure qu’à l’époque, elle lui avait affirmé que M. Benslama lui avait fait une proposition à caractère sexuel au Lutetia. »

Si les inspecteurs n’hésitent pas à faire état de leur méthode de suggestion à un témoin, comme dans les pires pratiques policières, c’est parce qu’ils sont convaincus qu’ils sont dans leur droit d’obtenir par n’importe quel moyen l’annulation d’un témoignage à décharge me concernant. Ils sont convaincus de leur immunité à l’égard de toute critique de faire d’un non-dit, un témoignage par la négative.

 

24.§ - Exemples de témoignages indirects et d’ouï-dire, retenus à charge

 

A la suite immédiate de ce paragraphe, ils n’hésitent pas à rapporter ce propos infâme :

« Un témoin indique enfin à la mission avoir entendu une doctorante de M. Benslama lui rapporter que ce dernier luiaurait un jour dit que « [son] utérus [lui] appartient [et qu’il] lui interdi[t] de tomber enceinte ».

Bien entendu, les inspecteurs n’ont pas cherché à vérifier auprès de ladite « doctorante », si ce propos a été tenu. L’essentiel est qu’ils aient pu dire que quelqu’un à dit qu’un autre a dit que…et qu’ils donnent à l’accusé, que je suis, l’occasion de démontrer leur équité, en lui permettant de démentir : « M. Benslama nie avoir tenu de tels propos et considère qu’il s’agit d'un témoignage indirect et rapporté qui a pour seul but de lui nuire. »

 

- M. Muselli : Le but était donc de chercher à montrer que tu es tyrannique et misogyne avec la volonté d’asservir les femmes

 

- F. Benslama : Surtout que ma misogynie concernerait les femmes enceintes, probablement pour suggérer qu’une femme enceinte me devient insupportable, en se soustrayant à mon pouvoir. Avec le dernier propos sur l’utérus de la doctorante, il y a eu le précédent mensonge de M. Koussouri, auquel ils ajouteront un autre qui repose sur le même ouï dire : « Il aurait été indiqué à la jeune femme [un cadre administratif] que M. Benslama considérait qu’elle lui avait « fait un enfant dans le dos. » Ce cas illustre parfaitement ce que j’ai relevé précédemment à propos de l’utilisation de ma réponse au pré-rapport pour accroître la charge dans le rapport. J’ai indiqué dans le pré-rapport ceci :

« La situation évoquée dans ces paragraphes (p.30, § 7,8) est celle Mme Vanessa Villa-Bertrand qui a souffert beaucoup des accusations de Mme Mensuela. Les enquêteurs ne m’ont pas interrogé sur cette situation. J’ai orienté le responsable administratif vers la médecine du travail de l’université pour l’aider, ainsi que l’ensemble de l’équipe. Un psychologue de ce service l’a rencontrée et a établi un compte-rendu. J’avais en effet de bonnes relations avec Mme Vanessa Villa-Bertrand, comme avec la grande majorité du personnel administratif et je me suis préoccupé de la maladie de son bébé, en l’adressant à un service de pointe, comme elle en a témoigné aux enquêteurs. Pourquoi alors faire état de ce témoignage indirect d’une personne qui a dit à propos de Mme Villa-Bertrand que j’aurais dit … qu’elle m’avait « fait un bébé dans le dos » ? Je réfute la tenue de ces propos, provenant d’un témoignage non probant car indirect et non corroboré. Il a dû influer la perception que Mme Villa-Bertrand a de ma relation avec elle, sans que je le sache. J’avais peu de relations directes de travail avec Mme Villa-Bertrand, son supérieur hiérarchique étant le responsable administratif qui contrôlait bien les problèmes de la formation continue, sa grossesse n’a posé aucun problème pour moi, ni dans le fonctionnement général de l’UFR. » Le titre choisi pour cette situation : « Un cadre administratif peu soutenu et cible d’un comportement sexiste lié à sa grossesse. »

 

- M. Muselli : Mais qu’est-ce qui s’est passé dans ce cas, on ne comprend plus ?

 

- F. Benslama : Le but est justement qu’on ne comprenne plus les tenants et les aboutissants d’un conflit entre deux administratives qui a été douloureux. Les inspecteurs voulaient montrer ce que le titre de cette partie du rapport indique : « Le comportement du directeur de l’UFR et un environnement générateur de souffrance ». Ils essayaient de m’imputer d’abord la carence dans le traitement d’une situation conflictuelle entre deux agents dans l’UFR, l’une accusant l’autre de racisme. Or, j’ai fait le nécessaire, et j’ai apporté les conclusions d’une enquête de l’administration qui me décharge de l’accusation de carence. Je la communique aux enquêteurs qui écrivent dans le pré-rapport : « Une enquête administrative diligentée en 2015 pour examiner les faits dénoncés sur la période 2012-2015 a néanmoins conclu à l’absence de pratiques managériales inappropriées et à l’existence d'une souffrance morale intense des supérieurs hiérarchiques directs de l’agent qui témoignent d’un « pourrissement de la situation qui date de 2009 » et d'une « sensation d’impasse ». En clair, c’est la direction des ressources humaines de l’université qui est responsable du pourrissement de cette situation. On s’attend donc à ce que cette affaire ne soit pas mentionnée dans le rapport. En fait, les inspecteurs vont supprimer tous les tenants de l’affaire, le contexte et l’enquête administrative, de sorte qu’il ne reste que le propos sur « l’enfant dans le dos » et les critiques de Mme Villa-Bertrand à mon égard, d’avoir entendu dire ce propos sur sa grossesse…Il est certain que seul F. Villa pouvait aller chercher cette histoire dont il est l’un des rares à être au courant dans l’UFR, il en est de même du cas de Josiane Pinto.

 

25.§ - Josiane Pinto, autre pseudo victime

 

 - M. Muselli : De quoi s’agit-il dans le cas de Josiane Pinto ?

 

- F. Benslama : Il s’agit d’une maître de conférences partie à la retraite en 2013. On ne se souvenait plus d’elle dans l’UFR à cause du renouvellement des enseignants-chercheurs. F. Villa l’a sortie de l’oubli pour rejoindre la meute, après l’avoir vivement combattue 5 ans auparavant. C’est une collègue qui a posé beaucoup de problèmes à l’UFR, longtemps avant mon premier mandat. J’ai fourni 7 documents aux enquêteurs qui montrent la réalité du conflit avec elle et qui infirment ses allégations, mais ils ont préféré privilégier les propos mensongers de cette personne. Ainsi, elle a prétendu que j’ai voulu la frapper, alors qu’elle n’a jamais fait état de ces éléments, très graves, au cours de ses très nombreux procès et contentieux avec moi et avec l’université. Elle n’a jamais parlé non plus de ce qu’elle aurait été « témoin direct ou indirect de comportements déplacés de M. Benslama ». A qui en a-t-elle fait part ? Quels sont les faits précis ? Quand cela s’est produit ? Elle était syndicaliste, membre du Conseil d’administration de l’université et vraiment sans retenue, si les faits allégués avaient existé réellement, elle ne se serait pas privée d’en parler. Ces nouvelles accusations résultent de la concertation dans la meute. Les inspecteurs ne lui ont pas posé ces questions essentielles dans une enquête, car ils se sont contentés des propos accusatoires de cette personne, en validant toutes ses déclarations, y compris lorsqu’elle met en cause l’enquête de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) qu’elle a sollicité par un recours et qui l’a déboutée. Le pire est que je n’ai pas été interrogé lors de l’audition sur le cas de J. Pinto, alors que ses incriminations sont très graves et qu’elles ont occasionné des souffrances aux membres de l’UFR et à moi-même, à travers les multiples procès qu’elle a intentés pendant 4 ans. J’ai vu ressurgir l’affaire Pinto, hors audition, dans le pré-rapport. 

 

- M. Muselli : Il y avait donc beaucoup d’archives concernant ton conflit avec elle ?

 

- F. Benslama : Beaucoup de documents en effet, et des personnes accessibles qui savent ce qui s’est passé, comme l’ancien DRH qui occupe une autre fonction dans l’université ou bien l’ancien président Vincent Berger que les inspecteurs pouvaient joindre facilement. Contrairement à ce que J. Pinto prétend, elle n’est ni représentante du personnel, ni déléguée syndicale, elle était élue au CA de l’université sur la liste d’un syndicat. Ces nuances ne semblent pas compter pour les inspecteurs qui avalisent l’usurpation d’une fonction, ce qui permet d’invoquer des entraves à un représentant du personnel.

 

- M. Muselli : Que s’est-il passé exactement ?

 

- F. Benslama : Lorsque j’ai été élu en 2007 à la direction de l’UFR, l’une des missions que mes collègues m’ont confiées était de mettre de l’ordre dans les services des enseignants qui étaient dans un état chaotique, partiellement faits par certains d’entre eux. L’UFR avait du mal à assurer les enseignements prévus dans les maquettes. L’administration de l’université d’alors ne se préoccupait pas de ce qui se passait dans sa composante sur le plan des services, ni de son administration incompétente et défaillante. Tout le personnel était de catégorie C à l’exception d’une qui venait de passer en B. La DRH envoyait dans l’UFR les employés de l’université en souffrance psychique, parfois avec des pathologies lourdes, sous prétexte que les enseignants étaient des psychanalystes et des psychiatres qui accueillaient bien les malades. Lors de la prise de mes fonctions, j’ai même découvert le cas d’un administratif qui ne venait jamais au travail et continuait à recevoir son salaire. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’ai fait adopter par le conseil de l’UFR, la création d’une commission des enseignements. C’est dans ce cadre que le service de J. Pinto a posé problème, et pas seulement concernant l’aménagement de son service préconisé par la médecine du travail. Ces problèmes étaient les suivants :

-Elle exigeait d’enseigner les cours qu’elle voulait, les mêmes depuis plus de 20 ans avec le même contenu.

-Lorsque la commission ne lui attribuait pas les enseignements qu’elle souhaitait obtenir, elle les faisait tout de même sous d’autres intitulés que ceux qui étaient attribués par la commission.

-Elle admettait d’elle-même les étudiants en master, sans passer par la commission des admissions, y compris des étudiants qui ne pouvaient pas prétendre entrer en master. De nombreux conflits avec la scolarité centrale ont eu lieu à ce sujet.

-Elle exigeait un planning où ses enseignements devaient être concentrés en une journée à l’université et dans les salles qu’elle voulait.

-Elle prétendait avoir le droit à une décharge médicale de 30% de son service, ce qui était faux.

Ces problèmes avec J. Pinto existaient déjà en 1997, comme en témoignent plusieurs courriers du directeur de l’UFR de l’époque, Michel Tort, adressé au Président de l’université (Doc. n°48). Il s’agit de dix échanges de lettres, que je ne reproduis pas toutes ici. Dans ces lettres, il est indiqué que J. Pinto ne se présente pas pour effectuer son service. Le président de l’université demande alors un positionnement de toutes les instances de l’UFR et suit à la fin la décision du directeur de l’UFR et des instances qui exigent que cette collègue fasse son service. Ainsi, 10 ans avant mon mandat, les mêmes problèmes s’étaient déjà posés. Le médecin du travail avait préconisé d’accorder à J. Pinto un aménagement qui la décharge de 30% de son service (daté du 20/12/2000). Il s’agit d’une proposition qui n’oblige pas l’employeur dans la fonction publique à l’accepter du point de vue réglementaire. C’est pourquoi, le secrétaire général de l’université indique sur la proposition d’aménagement « A classer au dossier sans suite » (Doc. n°49). J’ai demandé alors à la DRH la conduite à tenir. Sa décision a été de faire examiner la situation de Mme Pinto par un comité médical, ainsi que le prescrit la réglementation pour les fonctionnaires, lorsqu’il s’agit d’une décharge durable pour des raisons de santé. Elle a refusé de comparaître devant ce comité médical. Au final, le président de l’université décide de mettre un terme à cette procédure pour obtenir la paix au Conseil d’Administration de l’Université où siège J. Pinto avec plusieurs membres de la liste syndicale à laquelle elle appartient. Il y avait d’autres problèmes importants qui requéraient l’apaisement, la politique institutionnelle a ses raisons. Mais cette collègue ne s’est pas arrêtée là, elle a mobilisé le service juridique pendant quatre ans avec des recours devant la HALDE en m’accusant de discrimination (Doc. n°50), la CNIL, la CADA, le tribunal administratif. Elle a été déboutée de tous ces recours et condamnée à ses dépens par le TA. Le président lui a adressé une lettre de remontrance (Doc. n°51) pour avoir écrit, de son propre chef, à des étudiants qu’ils étaient admis en master de psychologie, alors qu’ils n’avaient pas les diplômes requis, ce qui a entrainé la condamnation de l’université devant le tribunal administratif, lorsqu’elle a voulu annuler l’admission de ces étudiants. Le plus incroyable dans cette affaire est que J. Pinto, en même temps qu’elle ne faisait que les 2/3 de son service, revendiquait le paiement de 130 heures supplémentaires ! Les enquêteurs de l’IGAENR ne voient rien de répréhensible dans ces faits et considèrent J. Pinto comme victime de mon harcèlement moral. Bien plus, ils n’hésitent pas à mettre en cause une motion votée par le Conseil de l’UFR, à bulletins secrets, motion où sont énumérés les dysfonctionnements de Mme Pinto. Les inspecteurs semblent n’avoir pas lu le texte de cette motion que je leur ai pourtant transmise (Doc n°52), car le Conseil de l’UFR n’a pas demandé à Mme Pinto de s’expliquer sur son accompagnement « en tant que représentante syndicale » (ce qu’elle n’est pas) d’un salarié convoqué par le secrétaire général, comme il est dit dans le pré-rapport. Le Conseil dénonçait la remise en cause par J. Pinto des décisions démocratiquement votées par le Conseil de l’UFR, auprès du Conseil d’administration, alors que le code relatif aux liens d’intérêt, interdit à un administrateur d’intervenir au CA concernant sa propre composante. Le pré-rapport ne retient que mes interventions à caractère défensif, dans les termes outranciers qui me sont prêtés par Mme Pinto.

Dans le rapport définitif, les inspecteurs finissent par reconnaître que « La mission note que cet agent a rencontré pendant plus de quinze ans des difficultés avec les directions successives de l’UFR, débordant donc sur la période durant laquelle M. Benslama a dirigé l’UFR. Des conflits récurrents portant notamment sur ses charges d’enseignement ont été identifiés. »

Ils arrivent même à reconnaître que « Dans son mémoire en réponse, M. Benslama rappelle que cette maître de conférences a été en conflit avec l’ensemble de ses collègues et pas seulement avec lui, ce que la mission a bien observé et écrit. En revanche, la mission prend acte, et met au crédit de M. Benslama une tentative d’apaiser la situation par un courriel du 18 mars 2010 (…) »

On s’attend donc à ce que dans leur rapport les inspecteurs sortent ce cas de cette partie intitulée :

« Le comportement du directeur de l'UFR et un environnement générateur de souffrance » et qu’il ne soit plus question de considérer J. Pinto comme une victime, compte-tenu des troubles qu’elle a occasionnés dans l’UFR et des tourments infligées aux autres et à moi-même. Et bien non, elle continue de bénéficier de l’empathie des inspecteurs, qui considèrent que les torts sont partagés, et de dénoncer le fait que le Conseil de l’UFR a dû intervenir :

« Si ces situations ont pu créer des crispations de part et d’autre, l’isolement progressif dont elle a été l’objet par la grande majorité de ses collègues, jusqu'au vote en conseil d'UFR d’une motion la mettant nommément en cause en raison de sespositions syndicales, n’est pas acceptable. »

C’est le seul cas où les inspecteurs, devant tant d’éléments en ma faveur, acceptent du bout des lèvres avec cette expression « des crispations de part et d’autre » de partager les torts, alors même que cette collègue avait été très loin dans la quérulence et le recours processif. Il leur fallait continuer à montrer que ma direction pendant 10 ans n’a généré que souffrance, comme l’indique le titre du chapitre et que cette souffrance a touché toutes les catégories des personnes partie-prenantes de la vie de l’UFR, les anciens comme les nouveaux et même les plus récents. F. Villa a été le principal fournisseur et l’inspirateur des plus âpres récriminants, alors que dans le cas de J. Pinto, il fut son adversaire le plus virulent au moment des conflits avec elle entre 2009 et 2013. 

Section 10

Ancre 23
Ancre 24
Ancre 25
Ancre 26
Ancre 27

26.§ - Élise Ricadat, autre pseudo victime

 

- M. Muselli : A qui fais-tu allusion à qui, en disant « les plus récents » ?

 

- F. Benslama : La dernière maître de conférences élue en juin 2017, Élise Ricadat, est l’une des doctorantes de F. Villa. Elle a été élue sur un poste maître de conférences qui appartient à l’UFR, mais qui a été partagé avec l’Institut d’hématologie, alors que cet institut est un mastodonte par rapport à notre petite UFR. C’était dans le cadre d’un projet de recherche en collaboration avec la médecine. Je n’étais pas contre le projet de recherche, mais opposé au partage de ce poste. L’université aurait pu mettre dans la corbeille d’une recherche interdisciplinaire un poste sur ses moyens propres. Bref, c’est la seule fois où le Conseil de l’UFR a voté en faveur de F. Villa contre mon avis, par une voix de majorité. J’ai expliqué aux inspecteurs le contexte conflictuel à propos de ce poste. J’ai transmis aux enquêteurs la lettre de bienvenue que j’ai adressée à Mme Ricadat, le lendemain de son élection, afin de tourner la page du conflit dans lequel elle n’était pour rien. Mais, l’une de mes collègues m’a permis de comprendre que F. Villa avait convaincu E. Ricadat que j’étais contre elle, puisqu’elle était parmi les candidates les plus en vue à ce poste, alors que mon désaccord ne portait pas sur la personne mais sur l’affectation à une autre composante d’un support d’emploi qui devait revenir à notre UFR. Pour aller dans le sens de l’apaisement, j’ai même accepté d’être le référent de stage de E. Ricadat, lorsque la V-P Ressources humaines m’a sollicité en tant que directeur de l’UFR pour trouver un référent. C’est à ce titre que j’ai invité E. Ricadat à ne pas prendre-parti dans le conflit qui venait de naître entre F. Villa et Laurie Laufer, directrice du CRPMS, autour d’un faux projet de création d’une nouvelle équipe avec 5 collègues, le même groupe de F. Villa.

 

- M. Muselli : Un faux projet de création d’une équipe ?

 

- F. Benslama :  C’est le type même d’embûche de F. Villa. On ne crée pas une équipe de recherche à l’université avec 5 personnes. C’est une diversion pour perturber la préparation de l’évaluation du CRPMS menée par Laurie Laufer, sa directrice. Il s’agissait de montrer aux évaluateurs qu’il y avait des problèmes dans le Laboratoire. Les cinq avaient aussi l’espoir que d’autres les rejoignent. Il n’y a eu aucun ralliement. Une pétition a été lancée pour dénoncer cette manœuvre. La majorité des membres du CRPMS ont manifesté leur soutien à la directrice. Je n’ai pas demandé à E. Ricadat de signer la pétition, comme elle l’a prétendue, puisque ma démarche visait à l’inciter à la neutralité, afin de préserver les chances de son intégration dans l’UFR. Ma crainte était surtout qu’elle rejoigne le groupe des cinq sous l’influence de F. Villa. Or E. Ricadat m’a accusé de l’avoir menacée d’entraver sa titularisation, si elle ne signait pas la pétition. C’est un mensonge. Ayant appris qu’elle s’est plainte à la DRH avec l’appui de F. Villa, encore VP-CA à l’époque, je lui ai écrit une lettre (18 octobre 2017), un an avant le début de la meute et de l’enquête de l’IGAENR, où je déplorais sa conduite mensongère et me retirais de la fonction de référent pour son stage (Doc. n°53). A aucun moment, je ne l’ai menacée concernant sa titularisation. Celle-ci ne dépend aucunement de moi, mais du Conseil de l’UFR. Sa titularisation qui a été acquise à l’unanimité quelques mois après, y compris avec ma voix. Elle a prétendu également que je l’ai privée de cours magistral. Or, tous les enseignants nouvellement élus n’ont pas de cours magistraux, parce que ces cours sont déjà attribués et planifiés. Elle a obtenu un cours à la rentrée suivante par la commission des enseignements. J’ai rappelé encore une fois aux inspecteurs, que je ne m’occupais pas de l’attribution des enseignements qui sont la prérogative de ladite commission. De même, elle s’est plainte de ne pas avoir eu de responsabilités. Là également les collègues nouvellement recrutés doivent attendre parfois un ou deux ans avant de pouvoir accéder à une responsabilité vacante. Dans le cas de Ricadat, elle a eu de la chance, en obtenant quelques mois après son arrivée, l’une des plus importantes responsabilités de l’UFR, celle de la direction des stages pour 750 étudiants, à la suite du départ pour congé de maternité de la titulaire de cette responsabilité. Je n’y étais pour rien. J’avais laissé l’initiative à mon adjointe Isée Bernateau. Bref, E. Ricadat n’a jamais été ostracisée dans l’UFR, ni avant ni pendant l’enquête.

 

27.§ - Éléments de l’économie personnelle

 

- M. Muselli : Les inspecteurs étaient convaincus, sans doute par les plaignants que tu t’occupais de tout.

 

- F. Benslama : Ils auraient pu interroger les autres collègues. Le nombre de partages de responsabilités est important, 18 selon leur décompte, plus selon l’administration, et ça marchait très bien. Ce que les inspecteurs refusaient d’admettre, c’est que dans mon économie personnelle autant que professionnelle, je ne m’arrête pas devant les menus litiges. Je suis directeur d’une UFR et d’un Institut, enseignant-chercheur qui publie articles et livres, qui est sollicité internationalement, psychanalyste par ailleurs ; je n’accorde pas trop de temps et d’énergie aux querelles qui ne méritent même pas le nom de conflit. Je cherche à préserver mon espace et ma respiration par des passions qui ne soient pas misérables et tristes.

 

- M. Muselli : C’est peut-être là ton erreur d’appréciation, les menus querelles permettent d’exister pour certaines personnes. Que tu ne leur accordes pas beaucoup d’importance et d’attention, c’est ce qui accroît leur rage.

 

- F. Benslama : C’est bien possible. Mais je n’ai pas été élu pour cela. J’avais deux missions à remplier. La gestion quotidienne d’une UFR, qui n’est pas un problème en soi, une fois le système est en place avec les bonnes personnes aux manettes. Il suffit d’avoir ce qu’on appelle un « reporting » régulier et de faire quelques arbitrages. L’important c’est la vision politique et stratégique, car l’avenir de la psychanalyse à l’université était de plus en plus en jeu. Il m’arrive aussi de mener des batailles de seconde importance au Conseil de l’UFR, de m’emporter contre la bêtise et l’ignorance, les deux grands fléaux à mes yeux, les plus répandus. Quel Conseil d’une institution ne connaît pas ces moments de tension et d’emportement surtout avec la guérilla menée à partir de 2014 par F. Villa et son groupe ? Mes détracteurs les ont amplifiés démesurément et les inspecteurs ont adhéré. Ces moments ne durent pas longtemps, je passe rapidement à autre chose. D’où l’accusation de faire semblant d’être en colère. Les inspecteurs ont repris ce genre d’arguties sur mon caractère. Là où j’ai été très affecté, c’est quand mes ennemis ont mobilisé des étudiants pendant l’enquête et touché aux jeunes doctorants dont je m’occupe. Ce qu’ils n’ont pas obtenu des doctorantes, ils l’ont cherché auprès de quelques doctorants, hommes, déçus par le cours de leur carrière. Les inspecteurs ont adressé des courriers à tous ceux dont la thèse était en cours sous ma direction ou qui ont soutenu au cours des 5 dernières années pour les interroger.

 

- M. Muselli : Qu’ont-ils obtenu de ce coup de filet ?

 

 

28.§ - Imputations inexactes concernant les doctorants

 

- F. Benslama : Voici le titre choisi par les inspecteurs : « Des doctorants craignant pour leur soutenance de thèse ou pour leur avenir professionnel ». En lisant ce titre, on croirait à un grand nombre de personnes, tant la généralisation est de rigueur ici comme ailleurs. Or, il s’agit de deux ou trois cas. Les inspecteurs ont abondé dans le sens de mes détracteurs, alléguant une menace invraisemblable selon laquelle des collègues, professeurs des universités, membres de jurys de thèse, se seraient laissés influencer par moi dans leur jugement sur les travaux des doctorants et auraient décidé de les sacquer sur ma requête ou mon injonction. Ils ont été jusqu’à ce niveau. C’est avoir une piètre opinion des universitaires, de leur honnêteté scientifique et de leur honneur. Parmi une trentaine de doctorants dont j’ai dirigé les travaux, deux ont posé problème, je les ai identifiés rapidement à travers les allusions des inspecteurs à leurs récriminations. Le premier cas est celui de Nizaar Lallamahamood qui a utilisé les travaux de recherche de l’équipe dans laquelle il était inséré à La Salpêtrière, grâce à mon intercession, sans mentionner cette équipe dans sa thèse. Cela revenait à voler les travaux de plusieurs chercheurs. Malgré ma demande insistante de rectification avant la soutenance, ce doctorant ne l’a pas faite, ce qui m’a obligé à le signaler lors de la soutenance et à l’écrire dans le rapport, dans des termes très modérés comme on peut le constater dans le document ci-joint, remis au président du Jury (Doc n°54). Il est vrai néanmoins que cette mention dans un rapport de thèse est une observation péjorative sur la probité scientifique du doctorant. Elle était méritée, car malgré mes avertissements, N. Lallamahamood n’a pas voulu revenir sur son acte d’appropriation illégitime et sur l’effacement des chercheurs qui l’ont accueilli et aidé. Ce doctorant a prétendu auprès des inspecteurs que je ne l’ai pas aidé pour l’obtention de son titre de séjour en France, alors que je suis intervenu auprès des services de la préfecture de Paris qui avait ordonné son expulsion du territoire, à la suite de son changement sans autorisation du statut d’étudiant en salarié. Je leur ai remis un bref échange avec lui en vue de lui envoyer l’attestation qui devait l’aider à la préfecture (Doc n°55). Contrairement à ce qui est indiqué dans le pré-rapport, en général je ne refuse pas une intervention dans ce sens, sauf dans deux cas où l’activité notoirement extrémiste du type islamiste de deux doctorants, qui ne sont pas sous ma direction, ne me permettait pas de me porter garant d’eux dans le contexte que nous avons connu au cours des dernières années. La tricherie et l’ingratitude d’un doctorant a été donc convertie par les inspecteurs en un procès en défaillance par rapport à une obligation qu’aucune disposition légale ne m’impose.

Le deuxième cas de doctorant problématique est celui de Dimitri Weyl, étudiant brillant mais brouillon et prétentieux, qui a mis 7 ans avant de terminer sa thèse, qui s’est porté candidat à tout bout de champ sur des postes qui ne correspondaient pas à son profil, ce qui l’a décrédibilisé et desservi par la suite, plus aucun comité ne souhaitait l’auditionner. Il me reproche de n’avoir pas fait ce qu’il faut pour qu’il obtienne un poste de maître de conférences. L’UFR lui a confié la mission et les moyens de créer l’association des anciens étudiants, qu’il a utilisé pour sa propre promotion et pour organiser une fois par mois un cinéclub.

Concernant la critique dans le pré-rapport sur l’attribution de charges de cours aux doctorants, si les enquêteurs m’avaient posé la question, je leur aurais expliqué la simple réalité, qui ne permet pas de donner des charges de cours aux 270 doctorants de l’École doctorale. Cela reviendrait à disposer de 10 fois le volume d’heures assurées par les enseignants sur poste, mais cette réalité n’étaient pas leur soucis. En accord avec le directeur de l’ED, nous réservions l’octroi de 64h (volume nécessaire pour une qualification au CNU) de charges cours sur la base des critères suivants :

-  Le doctorant doit être en 3ème année de thèse.

-  Il doit prouver avec une lettre de son directeur de thèse qu’il soutiendra sa thèse au plus tard dans la quatrième année.

-  Qu’il réunit les conditions d’une qualification au CNU pour les fonctions de maître de conférences, notamment par la publication d’un ou deux articles dans des revues à comité de lecture.

Les inspecteurs ont inclus les critiques concernant la gestion de l’École doctorale dans la partie de l’enquête et du rapport qui me concerne, alors que l’École n’est pas sous ma responsabilité, elle est rattachée à l’UFR, sans être un organe de celle-ci, elle dispose d’un directeur, mon collègue Christian Hoffmann. Elle avait un conseil, dont j’étais membre certes, mais un parmi une quinzaine d’autres enseignants-chercheurs. Ce conseil se réunissait deux fois par an. Il y a un autre cas, celui de Kim Marteau, qui n’était pas l’une des doctorantes dont je dirigeais les travaux, elle s’est impliquée dès le départ dans la meute.

 

29. § - Kim Marteau, un cas d’imposture

 

- M. Muselli : Tu l’as évoqué au début de l’entretien, de quoi s’agit-il avec cette personne ?

 

- F. Benslama : Avec le cas de Kim Marteau les inspecteurs apportent la démonstration de leur propension à attribuer le statut de victime sans aucun discernement critique, en l’occurrence à l’une des imposteurs protagonistes de la meute, alors qu’ils pouvaient interroger la secrétaire générale de l’université, Pascale Saint-Cyr, le responsable administratif de l’UFR IHSS, Simon Latournerie, la directrice du CRPMS, Laurie Laufer et le directeur de l’École doctorale, Christian Hoffmann, pour débusquer ses mensonges. Seul le responsable administratif a été entendu, mais son témoignage n’est pas pris en compte. Les autres personnes ne seront pas questionnées pour vérifier le récit de Kim Marteau au regard des réfutations que je lui ai apportées. Dans la mesure où les enquêteurs disposaient de la possibilité d’établir la vérité et qu’ils n’y recourent pas, ils sont dans une situation comparable à celle d’un médecin qui ne se trompe pas seulement dans son diagnostic, mais qui ne se donne pas les moyens de le faire. Le cas de Kim Marteau est emblématique des manquements dans cette enquête. Je commence d’abord par reproduire in extenso, le récit que les inspecteurs donnent de ce cas :

« Une doctorante témoigne aussi de ce qu’elle a vécu dès son inscription en thèse. Candidate à l’obtention d’un contrat doctoral, M. Benslama lui aurait précisé qu’il fallait qu’elle fasse sa thèse sous sa direction pour espérer avoir une réponse positive, ce qu’elle décline s’étant déjà engagée auprès d’un autre enseignant-chercheur. Dans ses écrits, M. Benslama indique qu’il ne l’a jamais sollicitée pour qu’elle devienne sa doctorante. Selon elle, M. Benslama lui aurait alors déclaré qu’elle n’aura aucun financement ni rien après sa thèse. En avril 2018, elle organise un colloque au sein de l’université après en avoir informé le directeur de l'école doctorale qui lui aurait indiqué qu’en tant que doctorante, elle pouvait tout à fait réserver une salle pour l’organiser. En réponse, M. Benslama précise que les doctorants ne sont pas habilités pour faire une telle réservation et qu’elle a donc outrepassé ses droits. Cette manifestation est finalement annulée la veille de son organisation par l’université pour des raisons de sécurité (crainte de débordements politiques). Convoquée par M. Benslamadébut mai 2018, il l’aurait réprimandée en lui disant en substance qu’elle s’est faite manipuler en organisant ce colloque. Il aurait complété son propos en lui signifiant qu’elle ne bénéficiera pas d’une dérogation pour effectuer une quatrième annéede thèse (elle est alors en troisième année), ni d’une codirection de thèse si elle en souhaitait une. Il lui aurait également soutenu que, dans l’éventualité où elle pourrait achever sa thèse, elle n’aurait pas l’autorisation de soutenir. Et que si jamais elle l’a, elle ne pourra rien obtenir par la suite. Il aurait conclu en lui conseillant de quitter la psychanalyse ainsi que l'universitéParis Diderot, ce qui a fortement bouleversé la jeune femme. Outre la préparation de sa thèse, cette jeune femme assure descharges de cours au sein de l’UFR à hauteur d’une heure trente à trois heures par semaine, ce qui est assez courant durantune thèse, qu’elle cumule aussi avec un emploi à temps plein comme gestionnaire administrative. Fin juin 2018, elle estconvoquée par le responsable administratif de l’UFR qui lui signifie que son contrat de gestionnaire administrative ne sera pasrenouvelé en 2019 et qu’elle va également perdre ses charges de cours. Elle prend cette décision comme une nouvellemesure de rétorsion de M. Benslama à son endroit même si le responsable administratif indique à la mission qu’il a pris lui-même cette décision. Considérant qu’elle a pu être identifiée comme témoin, elle écrit à la présidente de l’université le 2 novembre 2018 pour lui demander de pouvoir achever son contrat de travail en dehors de l’UFR IHSS. Ce contrat ne sera pasrenouvelé mais elle conservera finalement quelques charges de cours. Lors de son audition, M. Benslama déclare n’avoir jamais menacé quiconque et rappelle qu’il n’a jamais promis de poste, de contrat doctoral ou de contrat d’ATER à qui que ce soit. »

Ce récit est un tissu de mensonges dont j’ai montré aux inspecteurs la volonté de tromperie qui le sous-tend :

1- Cette doctorante prétend que j’ai exigé qu’elle fasse sa thèse avec moi. Or, dans le mail ci-joint, daté du 12 avril 2015 (Doc. n°56), que j’ai communiqué aux inspecteurs, c’est elle qui me contacte et émet le désir de faire une thèse sur le « devenir adepte d’une secte » qu’elle appelle d’un joli mot « l’ensectement ». Il s’agit d’un sujet proche de la problématique de la radicalisation, dont je suis l’un des spécialistes et pour laquelle j’ai créé un centre de recherche (le CERT). Dans le document n° 56, on lit clairement, que j’ai répondu à la sollicitation de K. Marteau deux jours après, en lui demandant de me fournir ses mémoires de M1 et M2 avec un CV. C’est dire qu’il était hors de question que j’accepte sa demande d’emblée ; c’est ce que je fais avec toutes les sollicitations de direction de thèse. J’en reçois une quinzaine par an, mais ayant une grande exigence quant à la qualité de mes futurs doctorants, j’examine avec beaucoup de soin leurs travaux antérieurs. Je ne donne pas de suite à Mme Marteau parce que ses travaux, derrière le brio de son expression, me paraissaient manquer de maturité. De plus, ayant atteint le quota imparti pour les directions de thèse (10 thèses), je ne lui propose même pas de figurer sur une liste d’attente.

2- Fin juin 2015, je découvre lors de la commission d’attribution des contrats doctoraux, qui dépend de l’École doctorale, qu’elle s’est inscrite en thèse avec mon collègue Paul-Laurent Assoun. Elle se présentait pour l’obtention d’un contrat de financement de doctorat par l’université. Elle fut auditionnée par ladite commission, composée des directeurs des axes de recherche du CRPMS et du directeur de l’ED, elle n’a pas été retenue. Il n’y avait que deux contrats à attribuer et lors de la discussion, il est apparu clairement que Paul-Laurent Assoun ne soutenait pas sa candidature, préférant un autre candidat. Le vote final est à bulletin secret, chaque membre du jury doit donner une note de 0 à 5 à chaque candidat auditionné. Ainsi, contrairement à ce qu’elle dit, non seulement, je ne lui ai jamais déclaré qu’elle n’aura pas de financement, mais de plus elle ment sur la procédure de financement de thèses qui n’est pas en mon pouvoir.

 

3- En avril 2018, K. Marteau a préparé l’organisation d’un colloque intitulé « Où va la Russie ? », qui n’a rien à voir avec le sujet de sa thèse portant sur l’adhésion sectaire. Contrairement à ce qu’elle dit, elle n’a demandé, ni reçu aucune autorisation pour ce faire, ni du directeur de l’ED, ni de la directrice du CRPMS dont elle utilise le nom et le logo pour le colloque. Aucun doctorant n’a jamais été autorisé à organiser seul un colloque, qui plus est sur un sujet qui n’est pas le sien. Or, la veille de la tenue de ce colloque, la secrétaire générale de l’université est alertée par la directrice du cabinet de la présidente de l’université sur un risque relatif à la sécurité dans l’établissement, qui lui a été transmis par les services de renseignement. L’annonce du colloque « Où va la Russie ? » a déclenché sur les réseaux sociaux des réactions violentes entre de nombreuses factions qui menaçaient d’en découdre lors du colloque. La secrétaire générale m’appelle en urgence, un vendredi en fin de journée, (le colloque est prévu le lendemain) pour m’alerter, nous prenons avec la directrice du CRPMS, Laurie Laufer, la décision d’annuler ce colloque qui n’a aucun lien avec les recherches en psychanalyse de l’École doctorale et du laboratoire. Ci-joint les échanges de mail entre les différents responsables (Doc. n°57), que j’ai communiqués également aux inspecteurs. Ils terminent par cette phrase de la secrétaire générale de l’université : « Merci de ce message qui va nous permettre d’organiser l’annulation du colloque. Bien à vous, P. Saint-Cyr.»

 

4- Dans les jours qui ont suivi, j’ai appris que K. Marteau n’était pas seulement une doctorante, mais en même temps employée comme gestionnaire à la scolarité de l’UFR, à temps plein dans le cadre d’un CDD d’un an, et également chargée de cours. Ce cumul entre étudiant, enseignant et employé à la scolarité est inédit. Nous ne permettons jamais qu’un étudiant soit gestionnaire de scolarité, ayant accès à des informations concernant d’autres étudiants avec la possibilité d’intervenir sur la base de données. Ni le nouveau responsable administratif, ni moi-même n’étions au courant de ce cumul. Profitant du vide de la période de transition entre deux responsables administratifs, bénéficiant sans doute d’une complicité au niveau de la DRH, elle a obtenu un CDD, sans qu’aucun référent de l’UFR, moi-même ou le responsable administratif, ne soit au courant, ni ne donne son accord au contrat, ce qui est la règle générale.

 

5- Cette situation impliquant ma responsabilité comme directeur de l’UFR, je fais convoquer K. Marteau par le responsable administratif, Simon Latournerie, qui a été présent à l’entretien et qui a témoigné devant les inspecteurs de ce qui s’est dit. Kim Marteau a commencé par s’excuser longuement concernant le colloque et a confirmé qu’elle n’a demandé à personne l’autorisation pour l’organiser. Elle a utilisé sa fonction de gestionnaire dans la scolarité pour réserver un amphithéâtre au colloque. Elle a indiqué qu’elle voulait rendre service à des amis, opposants à M. Poutine, et qu’elle ne mesurait pas les risques encourus. A la fin de l’entretien, elle me demande conseil pour sa thèse. Elle dit que Paul-Laurent Assoun n’a jamais répondu à ses sollicitations et qu’elle n’a pas pu le rencontrer depuis le début, il y a trois ans. Elle souhaitait changer de sujet de thèse, étant en impasse dans ses recherches. Elle exprime ses craintes que dans ces conditions, avec le départ prochain à la retraite de Paul-Laurent Assoun, sa demande d’une quatrième année de thèse ne soit rejetée. Je l’invite à contacter le directeur de l’ED et éventuellement à changer de sujet et de directeur de thèse.

            L’ensemble des éléments de cet argumentaire, avec les documents qui en attestent la véracité, ont été communiqués aux inspecteurs qui avaient tout loisir de les vérifier. Se pose encore une fois, le problème de la méthode de l’enquête de l’IGAENR, qui admet le caractère mensonger des allégations de K. Marteau, alors que le responsable administratif a été entendu et qu’il était possible de pousser la vérification plus loin. Le rapport a choisi de faire passer K. Marteau pour l’une de mes victimes et a reproché au responsable administratif de n’avoir pas renouvelé son CDD, après ce qui s’est passé. 

 

30.§ - Une administrative défaillante

 

- M. Muselli : Y a-t-il eu d’autres cas de litige avec des administratifs ?

 

- F. Benslama : Il y a eu le cas d’Ana Belot qui a été pendant près d’un an chef du service de la formation continue et des stages dans l’UFR d’Études psychanalytiques. Je n’ai pas eu à traiter directement de cette situation, sauf à deux moments précis que j’évoquerai plus loin. C’est la responsable administrative, Mme Sophie Lebars, et le directeur de la formation continue, Stéphane Thibierge, professeur à l’UFR, qui ont travaillé directement avec Mme Belo. Ils ont rencontré des difficultés suffisamment importantes avec elle, pour les conduire à rédiger les évaluations et les rapports qui ont abouti à son départ de l’UFR (Doc n°58). Ils ont tous deux étés entendus par les inspecteurs et apporté les explications qui montrent l’ampleur des problèmes que A. Belot a posés : 

-Graves erreurs d’évaluation de l’état des recettes par défaut de communication avec la gestionnaire des finances.

- Recul des inscriptions et des recettes à causes des atermoiements de A. Belot dans la prise de décision concernant la campagne de communication et d’ouverture des DU.

- Attitudes caractérielles avec les enseignants et les administratifs de l’UFR.

- Substitution à l’enseignante responsable pédagogique dans la signature des conventions de stage.

Ma première intervention : alors que Mme Lebars et M. Thibierge préconisaient la fin du stage de Mme Belo et sa non titularisation (Doc n°59), ce qui aurait ouvert la voie à un possible licenciement par la DRH, j’ai refusé de signer ce document et préconisé la prolongation de son stage de 6 mois, afin de lui donner une chance supplémentaire.

Deuxième intervention : j’ai été informé par l’enseignante directrice pédagogique des stages, Adèle Assous, Maître de conférences, que A. Belo a signé à sa place des conventions de stage, alors qu’elle les a refusées parce que les établissements en question ne remplissaient pas les conditions d’accueil. Voici ce qu’écrivait A. Assous dans un mail adressé à A. Belo : « Je te fais part des conséquences désastreuses de ton erreur : à savoir avoir signé des conventions de stage alors même que j’avais répondu immédiatement à ta sollicitation par mail que j’en refusais la signature en qualité de directrice de la professionnalisation. » (Doc n°60). J’ai décidé alors de retirer la délégation de signature administrative que j’avais donnée à A. Belo dans la mesure où elle en usait d’une manière contraire aux intérêts pédagogiques des étudiants et de l’UFR. En quoi cela est-il condamnable ? Je suis dans mon rôle de directeur d’une unité de formation de l’université. Les inspecteurs ont bien entendu A. Assous à ce sujet. Par la suite, l’université ayant créé une plate-forme pour la gestion de la formation continue dans l’université, j’ai été sollicité afin que l’UFR y adhère et y place son dispositif. Or, le Vice-président chargé de cette plate-forme a recruté A. Belo pour la diriger, après qu’elle soit partie de l’UFR. Il était incohérent de remettre le dispositif de formation continue de l’UFR sous la responsabilité de quelqu’un avec lequel il y a eu le conflit que je viens de décrire. J’étais en droit de refuser les propositions inconséquentes d’un Vice-président novice, hors réalité. J’en ai informé la présidente de l’université qui n’a pas modifié la décision que j’ai prise. Les inspecteurs ont trouvé le moyen de placer ce conflit de travail sous le chapitre suivant : « Des personnels administratifs malmenés », à nouveau une généralisation abusive qui ne repose sur aucun autre cas précis.

 

- M. Muselli :  Est-ce que tu considères que ce dernier cas fait partie de ce que tu appelles « la meute ».

 

- F. Benslama : A. Belo n’y était probablement pas au début, elle rejoint la meute ensuite quand les portes des chicayas et des chicanes se sont ouvertes avec l’enquête. Là, quelques-uns qui ont connu des déboires et des désillusions trouvèrent un bouc-émissaire pour leurs déconvenues et des agents collecteurs de leurs aigreurs. Encore une fois, ils sont peu nombreux ceux qui vont utiliser ce service de tout-à-l’écoute des inspecteurs, au regard du nombre de personnes et de problèmes brassés en 10 ans de direction. Mais la tendance est de ne pas replacer tout cela dans son contexte. Il y a une sorte d’effet mécanique de ce type d’enquête et de l’orientation donnée par les inspecteurs ; on pourrait l’appeler « l’enquête en chalutage », l’ouverture de son filet est maintenue très béante, sa traîne est longue, de sorte qu’elle racle les fonds d’un espace vivant, pour rapporter des menus fretins d’histoires oubliées, des débris de prétentions échouées. 

 

- M. Muselli :  Peux-tu donner des exemples de ceux qui se sont plaints de toi sans que tu y sois pour quelque chose.

Section 11

Ancre 28
Ancre 29
Ancre 30
Ancre 31
Ancre 32

31.§ - Bernard Pachoud, autre pseudo victime

 

- F. Benslama : Bernard Pachoud en est un exemple frappant. Il se plaint aux inspecteurs d’avoir fait l’objet « d’une forme d’ostracisation se traduisant par l’éviction de toute responsabilité depuis plusieurs années et par la suppression de l’axe de recherche qu’il dirigeait au sein du CRPMS » Bien entendu, il ne dit pas qu’il a été élu professeur à la fin de mon premier mandat. Le comité de sélection qui l’a élu, dont j’étais membre, l’a choisi à l’unanimité. Le comité directeur de notre laboratoire (CRPMS) lui a confié la direction d’un axe de recherche dit « émergent », intitulé : « Psychiatrie sociale et philosophie de la psychiatrie » (Cf. Document de la HCERES, campagne d’évaluation 2017-2018). Or, rien n’a émergé de cet axe, au bout de quatre ans. B. Pachoud n’avait avec lui qu’un seul chercheur et peu de publications. Aussi, le comité directeur a décidé de supprimer cet axe qui n’a pas été fructueux, en tirant les conséquences de l’évaluation et en restructurant l’ensemble des axes. Il lui a été proposé de rejoindre un axe qui associe médecine somatique et psychiatrie, afin d’éviter la dispersion et renforcer le travail collectif.

 

- M. Muselli :  Tu as expliqué cela aux inspecteurs ?

 

- F. Benslama : Bien sûr, je leur ai suggéré d’auditionner la directrice du CRPMS, de regarder l’évaluation par la haute autorité, etc. Rien n’y fait. Le cas est mentionné dans le rapport sous la rubrique : « Des enseignants-chercheurs pris pour «cible » B. Pachoud passe pour l’une de mes victimes.

 

- M. Muselli : Et pour la plainte à propos des responsabilités ? 

 

- F. Benslama : B. Pachoud a eu une responsabilité très importante : président du comité d’admission de la licence, ayant à traiter les 8000 candidats annuels que nous recevions à l’UFR pour 170 places en L1. Or, ce collègue n’a pas assumé convenablement cette fonction pour laquelle il était rémunéré. Il était souvent absent aux réunions du comité, mettant en grande difficulté l’ensemble du système de traitement des admissions, comme peut en témoigner la responsable administrative de l’époque : Sophie Lebars. Malgré l’exaspération des membres du comité, j’ai maintenu B. Pachoud jusqu’à la fin de son mandat, en lui choisissant un adjoint qui palliait ses carences. Par la suite, pendant deux ans, il n’a plus eu de responsabilité, personne n’aurait compris qu’on recommence avec lui aussitôt après ses défaillances. Voilà pourquoi B. Pachoud se dit victime du « clan Benslama », selon l’expression des inspecteurs.

 

32.§ - Philippe Givre, mensonges et auto-victimisation

 

- M. Muselli :  D’autres exemples ?

 

- F. Benslama : Contrairement à ce que les inspecteurs rapportent, je n’ai pas de différent avec Philippe Givre, maître de conférences, qui a été Président de la Commission pédagogique au cours de mon premier mandat. Lorsqu’il a décidé de ne plus continuer à assurer cette responsabilité, il n’a plus participé à aucune réunion institutionnelle de l’UFR, arguant de sa résidence à Lille. Ce n’est pas une excuse valable, car la résidence en dehors la région où se trouve l’université, outre le fait qu’elle est soumise à autorisation du CA – mais je ne lui ai jamais fait grief de cela comme pour d’autres enseignants-chercheurs–, elle ne supprime pas les obligations institutionnelles. De plus, Lille est à une heure de Paris. En raison de cette absence d’implication dans les affaires de l’UFR pendant plus de 4 ans et de l’avis négatif des rapporteurs du dossier scientifique de sa demande de CRCT (Congé sabbatique), le Conseil de l’UFR a émis un avis réservé à sa demande, à l’unanimité et à bulletins secrets comme chaque fois qu’il s’agit d’un vote concernant une personne (Doc n°61). Les rapporteurs de son dossier scientifique, ses collègues, avaient indiqué que Ph. Givre publiait toujours dans la même revue dont il était membre de la rédaction, ce qui revenait à le considérer comme chercheur non-publiant, selon les critères de la section du Conseil national des universités (CNU) à laquelle nous appartenons (16ème section de psychologie). Sa qualification aux fonctions de professeur, après son HDR, risquait d’être refusée, ce qui fut d’ailleurs le cas par la suite. Personnellement, je n’accorde pas de l’importance à ces critères pour juger des qualités d’un chercheur, mais ce sont les pairs qui décident des appréciations pour la promotion ou les congés sabbatiques et ils le font en fonction des critères du système en place. Quand on demande à bénéficier des avantages de ce système, il faut tenir compte de ses règles. De même, il est totalement faux que j’ai retardé la signature de l’autorisation de soutenance de son HDR pendant 18 mois. Si c’était le cas, Ph. Givre qui est un ancien maitre de conférences (depuis plus de 15 ans), qui connaît bien les rouages de l’université, aurait pu s’adresser au Vice-Président recherche, au président du Conseil scientifique, à un syndicat. Pour un enseignant-chercheur, il existe beaucoup de voies de recours. En réalité, Ph. Givre ne parvenait pas à constituer correctement son dossier, à trouver un professeur en activité garant de son HDR, ni des rapporteurs extérieurs. L’examen de son dossier a été ajourné deux fois par le Conseil scientifique, qui prend la décision en matière de HDR. La signature du directeur de l’UFR est purement administrative et peut être contournée en cas de problème.

 

- M. Muselli :  Il était donc possible de vérifier cela dans l’ordre du jour des Conseils scientifiques

 

- F. Benslama : Parfaitement, il aurait suffi que les inspecteurs le demandent au responsable administratif, ou bien par un mail au président du conseil scientifique. Ils ne l’ont pas fait et ils ont maintenu la plainte de Ph. Givre. Mieux encore, ils ont fait de Ph. Givre un martyr, à cause des moqueries par mail d’un certain Benjamin Kerbin. Ce dernier a retourné le mail par lequel Ph. Givre a rediffusé l’article de Mediapart à de nombreuses de personnes, j’étais en copie. Je ne connais pas B. Kerbin. Lors de l’audition, Me Rebérioux a demandé aux inspecteurs, s’ils présumaient que Benjamin Kerbin était moi. Ils ont répondu par la négative. Pourtant, cet épisode somme toute mineur de la vie cybernétique figure dans la partie du rapport me concernant. Il semble que la règle dans cette enquête est de ne pas se refuser le plaisir de la charge même avec un cure-dent.

 

33.§ - Autres simulacres victimaires

 

Un autre cas, je dois dire qui m’a laissé coi, mentionné comme étant de ceux qui ont été la cible de ma maltraitance, est celui d’une collègue (je n’ai pu l’identifier) qui prétend que : « … des doctorants (qui) souhaitent faire une thèse dans sa spécialité [la spécialité de la collègue] sont confiés à des collègues de spécialités différentes. » Je précise aux inspecteurs que je n’ai aucune fonction opérationnelle à l’École doctorale. Les candidats s’adressent en général à celles et à ceux qu’ils sollicitent pour la direction de leur thèse. Et si c’était la spécialité de la collègue en question qui ne suscitait pas l’intérêt des doctorants ? Envisager cette possibilité semble exclu, car je suis supposé être l’aiguilleur du ciel doctoral, tout passerait par moi pour arriver à destination.

 

- M. Muselli :  Les inspecteurs se sont contentés de colliger les récits des plaignants.

 

- F. Benslama : Sauf qu’ils reprenaient ces plaintes à leur compte, les authentifiaient comme si elles correspondaient à des faits réels ou vrais sans vérification, et même lorsque je leur démontre que c’est faux, ils ne changent pas de position. Au mieux, ils ajoutent une formule laconique « M. Benslama réfute ces accusations ». Ils ne se sont pas contentés d’enregistrer les plaintes, ils ont fait mon procès avec un simulacre de procédure contradictoire. Un autre cas encore, celui de Claire Squires qui s’est plainte aux inspecteurs de n’avoir plus de responsabilités. Or, cette collègue a été directrice d’études du L2 pendant deux ans, entre 2012 et 2014 (Doc. n°30). Très souvent, elle ne répondait ni aux étudiants, ni aux gestionnaires administratifs, alors que son rôle consistait précisément à recevoir les doléances des étudiants et à faire l’interface avec l’administration de l’UFR. C’est le directeur de la licence de l’époque, Karl-Léo Schwering, qui a demandé son retrait de la responsabilité auprès du Conseil de l’UFR et l’a obtenu. Il avait été obligé de suppléer ses carences.

 

- M. Muselli :  Elle faisait partie de ce que tu appelles la meute ?

 

- F. Benslama : Cette collègue est connue pour être « à l’ouest » comme on dit. Je suis prêt à penser qu’elle faisait partie de la meute sans s’en rendre tout à fait compte. Dans un autre cas, je suis tombé des nues, en apprenant le scénario persécutif qu’Élisabeth Kaluaratchigue a confessé aux inspecteurs. D’abord, elle a rapporté une version du processus de son élection par le comité de sélection qui ne correspond pas à la réalité. Je ne peux reprendre ici les explications que j’ai données aux inspecteurs sans contrevenir à la règle du secret des délibérations du jury. Toujours est-il que je n’ai jamais écrit une lettre au ministère contre l’élection de cette collègue, comme elle l’a affirmé aux inspecteurs. Il faut que je sois arrivé d’une exoplanète pour penser que le ministère peut intervenir concernant l’élection d’une collègue. D’où tient-elle cette fausse information ? Je n’ai jamais sollicité la revue Recherches en psychanalyse pour disqualifier sa candidature aux fonctions de maître de conférences. Je ne la connaissais pas avant qu’elle n’apparaisse un jour comme candidate dans un comité de sélection. Je ne suis jamais intervenu de quelque manière que ce soit dans le dispositif de lecture de cette revue, où l’examen des articles est traité en double aveugle. Voici encore un témoignage indirect : on lui aurait dit que j’ai dit que je la considérais comme vieille. Il est faux que son dossier de HDR a été volontairement perdu en 2017 de mon fait, puis retrouvé un an après. Les dossiers de HDR sont traités au niveau du secrétariat de l’École doctorale. S’il s’agit du formulaire administratif, il est facile d’en faire un autre, ma signature intervient à la fin de la procédure et sans que j’aie à examiner le dossier. S’il s’agit du document correspondant aux travaux, cette collègue n’aurait donc pas conservé un double de son écrit ! Comment E. Kaluaratchigue a-t-elle construit cette machination et pourquoi s’est-elle laissée entrainer dans la meute ? Je n’ai jamais eu de conflit avec elle, elle était discrète, effacée même. Le 17 novembre 2018, en plein tumulte, l’enquête avait commencé, elle m’envoie une invitation pour assister à sa soutenance de HDR, devant un jury où figure G. Pommier, qui voulait la destruction du Département d’Études psychanalytiques où elle enseignait.

 

- M. Muselli :  Il y a peut-être une explication à travers la place importante que confère le fait d’être persécuté, par rapport à l’effacement.

 

- F. Benslama : Il y a une psychopathologie de la vie quotidienne à l’université, particulièrement intense, notamment dans le secteur des sciences de l’homme et de la société, où les luttes des Egos semblent plus violentes. Une autre personne s’est plainte d’une stigmatisation de ma part en raison de son âge, prétendument pour l’exclure d’une candidature au poste de maître de conférences. Il s’agit ou bien de Hélène Godefroy ou bien de Claire Gillie, très proches partisanes de G. Pommier, qui ont participé à la meute. Voici ce qu’écrivent les inspecteurs :

« Une chargée de cours rapporte notamment que M. Benslama ne voulait pas qu’elle soit recrutée en tant que maître de conférences en lui opposant « [qu’elle] n’avai[t] plus l’âge pour espérer un tel poste [...] qu’aucune faculté de France ne voudrait [d’elle]. » Elle déplore qu’on lui ait progressivement retiré toute charge de cours pour ne plus en avoir aujourd’hui. » (p.38).

Pendant longtemps, je me suis demandé comment des inspecteurs de l’IGAENR pouvaient croire à cette farce d’une chargée de cours qui se seraient heurtée à ma volonté de l’empêcher de devenir maître de conférences dans les universités françaises. Puis, j’ai compris que ce n’est pas le fait qui est important, mais le dire et l’écriture de l’assertion victimaire. Une fois que c’est dit et écrit, les inspecteurs me donnent la possibilité de nier, mais selon leurs propres mots et non les miens : « M. Benslama a indiqué à la mission n’avoir jamais écarté une candidature en raison de l’âge du ou de lacandidat(e) à un poste d’enseignant-chercheur. » Les termes de la réfutation qui me sont prêtés comportent insidieusement le poison du fantasme de toute puissance qui m’est attribuée : « n’avoir jamais écarté une candidature en raison de l’âge »,sous-entend que j’ai le pouvoir d’écarter des candidatures pour d’autres raisons.

 

34.§ - De la faiblesse du vrai

 

- M. Muselli :  Le moins que l’on puisse dire est que c’est très retors.

 

- F. Benslama :  Ce dernier exemple montre qu’il y a à la fois la manière retorse de l’enquête et la bêtise du témoignage, à l’instar de beaucoup d’autres dans cette affaire. Normalement, dans une enquête digne de ce nom, autrement dit impartiale, qui vise à établir les faits et non à rapporter rumeurs, commérages et racontars malveillants, ce genre de propos aurait été écarté. Sans doute sommes-nous à une époque où le vrai, qui est par définition fragile et difficile à établir, a subi un affaiblissement à cause du pouvoir pris par la galaxie cybernétique où les lois de la causalité, du différemment et de la vérification des informations ont difficilement cours. Les opinions sont prises dans des intrications gigantesques et incontrôlables, placées d’emblée dans une mise en équivalence relativiste généralisée :  untel a dit une chose et untel a dit autre chose, et bien toutes les opinions se valent, puisque le référent à la réalité est instable ou inexistant. A la fin de l’audition, après avoir abordé ce que les inspecteurs appellent « les comportements inappropriés vis-à-vis des femmes », je leur dis : « mais enfin aucune preuve n’a été apportée à ce que ces quelques personnes ont dit à mon sujet ». La réponse a fusé simple et tranchante : « c’est parole contre parole ». Attendez, mais j’ai apporté un très grand nombre de documents qui montrent que telle ou telle parole est mensongère. § Par exemple, L. Westphal déclare que je l’ai invitée à dîner à Nice le soir, après les auditions du comité de sélection dont j’étais membre, en contrepartie de la communication du sujet de la mise en situation où les candidats, dont elle fait partie, doivent proposer le programme d’un cours. Je présente mon billet d’avion adressé par l’université de Nice qui prévoit mon départ le jour même de l’audition, avec ma carte d’embarquement qui établit que je suis bien revenu à Paris dans l’après-midi. J’ajoute la preuve par un mail de L. Westphal, la veille de l’audition, où il apparaît clairement qu’elle n’avait pas le sujet de mise en situation. Les inspecteurs ont pris bonne note de cela, mais il y a les manifestations de la souffrance de cette personne qui vont peser à la fin plus lourdement que toutes les preuves que j’ai données. Au terme de cette partie sur les comportements dits « inappropriés », les inspecteurs écrivent : « La mission tient enfin à rappeler avoir observé une souffrance importante chez certaines personnes auditionnées et constaté une émotion non feinte lors de l’évocation de certaines situations, même anciennes. » Voilà le régime du vrai pour les inspecteurs, à leur tour ils sont devenus témoins et juges, au nom d’on ne sait quelle compétence de l’authenticité de la souffrance de la victime qui a une valeur de preuve absolue.

 

35.§ - Mensonges sur "les comportements inappropriés" 

 

- M. Muselli :  Venons-en aux cas de ce qu’ils appellent « les comportements inappropriés vis-à-vis des femmes »

 

- F. Benslama :  J’ai déjà parlé plus avant des mensonges de Laure Westphal et de Kyveli Vogiatzoglou, s’ajoute ici le cas de Cristina Lindenmeyer que j’ai commencé à évoquer, et celui d’une étudiante en master prétendant être venue dans mon bureau. Le reste des propos des inspecteurs relève des généralités, dont une partie ne me concerne pas.

 

- M. Muselli :  commençons par l’étudiante.

 

- F. Benslama : Voici ce qu’ils écrivent :

« Une étudiante en master sous la direction de M. Benslama témoigne de l’attitude de ce dernier lors d’un point à effectuer sur son mémoire. Elle indique que M. Benslama l’a accueillie et a accompagné son entrée dans son bureau en posant une main sur le bas de son dos (à la limite du coccyx). Elle ajoute s’être dégagée avec vivacité, considérant que ce geste était déplacé, et souligne qu’il avait lieu précisément au moment où la relation académique se jouait. Dans son mémoire en réponse, M. Benslama déclare que ce témoignage est mensonger et qu’il ne reçoit jamais des étudiants du master dans son bureau, les discussions sur les mémoires ont lieu exclusivement dans le séminaire. »

En effet, les seuls étudiants que je reçois dans mon bureau sont les doctorants. D’une part, du fait de ma charge de travail comme directeur, je ne peux consacrer du temps à chacun des 20 étudiants environ en master, qui font chaque année leur mémoire sous ma direction. D’autre part, le séminaire hebdomadaire du mémoire est le lieu le plus approprié à l’encadrement pédagogique, car chaque étudiant y fait, à plusieurs reprises, un exposé sur l’avancement de son travail devant ses condisciples, ce qui donne lieu ensuite à une discussion et à une élaboration collective très fructueuse. La grande majorité des enseignants a adopté cette manière d’encadrer les mémoires. On pourrait soupçonner que j’ai fait une exception à cette étudiante. J’imagine alors que les inspecteurs lui ont demandé quand cela s’est passé, pourquoi aurait-elle eu le privilège de venir dans mon bureau et surtout de décrire la configuration de mon bureau, qui a des caractéristiques particulières. Je sais en effet, par le responsable administratif de l’UFR, que les inspecteurs sont venus voir mon bureau en mon absence. Or, ils ne m’ont rien dit de cette visite ni avant ni après, ni sur le plan procédural, ni par rapport à la déclaration de ladite étudiante. Ce n’est tout de même pas anodin d’inspecter le bureau de quelqu’un sans qu’il soit présent. Pourquoi ce silence ? Même si ce n’était qu’une observation concernant la disposition du lieu, ils auraient dû m’avertir et me dire ce qu’ils ont conclu de leur déplacement sur le lieu.

 

- M. Muselli :  Quelle est la configuration particulière de ton bureau ?

 

- F. Benslama : Mon bureau est différent de ceux des autres enseignants, il est en même temps une petite salle de réunion et un coin salon avec deux canapés. Il dispose de deux portes d’entrée, l’une de ces portes comporte un plan vitré sur tout le panneau central, recouvert d’un store défectueux depuis au moins deux ans, de sorte qu’on peut voir ce qui se passe dans le bureau, lequel se trouve dans un couloir assez passant.

 

- M. Muselli :  Pour les inspecteurs, que tu sois visible de l’extérieur ne prouve pas que tu n’as pas eu ce geste.

 

- F. Benslama : C’est vrai, mais prouver ce qui n’a pas eu lieu est insensé. Lorsqu’il s’agit de harcèlement ou de violence, lesquels sont des délits relevant du pénal, c’est celui qui accuse qui doit apporter la preuve. Faire la preuve de ce qui n’a pas eu lieu est la tâche à laquelle j’ai été astreint sans cesse dans cette enquête. La question la plus importante ici est qu’étant donné que les inspecteurs sont venus dans mon bureau, qu’ont-ils fait de cette observation, ont-ils cherché à savoir si cette étudiante a dit vrai ou pas à partir d’un élément matériel ? La visée d’une enquête est tout de même l’établissement des faits, ce n’est pas le cas avec des inspecteurs qui s’en tiennent aux déclarations et aux opinions. 

 

- M. Muselli : A combien tu estimes le nombre d’étudiantes dont tu as dirigé les mémoires en master ?

 

- F. Benslama : 90% des étudiants en psycho sont des femmes, en 20 ans de carrière universitaire, j’ai dû encadrer aux alentours de 400 mémoires de master pro et recherche.

 

- M. Muselli : C’est la seule étudiante qui a prétendu que tu as eu un geste inapproprié vis-à-vis d’elle ?

 

- F. Benslama : C’est la seule, et il n’y a eu aucune de mes doctorantes qui ait tenu pareille allégation. J’ai démontré tout au long des auditions que les prétendus « comportements inappropriés », selon l’euphémisme des inspecteurs, étaient des mensonges lorsque j’ai pu identifier les personnes. Parfois, je n’ai même pas eu besoin de prouver ce qui n’a pas eu lieu, car le propos relevait de la rumeur, du témoignage indirect ou bien était manifestement inconsistant. Nous avons observé, mon avocate et moi, que pendant l’audition l’inspecteur (homme) qui m’interrogeait à ce sujet était gêné. Nous nous sommes réjouis (peut être plus moi que Me Rebérioux) de cette attitude en pensant qu’il ne croyait pas aux allégations concernant « mes comportements inappropriés vis-à-vis des femmes. » Erreur, ce n’est pas le problème à leur yeux. Ce qui est important pour eux, encore une fois, ce n’est pas le fait, mais le dire. D’ailleurs, après avoir écrit qu’il y a plusieurs témoignages sur mes comportements inappropriés et de « séduction », ils ajoutent :

« La mission a également entendu des enseignants-chercheurs ou doctorants, incluant des personnes classées parmi ses opposants, déclarant qu’ils n’ont jamais été témoins de comportements inappropriés sur un plan sexiste ou sexuel de la part de M. Benslama (p. 40). »

Attention, c’est une pondération de forme. Les témoignages à décharge ne seront jamais rapportés à l’instar de ceux à charge. Même lorsqu’ils sont inénarrables, ils ont droit de cité, à l’instar de ce propos :

« [une autre étudiante déclare] en précisant qu’il n’y avait eu ni geste inapproprié ni parole déplacée mais qu’elle a pu ressentir une faible ambiguïté(…) » p.41.

 

- M. Muselli : Une faible ambiguïté, c’est ridicule ! 

 

- F. Benslama : Ce qui importe pour les inspecteurs, c’est la parole du témoignage où il s’agit de « ressentir » qui rappelle « éprouver » et « souffrir », puis par métonymie : victime.   

 

- M. Muselli : Tu as ajouté il y a quelques instants le mot « séduction » ! 

 

- F. Benslama : Ce sont les inspecteurs qui parlent de « climat de séduction » dans l’UFR d’une manière générale. Ils m’ont posé la question : « Est-ce que vous êtes séducteur ? ». Je dois dire que j’ai été soufflé. J’ai répondu que je trouvais cette question absurde. Une idée éclair m’a traversé l’esprit à ce moment-là : si j’étais devant des intégristes musulmans, ils ne formuleraient pas autrement le soupçon que je sois satanique, de plus avec les pouvoirs illimités qui me sont prêtés, ça colle avec la séduction qui est d’essence diabolique et… féminine. Mais la question de la séduction mériterait une longue réflexion, que je ne ferai pas ici. N’oublions pas que c’est un problème qui est aux origines de la psychanalyse. Je viens de lire un texte remarquable de Maurice Olender sur la portée historique et anthropologique du terme « séduction ». Il y aurait beaucoup à dire sur la nouvelle économie des mœurs qui s’installe progressivement où la séduction fait retour depuis le mythe théologique sur l’origine de la faute et du mal.

 

36.§ - Remarque sur la post-vérité

 

- M. Muselli : Parlons du cas de Cristina Lindenmeyer

 

- F. Benslama : J’y viens, mais si je parle en ces termes d’époque, d’un changement dans la civilisation occidentale, c’est parce que ce qui m’arrive dans cette conjoncture où je me trouve à une place d’homme à détruire, du mec à abattre dans le lieu même où il a rendu les meilleurs services et dans une grande institution, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de mon cas particulier. Le monde présent permet et rend possible la manière dont ça s’est passé. Il y a toujours eu des scandales de mœurs et de pouvoirs, la manière dont ça se noue ici est celle d’un monde en proie à la post-vérité. Les inspecteurs ne sont pas préoccupés par le partage entre le vrai et le faux, entre l’acte et le verbe, entre la preuve et l’épreuve. Ils ont contribué au saccage de la réputation de plusieurs personnes et d’une institution, sans fondement réel. Pendant tous ces mois, depuis fin septembre 2018 jusqu’à ce jour, avec le simulacre d’enquête de l’IGAENR, j’avais la représentation d’un monde où l’idée du vrai était en train de disparaître.

 

- M. Muselli : Je pense qu’auprès de tes proches, ta famille et tes amis, tu retrouves la représentation du vrai. D’ailleurs cet entretien, au moment où tu t’adresses à moi, n’est-ce pas aussi du vrai qu’il y va ?

 

37.§ - Les mensonges de C. Lindenmeyer

 

- F. Benslama : Je poursuis avec le cas de Cristina Lindenmeyer. Voici comment le rapport commence par présenter ce cas :

« Une maitre de conférences, également sollicitée et progressivement mise à l’écart et ostracisée. En juin 2017, une maître de conférences alerte par courrier la présidente de l’université sur les difficultés qu’elle rencontre depuis plusieurs annéesau sein de l’UFR. La mission a noté la souffrance exprimée par ce témoin lors de leurs échanges. » 

Nous voici à nouveau avec la souffrance. Je précise ici que ma critique ne porte pas sur la souffrance comme telle, mais sur l’usage qui en est fait pour authentifier un témoignage, sans chercher à savoir si ce qui y est dit est vrai ou faux et sans interroger les causes réelles de cette souffrance. Derrière l’usage de cette notion comme argument suprême, c’est de martyre dont il s’agit en fait. Le martyr est le témoin, selon l’étymologie latine du mot, comme d’ailleurs en arabe (châhid-chahîd). Toutes les personnes qui ont témoigné contre moi, qu’elles soient chargées de cours, doctorants, maîtres de conférences, ont en commun qu’ils sont des martyrs, en ce sens qu’ils témoignent et leur témoignage est en soi suffisant aux yeux des inspecteurs, il fait foi de ma cruauté comme directeur, voire comme personne. Ils souffrent d’avoir été empêchés d’accéder aux postes qu’ils pensaient mériter d’obtenir, en leur préférant quelqu’un d’autre à la place désirée, un autre qui n’est pas mieux qu’eux, pour lequel j’aurais usé de mon immense pouvoir occulte, afin qu’il l’obtienne. C’est un détournement (l’un des sens de la séduction) de destin. Ils me reprochent ce qu’ils auraient aimé obtenir par le moyen qu’ils dénoncent. La souffrance de C. Lindenmeyer, s’il y a, serait plutôt liée au fait que par trois fois elle s’est présentée pour le poste de professeur dans l’UFR et chaque fois elle a essuyé un échec, alors qu’elle pensait avec une grande ingénuité qu’elle allait réussir. Chaque fois, elle est revenue vers moi pour me demander les raisons de son échec, incompréhensible à ses yeux. Je lui ai rappelé que le recrutement à l’université ne se fait pas parce que quelqu’un est bon en soi, mais que le concours est une comparaison entre plusieurs candidats. Le mieux classé est celui qui a un excellent dossier au regard du profil du poste, dont l’audition emporte la conviction du jury de 12 collègues. L’une des questions majeures est la suivante : qu’est-ce que le candidat va apporter à l’équipe où il est censé arriver ? Sur ce point, il y a un défaut rédhibitoire pour les membres des comités de sélection qui ont en vue l’intérêt de l’équipe, c’est l’immodestie d’un candidat. C. Lindenmeyer donnait l’impression qu’elle a ce défaut. Chaque fois, je reviens sur cet aspect avec elle : attention ton dossier est bon mais pas aussi excellent que tu le crois, tu as un thème de recherche novateur dans le champ de la clinique (l’homme augmenté), mais tes apports ne sont pas aussi originaux que tu le penses. Tes contributions n’ont pas atteint le niveau où tu te détaches des autres et tu deviens incontournable aux yeux des membres d’un Comité. C’est cette explication de son échec que C. Lindenmeyer a présenté ensuite comme un harcèlement moral, alors qu’il s’agit d’une invitation à mieux se situer et plus modestement.

 

- M. Muselli : C’était insupportable pour elle, tu as été peut-être trop vrai.

 

- F. Benslama : Vrai oui, mais l’insupportable a été construit après. Chaque fois elle me remerciait chaleureusement et partait un peu plus rassérénée qu’au début de l’entretien, en me disant qu’elle allait prendre en compte ce que je lui avais dit. En général quand quelqu’un pense qu’il est la cause de son propre échec, il arrive à mieux l’accepter. J’ai invité C. Lindenmeyer, comme d’autres qui n’ont pas obtenu un poste à l’UFR, à se porter candidate ailleurs où on la connaît pas et où on la découvrirait sous un autre angle. Mais Paris 7 apparaît comme l’Eldorado de la psychanalyse à l’université, ceux qui y sont veulent y rester à tout prix et ceux qui n’y sont pas aspirent à y arriver, jusqu’à la convoitise féroce. Je souligne que C. Lindenmeyer s’est acquittée d’une manière remarquable de la direction du service de la professionnalisation pendant 7 ans, où elle veillait sur les stages de 750 étudiants et sur les relations avec les institutions qui les accueillaient. C’était un membre de l’équipe de direction, quasiment toujours présente aux réunions et que j’appréciais pour son action, malgré le côté suffisant qui agaçait tant ses collègues ainsi que les administratives. Là où ça a commencé à tourner mal, c’est quand F. Villa est devenu VP-CA et qu’il a décidé à s’opposer à moi et à l’équipe des responsables au sein de l’UFR. Il est parvenu à entraîner C. Lindenmeyer avec lui, en la flattant, en lui faisant croire que si elle n’avait pas obtenu le poste qu’elle briguait, c’était à cause de moi et qu’il pourrait l’aider à devenir professeure. C’est là le début de l’hostilité de C. Lindenmeyer à mon égard, qui ira jusqu’à entrer dans la meute. Elle ne se rendait pas compte que sa proximité étroite avec F. Villa la desservait aux yeux de la majorité des collègues. Lorsqu’elle a obtenu en juin 2017 une dispense démesurée de son service d’enseignement à partir de la présidence, les soupçons de liens d’intérêt privé se sont accrus et ont donné lieu à des interpellations qui m’ont été adressées par les enseignants de l’UFR. Pourquoi acceptes-tu privilège ?

 

- M. Muselli : De quoi C. Lindenmeyer t’accusait-elle exactement auprès des inspecteurs ?

 

- F. Benslama : Voici les réponses que j’ai faites aux inspecteurs, en essayant de tracer un cercle de preuves de ce qui a eu lieu, afin de réduire la place donnée à ce qui n’a pas eu lieu :

1- C. Lindenmeyer prétend, 5 ans après, que j’aurais voulu qu’elle me choisisse comme « directeur » de son HDR (2013), à la place de mon collègue Paul-Laurent Assoun. Le but est de montrer qu’elle subissait mon autoritarisme. J’indique au passage que la notion de « direction de HDR » n’existe pas. On parle de « garant » ou de « référent », tant il est admis qu’un collègue qui vise le professorat n’a pas besoin d’être dirigé. Or, C. Lindenmeyer m’a sollicité pour la présidence du jury de son HDR, une fonction plus importante que celle de garant de HDR, quant à la qualification aux fonctions de professeur. Une parole négative du président du jury dans le rapport final, qui est soigneusement lu au CNU, peut avoir des conséquences défavorables pour la qualification du candidat. Pour me demander d’être à cette place, c’est qu’elle me faisait beaucoup confiance. J’ai accepté d’être président de son jury et le rapport que j’ai fait était favorable (je l’ai communiqué aux inspecteurs), en indiquant notamment que le thème de ses recherches était prometteur. Le problème est qu’elle n’a pas su ou pu créer la dynamique attendue et n’a pas développé des travaux originaux sur sa nouvelle thématique de « l’homme augmenté ». Elle s’est portée candidate à des postes qui ne correspondaient pas à son profil et a essuyé par conséquent des échecs répétés ayant affaibli son crédit dans la communauté.

 

2- Je me suis longuement exprimé devant les inspecteurs sur les raisons pour lesquelles j’ai refusé, en tant que directeur de l’UFR, le passe-droit que C. Lindenmeyer a obtenu grâce à sa relation avec F. Villa, en bénéficiant de 96h de décharge d’enseignement (un mi-temps) pour une mission pédagogique au niveau du CFVU (la commission centrale de l’université qui s’occupe de la formation), alors qu’elle n’avait pas de compétences particulières dans ce domaine. C. Lindenmeyer revenait d’une année de délégation du CNRS pendant laquelle elle n’avait pas enseigné. Le fait de bénéficier d’une décharge équivalente à celle d’un Vice-président de l’université ou d’un directeur d’UFR est très exagéré, il avait scandalisé les enseignants de l’UFR, qui voyaient bien le caractère artificiel de la mission. Ce n’est que dans un deuxième temps, face à la réprobation des collègues, que F. Villa a fait valider cette décharge au CA, d’une manière expéditive comme c’est souvent le cas dans des CA dont l’ordre du jour est surchargé et dans lequel une décharge est une question mineure. J’étais dans mon rôle de directeur d’UFR de faire remonter aux instances de l’université la critique et la réprobation contre ce passe-droit (Doc n°62). Elle a produit comme preuve du harcèlement, mon mail à la Vice-présidente du CFVU à ce sujet, mail que j’avais pris soin de communiquer à C. Lindenmeyer par franchise.

3- C. Lindenmeyer a présenté également, comme faisant partie du harcèlement moral, le fait qu’elle ne dispose plus du bureau qui lui était accordé au titre de sa fonction de responsable du service de la professionnalisation qu’elle a quittée. Il était normal qu’à partir du moment où elle disposait d’un bureau dans le bâtiment des services centraux du fait de sa nouvelle mission, elle ne puisse bénéficier d’un bureau aussi à l’UFR pour elle seule. Partager un bureau avec un ou deux collègues dans ce cas n’est pas humiliant, comme pour la majorité des enseignants-chercheurs de l’université, en raison de la forte demande sur les locaux. Du reste, c’est la responsable administrative qui gère cet aspect, j’en ai été informé et je l’ai approuvé.

4- C. Lindenmeyer a considéré que le fait de ne pas retrouver les deux cours magistraux dont elle disposait avant son départ en délégation au CNRS, comme une preuve supplémentaire du harcèlement moral qu’elle subissait de ma part. Or, pendant l’année où elle était absente, les cours ont été attribués normalement par la commission des enseignements à d’autres enseignants, lesquels ne souhaitaient pas s’en dessaisir aussi rapidement, compte-tenu de la lourde préparation qu’un cours magistral représente. C. Lindenmeyer voulait avoir tous les avantages, sans les inconvénients de ses choix. 

- Pour compléter le tableau du harcèlement, C. Lindenmeyer a déclaré aux inspecteurs que je lui aurais tenu des propos sexistes après les réunions de débriefing suite aux échecs de sa candidature :

« Elle informera la mission que ce n’était pas la première fois qu’elle subissait des remarques de M. Benslama. Il lui en aurait déjà faitpar le passé sur sa tenue vestimentaire et son apparence physique. À la sortie d’une réunion, en arrivant derrière elle, il lui aurait posé lamain sur la nuque en lui disant à l’oreille qu’elle était belle avec « cette robe », ce qui conduira cette femme à s’écarter rapidement pournotifier son refus d’accepter toute proximité et toute relation autre que professionnelle. »

C’est là que les preuves manquent pour démontrer ce qui n’a pas eu lieu.

 

- M. Muselli : Est-ce qu’elle a dit que si elle n’avait pas obtenu le poste de professeur, c’est parce qu’elle t’a refusé ses faveurs sexuelles ?

 

- F. Benslama :  Elle n’a pas formulé cette accusation, parce qu’elle n’avait pas la moindre trace pour créer le soupçon à ce sujet. Le but n’était pas celui-là, c’était de me salir et d’obtenir que l’enquête me fasse passer pour un prédateur sexuel, sans qu’elle ait à se justifier et à donner des preuves. Comme les deux ou trois autres émeutières, elle profitait de la libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles, pour se mettre dans la roue de ce mouvement, ce qui a permis à la meute de provoquer l’enquête et de susciter le lynchage auquel s’est prêté également le magazine ELLE, le 19 juin 2019. Il faut voir ce qui a été écrit sur moi dans des milliers de mails, sur les murs et le sol de l’université avant toute enquête. Comme C. Lindenmeyer bénéficiait de l’anonymat, elle était assurée que je ne pouvais pas la poursuivre en diffamation, qu’elle n’aurait pas à répondre devant la justice de ce qu’elle a dit. C’est le même procédé dans l’article de Mediapart, sous prétexte de protéger les victimes. La justice n’accepte pas d’instruire dans l’anonymat, en quoi serait-ce dommageable pour les plaignants ? C’est le principe de l’égalité des armes entre accusateur et accusé et du débat contradictoire comme fondement de la justice qui a été rompu dans cette enquête. Les femmes dont il est question : Laure Westphal, Kyveli Vogiatzoglou, Cristina Lindenmeyer et l’étudiante inconnue, étaient déjà considérées comme victimes de « violences sexuelles » avant toute investigation, j‘avais face à moi des délateurs masqués et assurés de l’impunité qui pouvaient dire ce qu’ils voulaient, avec des inspecteurs qui profèrent dans leurs rapports des mises en cause générales individuelles et collectives sous des titres racoleurs. Dans un état de droit, l’anonymat devrait être interdit lorsqu’il s’agit d’accusations ou d’imputations pouvant avoir des conséquences dommageables pour une personne, sauf bien entendu lorsque l’auteur est un enfant ou un mineur de moins de 16 ans.

 

38.§ - Une enquête dans le monde de la post-vérité

 

- M. Muselli : Est-ce que quelques témoignages en ta faveur sont apparus dans le rapport ?

 

- F. Benslama : Les témoignages à décharges ont été expédiés en quelques lignes, dont j’ai donné l’occurrence plus avant. C’est même pire puisque les inspecteurs ont essayé d’affaiblir le témoignage de Charlotte Richoux, et plus grave encore, ils ont mis en doute celui de W.N en adoptant le point de vue de ses oppresseurs qui prétendaient qu’elle a changé le sens de son témoignage. Là, les inspecteurs ont eu du mépris pour la souffrance de cette personne qui a demandé la protection de la présidente de l’université. Ils disent qu’ils avaient la preuve à travers une lettre anonyme qu’elle avait modifié son témoignage. C’est le seul moment dans un rapport de 42 pages où ils utilisent le mot de « preuve », alors que leur enquête s’est étalée sur 10 mois, qu’elle a convoqué et auditionné une centaine de personne, qu’elle a créé un trouble inédit dans l’une des grandes universités parisiennes, qu’elle a entaché la réputation de plusieurs personnes, sans parler des poursuites judiciaires qui peuvent être déclenchées à la suite de ce rapport. Que le mot qui permet d’établir la vérité ou la réalité soit écrit une seule fois, pour mettre à mal un témoignage à décharge d’une jeune femme malmenée parce qu’elle a parlé en son âme et conscience et refusé de suivre la meute, en dit long sur la nature de cette enquête. Elle mérite d’être considérée comme une enquête dans le monde de la post-vérité. Dans un tel monde, la volonté de détruire n’a plus d’entrave, car le droit n’a plus de fondement.

Section 12

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